Chaque année depuis 1999, l’actuel Premier ministre hongrois chrétien-démocrate Viktor Orbán tient en février un discours sur l’état de la Nation, sorte de bilan de l’année écoulé et analyse publique des problématiques en vue. Nous vous proposons ici l’intégralité de la retranscription traduite de ce discours, tenu à Budapest le 16 février 2020 :
Bonjour à tous !
C’est une vraie chance que je n’aie pas eu à prononcer mon discours sur l’état de la Nation il y a cent ans. Car cette année sera celle du centième anniversaire du diktat de paix de Trianon. Il y a cent ans, le premier ministre du pays s’appelait Károly Huszár. S’il avait tenu un discours sur l’état de la Nation, il aurait dû dire que l’année écoulée n’avait pas été bonne. Elle avait même été sacrément mauvaise. Il aurait dû dire que nous avions subi d’immenses pertes humaines dans la guerre mondiale, dont aucune famille n’avait été épargnée. Nous avions achevé les combats, avec nos alliés, dans le camp des vaincus. La Monarchie austro-hongroise, qui avait fourni le cadre étatique de notre existence, était anéantie. Il aurait dû dire que la paix sociale avait cessé d’exister, et qu’une situation de guerre civile était en train d’entamer la force vitale des Hongrois. Le coup de grâce avait été donné par le putsch communiste. Toutes sortes d’expérimentations avaient vu le jour : monarchie constitutionnelle, république populaire, république des conseils communiste. Il y a cent ans, le premier ministre aurait été obligé de faire savoir à ses interlocuteurs qu’aucune d’entre elles n’avait réussi. Nous étions même arrivés si bas que nos ennemis faisaient danser leurs chevaux à leur guise dans les rues de Budapest. Et si cet infortuné premier ministre avait pu lire dans l’avenir, il aurait dû dire qu’à peine quatre mois plus tard sera publié le diktat mettant fin à la guerre mondiale. Ce diktat n’a pas seulement mis fin à la première guerre mondiale. Il a également mis fin à une époque de l’histoire de la Hongrie. Avec ce diktat, l’on a arraché 63% du territoire de notre pays, plaçant un Hongrois sur trois au-delà de nos frontières. Cette décision était clairement un arrêt de mort. L’Histoire ne connaît pas de nation qui aurait survécu à une telle hémorragie. Ceux qui en ont décidé connaissaient l’Histoire, et ont décidé en connaissance de cause. Le comte Apponyi, qui dirigeait la délégation hongroise, à très justement indiqué que la tombe de la Hongrie venait d’être creusée. La perte était en soi déjà accablante, mais elle a été encore aggravée – si c’était possible – par le fait que nous nous sommes trouvés entourés de formations étatiques telles que la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Et même, comme si tout cela ne suffisait pas, nous avons reçu l’Union soviétique comme voisin oriental à la suite de la seconde guerre mondiale. Voilà pour toi, pauvre malheureux. Des ennemis tout autour de nous. Le résultat : la quarantaine en politique, l’isolement économique, l’assujettissement dans la défense, la solitude dans la culture, l’abandon dans la vie spirituelle. Nous nous sommes donc resserrés, et nous nous sommes organisés pour survivre. Nous savions qu’il fallait attendre. Attendre que les formations étatiques ennemies s’affaiblissent et finissent par rendre les clefs. Ce qui s’est effectivement passé. La légende veut que le comte Apponyi ait également déclaré voici cent ans que l’on avait peut-être creusé ici la tombe de la Hongrie, mais que les Hongrois seront présents à l’enterrement des fossoyeurs. Et de fait : nous avons assisté de nos yeux à la disparition de la Tchécoslovaquie, à la désintégration de la Yougoslavie et à la décomposition de l’Union soviétique. Aujourd’hui, cent ans après l’arrêt de mort de Trianon, je suis heureux de vous faire savoir que nous sommes vivants, et que la Hongrie n’a pas cessé d’exister. Et non seulement nous vivons, mais nous avons aussi échappé à l’encerclement hostile. A la place de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie, nous avons reçu des Slovaques, des Slovènes, des Croates et des Serbes. Et je constate avec ébahissement qu’avec la Slovaquie, la Serbie, la Croatie et la Slovénie, qui ont retrouvé leurs bases nationales, nous avons trouvé le langage commun, les possibilités d’une large collaboration et même celles d’alliances. L’Histoire nous a rendu la perspective de voir les peuples d’Europe centrale former de nouveaux systèmes d’alliances en fonction de leurs intérêts nationaux respectifs, nous permettant de nous défendre contre les dangers provenant de l’est et de l’ouest. Comment avons-nous été capables de supporter ces cent années ? Comment avons-nous été capables de nous sortir d’une situation désespérée ? Il y a une réponse à cette question. Elle tient en quelques mots, qui nous ont apporté leur aide pendant cent ans, que chaque génération a transmise à la suivante et que, premier ministre, je ne puis que répéter à mon tour cent ans plus tard : je crois en une patrie.
