Le géant chinois des matériels de télécommunication Huawei fait l’objet aux Etats-Unis d’un embargo décrété par Donald Trump sur fond d’accusations d’utilisation par le régime communiste chinois des produits vendus pour faire de l’espionnage. De telles accusations venant du pays du NSA, c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité, mais il est vrai que permettre à une dictature communiste expansive d’avoir ses antennes partout sur notre sol n’est pas forcément une bonne idée. Le problème se pose donc de savoir si Huawei doit être autorisé à participer à la construction des réseaux de téléphonie mobile 5G qui vont bientôt remplacer la 4G. Avec la multiplication des objets connectés à Internet, la 5G est en effet une évolution indispensable en raison de ses capacités très supérieures à celles des réseaux 4G qui se trouveraient saturés d’ici à quelques années si l’on ne faisait rien. Or le chinois Huawei est un des trois fabricants mondiaux des matériels pour les réseaux 5G, avec les européens Nokia et Ericsson. Exclure Huawei des appels d’offres entraînerait donc nécessairement un surcoût en réduisant fortement la concurrence sur ce marché.
L’administration américaine estime ce surcoût pour l’Europe à 3,5 milliards d’euros, mais les opérateurs de téléphonie mobile présents sur le Vieux Continent parlent plutôt en milliards d’euros par pays. Au Royaume-Uni, les conseillers de Boris Johnson évoquent un report du déploiement de la 5G de trois ans sans Huawei, ce qui entraînerait un manque à gagner de 120 milliards de livres sterling pour l’économie britannique. Johnson a donc annoncé mardi que Huawei pourrait construire une partie du réseau 5G britannique, mais une loi spéciale doit lui interdire de fournir les matériels pour les points jugés sensibles des réseaux. Cette décision a provoqué quelques réactions de colère parmi la majorité républicaine du Congrès américain mais aussi dans les rangs conservateurs au Parlement de Westminster. Certaines voix préviennent que la perte de confiance engendrée par la présence de matériels chinois dans le réseau 5G britannique pourrait remettre en cause la coopération rapprochée en matière de renseignement dans le cadre du Groupe des cinq (Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni) et même la perspective d’un accord commercial entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni après le Brexit.
Mercredi, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo était à Londres et la décision britannique concernant Huawei a été abordée. Pompeo n’a pas voulu dire aux journalistes si la coopération en matière de renseignement pourrait être affectée, mais il a insisté sur le fait que les Etats-Unis ne confieraient leurs informations qu’à des « réseaux de confiance ». Le gouvernement britannique cherche toutefois à rassurer : il possède un Centre d’évaluation de la cybersécurité spécialement dédié au chinois Huawei, le HCSEC, où toute nouvelle technologie et tout nouveau logiciel importés par Huawei au Royaume-Uni sont méticuleusement inspectés et où les entreprises privées peuvent aussi venir contrôler les produits Huawei qu’elles souhaitent utiliser dans leurs réseaux mobiles.
A Londres comme à Washington, la confiance en Huawei est donc malgré tout très limitée. •
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