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Après les cent ans, dix ans. Car nous avons aussi un dixième anniversaire. Voici dix ans, les Hongrois ont mis fin au gouvernement socialiste de funeste mémoire, et le gouvernement de sensibilité nationale a pris ses fonctions. La victoire électorale de 2010, qui nous assuré une majorité des deux-tiers des sièges, était le résultat à la fois de l’espoir et du désespoir des électeurs. Le pays était au bord de la faillite, il avait été placé sous l’assistance respiratoire du Fonds monétaire international. Le chômage aux sommets, les ménages endettés, les endettés en devises au bord de la noyade. À condition encore qu’il y ait eu de l’eau. Le désespoir était plus que justifié, mais il y avait aussi des motifs d’espérer. Espérer que nous pouvons nous ressaisir, que nous pouvons casser le sentiment de déclin, sortir de la philosophie bon marché du « souhaitons seulement que cela n’empire pas », que nous pouvons trouver un chemin ascendant, et qu’être Hongrois redeviendra beau et digne de notre ancienne et brillante renommée. Nous ne savons pas combien étaient les désespérés, ni combien étaient ceux qui espéraient, mais face au déluge cela n’a peut-être même pas d’importance. Ce qui est important dans un moment pareil, c’est de convaincre les citoyens de ne pas se laisser aller, de les inciter à l’action, de les persuader que cette fois encore, il vaut la peine de se retrousser les manches et de mobiliser ce qui leur reste de forces. C’est là le secret de toute gestion de crise. Au cours des nombreuses décennies de ma vie politique, j’ai observé que tout succès, le succès du relèvement d’une nation commence par le renforcement de la confiance et de l’estime de soi. Voyez les deux exemples occidentaux récents : les succès de l’Amérique de Trump et de Boris Johnson. Et j’ai également observé que le retour de la confiance individuelle en soi des citoyens d’un pays n’est possible que conjointement à celle de leur nation. La clef du relèvement est ainsi la restauration de la confiance en soi de la nation et de l’estime qu’elle se porte à elle-même. C’est pourquoi nous nous sommes fixé pour objectif en 2010 de nous prouver à nous-mêmes, et bien sûr aussi au monde, qu’il faut encore compter avec nous, que nous ne sommes pas de ceux qui étreignent fébrilement le bord de leur chapeau en quémandant les prêts du FMI et l’argent de l’UE en attendant l’aide de l’extérieur, comme nous en donnions l’impression. Notre programme était simple : montrons qui nous sommes en vérité. Montrons que les Hongrois, c’est nous. Avec un État millénaire, des réalisations culturelles d’excellence, des dizaines de Prix Nobel, 177 médailles d’or olympiques, une merveilleuse capitale, des experts fantastiques en technique et en informatique, une campagne hongroise dotée d’exploitants aux instincts géniaux. Nous nous sommes dit : ou bien nous trouvons une route, ou bien nous nous en traçons une. Et puisque les routes que nous indiquaient Bruxelles et Washington ne nous étaient pas praticables, nous avons bien été obligés de nous en tracer une nouvelle. Il y a dix ans, j’ai pensé que le peuple qui a inventé le Rubik’s cube était capable de découvrir aussi la manière de se sortir d’une situation de crise réputée désespérée. Dix ans après, je peux affirmer en toute modestie que nous avons trouvé cette route, et que nous y sommes arrivés. Nous avons pris une profonde respiration, et nous avons planté les bases : nous avons enfin une constitution d’inspiration nationale et chrétienne, et je voudrais remercier notre président de la République « constituant », Pál Schmitt[1] : gloire à lui, triple bravo ! Nous avons renvoyé le FMI dans ses foyers, nous avons remboursé ses prêts par anticipation, nous avons créé 850 000 emplois, nous avons mis fin à l’assistanat, nous avons remis en ordre nos finances publiques, nous avons donné respect et estime aux travailleurs, les familles se sont vues reconnues – les familles nombreuses tout particulièrement –, nous avons lancé la réunification de la nation et nous avons relié à la mère-patrie les communautés hongroises d’au-delà les frontières. Et l’Europe tout entière peut lire dans les rapports économiques publiés cette semaine par Bruxelles qu’il semble que l’économie hongroise soit celle qui a connu la plus forte croissance de tout le continent en 2019.
Voilà dix ans que l’on débat sur le point de savoir ce qu’il faut penser du modèle économique et social que nous avons appliqué en Hongrie. On l’affuble de tous les noms : illibéral, post-libéral, chrétien-démocrate, démocrature, régime autoritaire et hybride, et Dieu sait encore de quoi d’autre. Ce désarroi n’est pas étonnant, car il n’existe pas de construction équivalente à la nôtre ailleurs en Europe. Peut-être seulement en Pologne. L’on ne veut pas accepter que dans ce coin du monde il soit possible, sans aucune ratiocination libérale, de faire descendre notre liberté de trois lois chrétiennes très simples : (1) nous avons reçu la capacité de distinguer et de différencier le bien du mal ; (2) le Bon Dieu nous a tous créés à son image, nous sommes donc tous égaux, indépendamment de notre origine et de la couleur de notre peau ; et (3) le christianisme nous enseigne qu’il faut faire aux autres ce qu’on voudrait que l’on nous fasse à nous-mêmes. L’Europe a oublié que c’est sur la base de ces lois que s’édifie également le monde de la liberté politique. Il est impossible, dans la langue euroblabla libérale pratiquée à Bruxelles, de décrire ce qui s’est passé, ce qui se passe en Hongrie. Il n’est pas possible, en bruxellois, d’expliquer que les Hongrois n’ont pas seulement fiché leur cognée dans le tronc d’un arbre de grande dimension, mais aussi dans toute une forêt vierge, et qu’ils s’en sont sortis. Un cerveau FMI est incapable de comprendre que bien qu’enserrés dans la poigne du capital financier international, pris à la gorge par les banques, noyés dans l’endettement, confrontés aux injonctions des experts aux élégants costumes du monde financier international d’avoir à prendre des mesures d’austérité, nous ayons eu le courage de dire non. Un esprit bruxellois et washingtonien est incapable de comprendre qu’aux confins orientaux de l’Union il puisse exister un pays déguenillé et mis à genoux, ne comptant que pour 2% de l’ensemble de l’Union européenne, qui déclare envers et contre tout : il n’y aura pas d’austérité. Il y aura, à la place, une voie hongroise : baisse des impôts, production au lieu d’emprunts, travail au lieu d’assistance, esprit d’entreprise au lieu de petits arrangements, économie patriote au lieu d’affairisme mondialisé, confiance en soi et engagement au lieu de courbettes, enfants hongrois au lieu de migrants. En y repensant, c’était plus que risqué, c’était au moins une aventure téméraire, mais l’on peut dire aussi que c’était le réveil de la force hongroise. Aujourd’hui, je vois que la clef du succès a été que le gouvernement ne s’est pas retrouvé seul, vraisemblablement parce que nous n’avons jamais gouverné par-dessus la tête des gens, nous n’avons jamais cherché à les contourner, nous avons toujours trouvé la manière d’agir de concert avec eux. C’est ce qu’on appelle une gouvernance basée sur les consultations nationales.
Personne ne nous croyait, personne n’aurait misé un clou sur nous. On nous prédisait le pire, avec une joie non feinte. Ceux qui cherchaient à nous effrayer avec le plus d’insistance étaient ceux qui avaient mené le pays à la faillite avant 2010. Il est intéressant de constater que c’est un gouvernement composé d’anciens communistes qui a mené le pays à la faillite avec une politique libérale. Cet exemple confirme la thèse selon laquelle le « libéral » n’existe pas. Le libéral n’est autre qu’un communiste diplômé. Si nous avions suivi leurs conseils, la Hongrie serait aujourd’hui couchée dans un lit d’hôpital, les membres lardés des perfusions du FMI et de Bruxelles, avec le robinet des prêts entre les mains de George Soros. Il n’y a là aucune exagération. Pratiquant le métier de la politique depuis plus de trente ans, j’ai assisté de mes propres yeux aux trois tentatives de George Soros de razzier la Hongrie. Une première fois au début des années 90, quand il a voulu racheter la totalité de la dette du pays : la totalité de la dette publique dans une seule main, le sort de chaque Hongrois entre les mains de George Soros. Rien qu’y penser donne la chair de poule. Toute notre reconnaissance va à József Antall[2], qui y a fait échec. Et je me souviens aussi de 1994, quand Soros a cherché à nous razzier une seconde fois, en essayant de mettre la main sur l’OTP, à l’époque la seule banque commerciale à guichets du pays : là aussi, l’argent de tous les Hongrois dans une seule main, c’était une vision non moins glaçante. Toute notre reconnaissance va à Gyula Horn[3], qui y a fait échec. Les larges succès d’aujourd’hui de la banque OTP montrent qu’il a eu raison. Quant à la troisième tentative, les plus jeunes s’en souviennent aussi : en 2015, des réseaux de trafiquants d’êtres humains déguisés en organisations de défense des droits de l’Homme ont conduit par centaines de milliers les migrants aux frontières de la Hongrie. Et quand l’Europe commençait à ployer sous le poids de la migration, Soros a déclaré qu’il était prêt à financer à crédit l’implantation d’un million de migrants par an. Je vous prie de ne pas oublier que le Plan Soros d’implantation systématique de populations allogènes est toujours d’actualité, l’action est en cours, et il nous appartient de nous en défendre, inlassablement et avec la plus grande énergie.
Jeunes qui m’écoutez, tout cela est de l’histoire pour vous. Je sais aussi qu’en dix ans toute une génération a grandi, qui ne sait plus ce que veut dire ce mot : austérité. Une génération a grandi, pour laquelle « discours d’Őszöd[4], charge policière, éborgnements[5] » sont des expressions qui ne veulent rien dire, et la « boîte Nokia[6] » ne lui rappelle qu’un téléphone portable, ou peut-être même plus. Il y a dix ans, notre objectif était d’éviter à nos enfants et à nos petits-enfants d’avoir à connaître de près de tels excès. Mais nous devons les rappeler, parce que – comme le dit un dicton hongrois – ceux qui n’ont jamais vu d’ours n’auront pas peur de l’ours. Et si jamais vous vous trouvez un jour face à l’ours, vous ne saurez pas ce qu’il convient de faire dans ce cas. Il est bon que vous sachiez que l’on ne plaisante pas avec l’ours.
Ces dix dernières années, mes chers amis, nous les avons parcourues ensemble. Si je compte bien, nous avons décidé de nos mesures les plus importantes dans le cadre de huit consultations nationales. Nous avons décidé ensemble de la constitution, de la réduction des dépenses d’énergie, des questions sociales, de l’imposition des banques, du soutien aux familles ainsi que du rejet du Plan Soros. Ceux qui veulent nous donner des leçons de démocratie devraient d’abord nous montrer quelque chose d’approchant de nos consultations nationales. Nous commençons à nous habituer à ce que ceux qui ne dansent pas en politique au rythme des attentes des libéraux soient immédiatement qualifiés de populistes. C’est la nouvelle dénomination de l’ennemi de classe. Or, mes chers amis, le populiste est celui qui fait des promesses aux électeurs tout en sachant qu’il ne pourra pas les tenir. Celui qui fait des promesses et les tient n’est pas populiste, mais démocrate. Et nous autres Hongrois pouvons tranquillement nous classer dans cette dernière catégorie. Nous nous préparons actuellement à une nouvelle consultation nationale. Et c’est de nouveau la contrainte qui nous y mène. Nous faisons face en Europe à une situation où les droits des délinquants violents sont devenus plus importants aux yeux des décideurs que ceux des citoyens respectueux des lois. L’on tourne en dérision la vérité, l’instinct vital sain des hommes honnêtes, et l’on préfère la défense des délinquants à celle des victimes. Cet inquiétant phénomène a atteint aussi la Hongrie. Nous devrons compter avec des débats sérieux et des épreuves internationales. C’est pour cette raison que nous devons faire le point de notre consensus, afin que le gouvernement ait sur quoi se reposer et qu’il sache où il met les pieds. Des organisations financées de l’étranger, et appartenant bien entendu, ainsi que les avocats qu’elles missionnent, aux réseaux Soros entament à la pelle des procédures conduisant à faire payer par l’État hongrois des sommes significatives aux délinquants violents et, naturellement, à eux-mêmes aussi. Il s’agit clairement d’abus de droit. Ces procès – il y en a 12 000 – coûtent des milliards de forints. Nous ne pouvons pas continuer à regarder cela les bras croisés, et c’est pour cela que nous en faisons l’objet d’une consultation nationale.
Je ne voudrais pas non plus laisser passer sans réagir l’affaire de Gyöngyöspata[7]. Il est question d’une des belles et attrayantes petites villes de Hongrie et de ses habitants, que je salue d’ici avec le respect qui leur est dû. Cette localité compte environ 20% de Hongrois d’origine tzigane, qui cohabitent avec une majorité de 80%. Une décision de justice a agité l’opinion publique en octroyant, au nom de la ségrégation, une indemnité considérable à une partie de la communauté rom, à la charge, qui plus est, du budget communal qui est loin de disposer d’une telle somme. Cette décision est susceptible de provoquer la faillite de la commune tout entière. Tout cela au moment précis où les familles tziganes, ou tout au moins une part significative d’entre elles, ont pris le chemin d’un changement de leur mode de vie. L’on ne peut pas parler sans émotion de ce changement remarquable, qui voit des dizaines de milliers de familles tziganes accepter les emplois qui leur sont offerts, et figurer honorablement dans les emplois marchands qui suivent leur passage par les travaux d’intérêt général. Ils vivent de leur travail et non plus de l’assistance, ils élèvent correctement leurs enfants, et se méritent notre reconnaissance à tous. Leurs enfants fréquentent l’école maternelle dès l’âge de trois ans, se préparent ainsi à l’école, et les perspectives s’améliorent de jour en jour de les voir tenir leur place face à leurs camarades issus de milieux plus favorisés. Il est de notoriété publique que le gouvernement s’est engagé – et j’en fais aussi une affaire personnelle – à éliminer la pauvreté en Hongrie, et c’est pourquoi nous nous sommes également engagés dans l’amélioration de la condition des familles tziganes. Nous avons même réussi à obtenir un consensus social sur ce point. C’est ce processus vertueux qu’est venu frapper le coup de tonnerre de cette décision de justice, qui a de nouveau monté les uns contre les autres les habitants de Gyöngyöspata. Inutile de dire que l’organisme à l’origine de cette procédure judiciaire est également financé par George Soros. Vous voyez qu’il n’y pas de hasard. Je voudrais affirmer que nous ne nous laisserons pas détourner de nos objectifs. Nous continuons à croire en une Hongrie où tout Hongrois puisse se sentir en sécurité et où chacun puisse recevoir la possibilité d’une vie heureuse. Nous ne supporterons pas davantage que l’origine ou l’appartenance ethnique soit une cause de stigmatisation ou constitue un handicap, mais elle ne peut pas non plus être la source d’avantages ou de privilèges. Et pour recevoir de l’argent, chacun doit travailler, indépendamment de son origine.
L’anniversaire des cent ans et celui des dix ans nous incite à mettre les deux en relation. Que signifient nos dix dernières années dans le cadre des cent ans ? En y réfléchissant, je me suis effrayé à la pensée de la manière dont je vais y répondre. Je me suis effrayé à l’idée que ce que je dois dire, ni vous, ni la très respectable opinion publique hongroise n’allez le comprendre. Vous allez croire que j’encense impudemment ma propre boutique. Mais puisqu’il n’est pas question de ma propre boutique, ni même du gouvernement, mais de la performance commune de la Hongrie tout entière, je me suis tout de même décidé à dire l’inhabituelle vérité. Rien à faire : l’histoire est l’histoire, la culture est la culture, et au bout du compte c’est cela qui forme la pensée des peuples. Le peuple hongrois s’est déshabitué de considérer ses succès. C’est Hobo[8] qui a raison : « nous étions si souvent en bas, que nous ne savons plus ce que c’est que d’être en haut… » Et lorsque enfin, après bien des vicissitudes, nous nous retrouvons en haut, nous n’y croyons pas, nous ne croyons même pas à nos propres yeux. Et lorsque nous ne pouvons plus nier que le succès est le succès, que la croissance est la croissance, que le sommet est le sommet, nous y ajoutons que bien sûr ce n’est que provisoire, il y manque les bases solides, ce n’est même pas à nous que nous le devons, c’est au fond sous l’effet de facteurs extérieurs que tout cela arrive. Nous sommes inépuisables et imbattables dans cet autodénigrement. Grands dieux, quel discours frénétique le président des États-Unis ne pourrait-il pas tenir autour de ces mots que je ne prononce qu’avec prudence, et même avec crainte ! Car les faits montrent que nos dix dernières années ont été la meilleure décennie dans les cent dernières années de l’histoire de la Hongrie. Au lieu d’un discours et d’une agitation frénétiques, restons donc, à la manière hongroise, dans le monde exempt d’émotion des simples faits.
Les périodes de croissance prolongée sont rares dans l’histoire de notre pays. Mais depuis 2010, la croissance de l’économie hongroise a été de 2,8% en moyenne par an. Ce chiffre monte à 3,8% depuis 2013, après la sortie de la crise. Une croissance de cette nature n’a pu être obtenue dans le passé qu’au prix de l’endettement envers l’étranger. Mais la croissance des dix dernières années s’est réalisée conjointement avec la préservation de l’équilibre financier tant intérieur qu’extérieur. Une balance des paiements courants excédentaire, une politique budgétaire disciplinée, une dette publique en baisse rapportée au PIB : en un mot comme en cent, une croissance durable associée à la préservation de l’équilibre intérieur et extérieur ne s’est vérifiée sur aucune autre des décennies de nos cent dernières années. Tout cela – sur la base des critères européens – avec un maintien à un niveau modéré des inégalités de fortune, ce qui veut dire que les bienfaits de la croissance ont également touché les couches les plus larges de la société. Il a été possible d’orienter vers le travail les catégories les plus fragiles : les jeunes, les plus de 50 ans, les femmes élevant leurs enfants, les moins qualifiés. Les salaires se sont mis à monter, le salaire minimum et le salaire minimum garanti ont doublé. Aux amateurs de statistiques économiques, je signale que les inégalités de fortune sont en Hongrie les plus faibles de toute l’Union européenne : l’écart est de 79% en Allemagne et en Autriche, contre 45% chez nous. La baisse généralisée des impôts a donc porté ses fruits, parce que la marée haute élève l’ensemble des bateaux.
Et si l’on ajoute à tout cela que 2019 a connu le plus grand nombre de décisions d’investissements de tous les temps – 101 investissements majeurs pour une valeur de 1 700 milliards de forints [5 milliards d’euros] –, nous avons des raisons de nous étonner : 60% de la valeur de ces investissements provient de l’est. Voilà pour l’intérêt de notre politique d’ouverture à l’est. Nous pouvons ajouter aussi que nous avons battu en 2019 notre record d’exportations : 35 pays dans le monde sont capables d’aligner plus de 100 milliards d’euros d’exportations par an, et nous faisons partie de ces 35. Par la population, nous sommes le 94ème pays du monde, mais le 34ème par les exportations. Dans le classement mondial des exportations, nous sommes 3ème pour les semences, 15ème pour les céréales, 17ème pour les bêtes sur pied, 18ème pour les produits pharmaceutiques, 20ème pour la production automobile. Je répète : dans le classement mondial ! Tout cela a été obtenu par un pays de 10 millions d’habitants. Y a-t-il une meilleure preuve de la capacité et de l’application au travail des Hongrois ? Je voudrais faire remarquer ici que ceux qui dénigrent les enseignants hongrois, notre enseignement et notre formation professionnelle pourraient faire preuve d’un peu plus de retenue. Les ouvriers, les experts et les ingénieurs qui font fonctionner ici, en Hongrie, les usines les plus modernes du monde sont tous sortis de nos écoles et de nos universités. Je réclame davantage de respect pour les ouvriers hongrois et aussi pour les ingénieurs hongrois. Sans parler des enseignants. Je sais que beaucoup s’inquiètent de la forte proportion de l’industrie automobile dans notre pays, parce que l’avenir de cette branche est incertain. Je voudrais rassurer tout le monde : la Hongrie vit déjà dans la nouvelle ère de l’industrie automobile, c’est chez nous que se créent les capacités de production de l’automobile électrique de l’avenir.
Nous avons beaucoup appris au cours des dix dernières années. Nous n’avons pas ménagé nos peines pour acquérir ces nouvelles connaissances. Nous avons appris par exemple qu’aucun pays ne peut être pris au sérieux sans une armée nationale, et sans que la nation ait confiance en elle-même. Comment donc un pays pourrait-il être fier de lui-même, s’il est incapable de se défendre ? Nous avons besoin d’une armée moderne et forte, qui soit capable d’arrêter les agressions provenant de notre environnement, de remplir ses obligations dans n’importe quel point du monde et qui, à l’ère des crises de dimension mondiale, nous connecte à un vaste système d’alliances. La technique est importante, l’armement est important, la diplomatie militaire est importante, mais le plus important est le soldat. Nous avons besoin de bons soldats et de bons officiers. C’est pourquoi je me réjouis de la présence ici des officiers qui ont accepté notre invitation. Je vous salue ! Tout le monde peut voir que l’armée hongroise est de retour. Je vous demande de faire en sorte que les militaires puissent être présents aux événements organisés par le gouvernement ou par la société civile – pas aux manifestations partisanes – et qu’ils occupent la juste place qui leur revient dans la vie sociale. Qu’il en soit comme autrefois.
Nous avons appris aussi que l’Europe n’est pas à Bruxelles. L’Europe, c’est nous, et nous n’avons pas à nous adapter aux élites fatiguées de Bruxelles, qui commencent à perdre leurs illusions y compris sur elles-mêmes. Nous avons cru autrefois que l’Europe était notre avenir : nous savons aujourd’hui que c’est nous qui sommes l’avenir de l’Europe. Nous avons appris que même si l’on nous flétrit à partir de Bruxelles, ce n’est pas la fin du monde. Nous avons appris que nous sommes capables de supporter bien plus de choses que nous l’aurions cru. Nous en supportons bien davantage, parce qu’aujourd’hui la force rayonne depuis le Bassin des Carpates. Et cette force trouve sa source dans la reconnaissance du fait qu’il est bon d’être Hongrois, que c’est une qualité qui élève et qui est riche en promesses. Nous ne nous laissons plus embobiner par toutes les sornettes libérales sur le marché autorégulateur, le bon capitalisme, l’Union européenne et le bel ordre mondial globalisé. Nous vivons à notre mode, selon nos règles et selon nos propres décisions. Notre nation le sait : Hungary first ! Ceux qui ne sont pas d’accord devraient nous dire qui diable, si ce n’est pas la Hongrie, serait first ? À cela, il n’y a pas de réponse sensée. Tenons-nous en donc à cette maxime : la Hongrie avant tout !
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Tout cela, Mesdames et Messieurs, présente plutôt bien. Il est compréhensible que certains évoquent déjà l’âge d’or, mais j’ai une mauvaise nouvelle pour eux : l’heure n’en est pas encore venue. La situation est même que les perspectives des années qui nous attendent ne sont pas exemptes de motifs d’inquiétude. Je vois l’arrivée d’années carrément dangereuses, y compris l’année 2020 qui vient de commencer. Nous devons prendre des mesures sérieuses pour préserver ce que nous avons acquis. Et si nous ne voulons pas nous contenter de défendre, mais aussi progresser, nous développer, nous élever, nous devrons faire des efforts particulièrement significatifs. La crise climatique et le déclin démographique nous menacent, et des ombres de mauvais augure s’accumulent au-dessus de l’économie européenne. Loin de proclamer l’âge d’or, je dois plutôt tirer la sonnette d’alarme.
La crise climatique n’est pas une nouveauté. Les Hongrois en sont conscients. Nous le devons surtout à M. le Président de la République János Áder, qui lutte sans relâche contre l’indifférence et le désintérêt. Nous avons enfin pu trouver un accord à Bruxelles. Nous nous fixons pour objectif une économie européenne exempte de dioxyde de carbone pour 2050. C’est possible en Hongrie aussi, quoique difficilement. Il est vrai aussi que 2050 est loin, et les hommes politiques n’ont jamais été avares de promesses, d’autant plus que nul ne sait où il sera en 2050. La protection du climat est devenue une mode politique, et l’accumulation des discours vides porte préjudice au sérieux du sujet. Si vraiment nous craignons pour notre planète, pour notre nature, pour notre climat, il est temps de remplacer les paroles par des actes. Lorsque je parle de changement climatique, je ne le fais pas seulement en tant que premier ministre, mais aussi en tant que père de cinq enfants, et même en tant que grand-père. Je me permets de le rappeler, parce que je suis agacé de voir opposer les enfants à la protection du climat. Certains, comme on peut le lire, affirment que la manière la plus efficace de sauver la planète est de ne pas avoir d’enfants. Quelle folie ! C’est bien de sauver la planète, mais au bénéfice de qui la sauvons-nous si nous n’avons ni enfants, ni petits-enfants ? Notre constitution déclare que nous avons la responsabilité des générations futures, et c’est pourquoi nous devons préserver la merveilleuse biodiversité du Bassin des Carpates. Pour parler en militaire, je dirais que la protection du climat et de la nature est clairement une obligation chrétienne et patriotique. Je vous informe que le gouvernement a adopté cette semaine un plan d’action de protection du climat. Nous avons élaboré un programme sur la base duquel 90% de l’électricité produite en Hongrie en 2030 sera décarbonée. Cela montre que nous nous considérons encore redevables de ce qui se produira en 2030. Nous entamerons le 1er juillet l’élimination des déchetteries illégales, et punirons les pollueurs. Nous voulons montrer d’ici à deux ans l’image d’un pays propre, ordonné, pimpant. Nous interdirons la commercialisation des matières plastiques à usage unique. Nous introduirons la consigne des bouteilles en verre et en matière plastique, ainsi que celle des boîtes métalliques. Troisièmement, nous protègerons nos cours d’eau de la pollution en provenance de l’étranger. Nous avons d’ores et déjà un programme expérimental, qui fonctionne de manière prometteuse, et je pense que nous serons capables de nettoyer le Danube et la Tisza des matières plastiques. Nous interviendrons avec sévérité à l’encontre des entreprises multinationales implantées en Hongrie, et nous leur imposerons l’adoption de technologies respectueuses de l’environnement. Parallèlement à tout cela, nous consacrerons sur les deux années à venir 32 milliards de forints [95 millions d’euros] à la production de sources d’énergie renouvelable par les petites et moyennes entreprises. Nous planterons douze arbres pour chaque nouveau-né : cela représentera un million d’arbres nouveaux par an et nous permettra, à l’horizon 2030, de porter la superficie boisée du pays à 27%. Sixièmement, nous multiplierons par six sur les dix prochaines années nos capacités en panneaux solaires, ce qui non seulement est favorable à l’environnement, mais assure également une énergie bon marché aux ménages hongrois. Et septièmement, afin que la voiture électrique ne soit pas seulement le privilège des riches, nous subventionnerons la mise en circulation et l’utilisation de voitures électriques bon marché. Et nous n’autoriserons, dans la circulation urbaine, que la mise en service d’autobus électriques à compter de 2022. Et enfin, à l’instar des Polonais, nous allons mettre en service le Bon du Trésor vert. Ceux qui achèteront ces Bons soutiendront de ce fait la protection climatique parce que le gouvernement s’engage à ce que leur produit soit exclusivement consacré à des programmes respectueux de l’environnement. Agissons, et arrêtons de nous lamenter ! C’est ce que je propose à la Hongrie.
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Voilà un an que j’ai annoncé notre plan d’action en faveur des familles. Je voudrais maintenant, à l’aide de quelques chiffres, rendre compte de ses résultats. Soyons d’abord modernes et sexy : d’après Google Analytics – cela existe – le prêt aux familles a été la dixième expression la plus populaire cliquée par les internautes. Plus de 100 000 familles ont accédé à ces prêts. Il est intéressant de noter que les emprunteurs proviennent à 33% des petites villes, à 29% de la campagne, à 21% des grandes villes et à 18% seulement de la capitale. Cela montre que nous avons encore des réserves. Les concessionnaires arrivent à peine à satisfaire les demandes d’achat d’automobiles par les familles nombreuses. La construction de crèches progresse à grands pas, au rythme de dix nouvelles places de crèche par jour. L’exonération d’impôt sur le revenu des mères de quatre enfants a commencé. Cette mesure facilite la vie de 40 000 familles. Bien que cela n’ait pas figuré dans notre plan d’action en faveur des familles, il a été possible de faire un pas, et même deux, dans la lutte contre la stérilité : l’État a racheté les entreprises privées spécialisées dans le traitement de la stérilité, sur la base de nos principes bioéthiques relatifs au fœtus, mais le plus important a été de rendre accessible à tous, donc gratuit, les examens, les interventions et même les médicaments. Les services de l’État sont aujourd’hui en mesure de satisfaire toutes les demandes qui leur sont adressées. Et d’importants progrès ont été accomplis en faveur des parents d’enfants non autonomes, ainsi que des familles élevant des enfants diabétiques. Une autre bonne nouvelle est qu’entre 2010 et 2018 il est né 90 000 enfants de plus qu’il n’en serait né si la tendance observée en 2010 s’était poursuivie. Bonne nouvelle aussi que le nombre des mariages atteint des sommets, et que celui des divorces n’a jamais été aussi bas. Les interruptions de grossesse sont en baisse continue et atteignent des points bas historiques. La mauvaise nouvelle est que la diminution de la population ne s’est pas arrêtée. Le Hongrois est une espèce qui reste menacée. En 2010, 60% des enfants souhaités sont nés. Ce taux est monté à 70% aujourd’hui, mais l’on voit qu’il y a toujours un facteur d’hésitation lié aux conditions matérielles. Bien sûr, l’enfant n’est pas une question d’argent, mais la situation matérielle compte malgré tout. Si nous voulons vraiment renverser la tendance – et nous le voulons –, il nous faut franchir le Rubicon et créer les conditions permettant à ceux qui assument d’avoir des enfants de se retrouver mieux matériellement que s’ils n’en avaient pas eus.
Nous savons ce qu’il faudrait faire pour y arriver, mais nous ne savons pas si nous en aurons les moyens financiers dans les années à venir. Pour ce qui me concerne, je suis décidé, et je m’efforce de gagner le ministre des finances à ma cause. Je sais qu’après les mères de quatre enfants nous devrons étendre, tôt ou tard, l’exonération d’impôt sur le revenu également à celles de trois enfants. Je sais aussi que dans les six mois qui suivent la naissance, les mères reçoivent 70% de leur rémunération moyenne de l’année précédente, et qu’il faudrait élever ce chiffre à 100%, de manière à ce qu’elles reçoivent davantage d’argent dans les six mois qui suivent la naissance que si elles n’avaient pas accouché. Je sais aussi que nous avons introduit avec succès, chez les jeunes, la gratuité des examens de langues et la gratuité du permis de conduire, et qu’il faudrait étendre cette mesure aux jeunes mères en congé de naissance car elles accéderaient ainsi à des connaissances qu’elles pourraient mettre à profit plus tard dans leur travail. Ce ne sont là aujourd’hui, Mesdames et Messieurs, que des intentions, mais des intentions dignes de respect et d’une importance capitale pour notre avenir, mais nous ne pouvons pas avoir les yeux plus grands que le ventre. Cela est particulièrement vrai pour l’année 2020 et hélas pour toute la décennie qui vient, mais je m’engage à ce que nous puissions progresser, pas à pas peut-être, mais sans baisser les bras.
Et enfin, terminons avec la mauvaise soupe, les ombres de mauvais augure ou le vilain hibou de nos contes d’enfants. La situation est que l’économie européenne, et en son sein la zone euro, est tout simplement à l’arrêt. Si elle croîtra en 2020, ce ne sera que de manière microscopique. Nous pourrions dire avec désinvolture que c’est leur problème, ils ne se sont guère occupés de nous non plus, quand nous étions jusqu’au cou dans la crise. Mais le problème est simplement – par-delà l’inélégance – que 85% des marchandises hongroises est précisément destiné à ces pays. C’est là que nous vendons nos produits, c’est de là qu’ils les achètent. Leur problème est donc aussi le nôtre. La question est de savoir jusqu’à quelle mesure il sera aussi notre problème. Analysant les données économiques de 2019, je n’en croyais d’abord pas mes yeux : la production industrielle allemande était en baisse alors qu’elle progressait de 5% chez nous. Une différence d’au moins 7 points en notre faveur. (Entre parenthèses : un point d’écart nous aurait suffi à Berne en 1954…)[9] Nous sommes confrontés en 2020 à un véritable défi intellectuel et de politique économique : l’économie hongroise est-elle capable de progresser si l’économie de l’Union est en stagnation ? Nos voies peuvent-elles se séparer, comme cela s’est produit l’année dernière, en 2019 ? Et si oui, pendant combien de temps, combien d’années ? Quels processus tout cela met-il en branle dans l’économie hongroise, avec quels effets ici sur la vie des gens ? Et un autre facteur d’inquiétude, mes chers amis, est qu’en Occident le chômage a commencé à augmenter. Je vois qu’en 2020, et même sans doute au cours des années suivantes, nous devrons consacrer nos efforts à la préservation des emplois. S’il y a du travail, il y a tout – cette maxime ne perd rien de sa pertinence. Nous savons que dans ces cas il faut baisser les impôts, les effets en sont connus, nous nous y préparons, nous réduirons les impôts des petites entreprises et les charges salariales. Et vous pouvez être assurés que quels que soient les désordres en Europe, nous préserverons la valeur des retraites, car c’est le contrat que nous avons passé avec les retraités. Mais aurons-nous une marge de manœuvre financière suffisante, et cette marge suffira-t-elle, sachant que les économies des pays européens sont en train de sauter à pieds joints dans le nouvel ordre technologique de l’économie mondiale basé sur le numérique et l’intelligence artificielle ? En clair, il faut à la fois préserver les emplois et les moderniser. Et de surcroît c’est en ce moment précis que l’Europe se retrouve en situation de fragilité par rapport aux autres géants. Aux États-Unis et en Chine, la croissance est plus forte, le chômage est plus faible, l’on dépense davantage pour l’innovation et la défense, qui sont la base de la croissance. Face à cela, l’Europe n’est capable de mettre sur les rangs ni une force militaire, ni des méga-entreprises technologiques porteuses d’avenir, ni la conscience d’une mission de civilisation. Que cela nous plaise ou pas, les autres grandes puissances s’en rendent compte, la compétition ne s’arrête jamais. C’est comme si l’Europe voulait sortir de cette compétition. Elle souhaite limiter la concurrence y compris à l’intérieur de l’Union, en matière à la fois de fiscalité, d’emploi et de services. J’ai quelquefois l’impression que les Occidentaux n’ont rien appris de notre histoire à nous, et ne savent pas que le socialisme est la ruine des nations. Si nous ne voulons pas que l’Europe se laisse écarter de la piste, il faut mettre en place une collaboration entre les États membres de l’Union qui permette à chacun, en se mettant en concurrence avec les autres, de donner le meilleur de lui-même. Si l’on redirige la Hongrie, le système fiscal hongrois, le système social hongrois, le marché du travail hongrois dans l’ordre économique des États-Unis d’Europe – comme le suggère d’ailleurs notre opposition –, notre développement économique s’arrête. Notre structure économique se rigidifie, et au lieu de la convergence et de la croissance, nous entrerons dans l’ère du piétinement sur place. C’est la raison pour laquelle il faut faire très attention avec l’adoption de l’euro : je ne recommande pas de monter dans un train dont on ne sait pas où il va.
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Voilà pour les mauvaises nouvelles. C’était plus qu’il n’en faudrait. Terminons sur la bonne nouvelle que l’année 2019, marquée par ses élections (municipales) est derrière nous, ce qui nous permet de nous passer de campagnes pendant deux ans. 2020 et 2021 seront les années du travail gouvernemental, de la poursuite de l’édification de notre pays. Je sais qu’il y en a que cette tâche n’intéresse pas, et qui pensent déjà à la bataille électorale de 2022. Ceux-là nous interrogent dès maintenant pour savoir quelle sera notre tactique électorale pour 2022. Tout cela est encore bien loin ! Aujourd’hui, je ne peux dire qu’une chose : nous suivrons le conseil d’un de mes philosophes préférés, un certain Mohammed Ali, qui disait qu’il fallait voleter comme le papillon et piquer comme l’abeille. Je signale que la pique est prête, il nous reste à mettre en place quelques conditions préalables pour pouvoir voleter, mais ce sera fait pour le début de la campagne. N’enfonçons pas notre tête dans le sable, nous voyons bien que l’opposition a commencé sa préparation. Ils ne seront pas très regardants sur ce qui rentrera dans leur panier, pourvu qu’ils puissent se réagripper au pouvoir. Ils font déjà des essais d’assemblage. Le résultat est encore bigarré, nous sommes les témoins de combinaisons tout à fait avant-gardistes. Culotte de petit croix-fléchée[10] en bas, gilet rouge en haut, et pin’s arc-en-ciel sur le tout. Cela me rappelle ce que disait le vieux Sicule quand il voyait une tortue pour la première fois de sa vie : « ou bien c’est quéqu’chose, ou bien ça va quéqu’part ». Où va quelqu’un en politique, c’est en général la lecture du programme de son parti qui permet de le savoir, mais ici il n’est pas facile de s’orienter, comme le mari face au plat que lui sert sa jeune épouse, qui lui dit qu’elle n’est capable de faire que de la tarte au pavot et du poulet rôti. Question du mari : « alors là, c’est quoi ? » Eh bien, Mesdames et Messieurs, voilà le spectacle que nous offrent nos adversaires, deux ans avant les élections.
Mais occupons-nous plutôt de la Hongrie. La performance est celle de la nation, la responsabilité est celle du gouvernement. C’est une ancienne vérité : si la performance de la nation est bonne, c’est à elle qu’en revient le mérite et la gloire ; si la performance est mauvaise, c’est parce que gouvernement a mal gouverné. Notre tâche consiste aujourd’hui à préparer la nation aux grandes épreuves qui nous attendent dans les années qui viennent. Il ne faut pas que l’on nous trouve impréparés, comme les vierges folles de l’Évangile. Il ne faut pas s’effrayer. Les Hongrois savent mieux que quiconque que les défis, les examens à passer et les épreuves décisives font partie de la vie de la nation. Nous souhaitons simplement, mais nous le voulons vraiment sur la décennie qui vient, que les Hongrois puissent vivre et progresser dans leur pays dans le bien-être et la sécurité auxquels ils ont droit du fait du travail et des sacrifices de leurs anciens et d’eux-mêmes. N’ayons pas peur de dire ouvertement que nos anciens ont consenti d’importants sacrifices au cours des cent dernières années, et que nous aussi avons durement travaillé au cours des dix dernières. Nous avons toujours donné davantage au monde que nous n’avons reçu de lui. La Hongrie mérite son succès. Montrons que ceux qui creusent des fosses aux Hongrois sont les premiers à tomber dedans.
Nous avons déjà gagné de grandes batailles. Celles qui nous attendent ne seront pas moindres. Nous sommes nombreux à penser que le fait de nous retrouver ici après de telles cent années montre à l’évidence que le Bon Dieu a encore des projets avec ce pays. Avec tout le respect, nous ne pouvons dire qu’une chose : nous sommes prêts face au défi, nous sommes prêts à prendre la route de nos cent prochaines années. La Hongrie avant tout, et le Bon Dieu au-dessus de nous tous !
Allez la Hongrie, allez les Hongrois !
Notes de la traduction (effectuée par le gouvernement hongrois) :
[1]Président de la République de 2010 à 2012, a promulgué la nouvelle constitution
[2] Premier ministre conservateur de mai 1990 à décembre 1993
[3] Premier ministre socialiste de juin 1994 à juin 1998
[4] Localité des bords du lac Balaton où le premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsány avait déclaré en juin 2006 avoir « menti matin, midi et soir » au peuple hongrois pour gagner les élections
[5] Références à la répression violente à Budapest, en octobre 2006, des défilés qui marquaient les commémorations du cinquantième anniversaire de la Révolution hongroise de 1956 contre l’occupation soviétique
[6] Référence aux boîtes en carton dans lesquelles étaient transportés les pots-de-vin versés dans le cadre de la corruption ayant caractérisé le gouvernement socialiste d’avant 2010
[7] Localité de Hongrie objet d’une controverse à propos de la scolarisation des enfants tziganes, réputés discriminés. Un tribunal a condamné la commune au paiement d’une indemnité de 100 millions de forints (300.000 euros)
[8] Chanteur populaire hongrois
[9] Allusion à la finale de la Coupe du Monde de football de 1954, perdue 2-3 devant l’Allemagne au Wankdorf Stadion de Berne
[10] Allusion au parti des Croix-Fléchées, équivalent du parti Nazi en Hongrie pendant la guerre
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