Le président syrien a semble-t-il gardé une rancune particulière à l'encontre de la France. Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision italienne Rai, Bachar el-Assad a ainsi accusé Paris d'avoir «envoyé des armements» aux «terroristes» et d'avoir contribué à répandre le «chaos» au sein de son pays. Enregistrée le 26 novembre à Damas, l'interview n'a finalement été publiée que le 9 décembre par des médias syriens, dont l'agence de presse Sana, qui en a retranscrit l'intégralité en anglais. Après plusieurs tergiversations, la télévision publique italienne avait annulé sa diffusion prévue le 2 décembre.
Interrogé par la journaliste Monica Maggioni sur la question des réfugiés et du retour des djihadistes en Europe, Bachar el-Assad a accusé le Vieux continent d'avoir été «le principal acteur de la création du chaos en Syrie». Pour le président syrien, l'Union européenne «a soutenu les terroristes en Syrie dès le premier jour, la première semaine».
Ils ont accusé le gouvernement syrien, et certains régimes comme le régime français ont envoyé des armements
«Ils ont accusé le gouvernement syrien, et certains régimes comme le régime français ont envoyé des armements [...] ils ont créé ce chaos. C’est pourquoi beaucoup de gens ont du mal à rester en Syrie ; des millions de personnes ne pouvaient pas vivre ici, alors elles ont dû quitter la Syrie», a-t-il ajouté à ce sujet.
Au cours de cet entretien d'une vingtaine de minutes, Bachar el-Assad a aussi évoqué le rôle de la Russie, qui cherche selon lui à préserver le droit international, ce qui relèverait de son propre intérêt : «Ils soutiennent le droit international, d’une part. D’autre part, faire face aux terroristes est dans l'intérêt du peuple russe et du reste du monde».
Le président syrien estime par ailleurs que la médiation russe sur la question de l'offensive turque contre les milices kurdes dans le nord de la Syrie a permis de rendre la situation non pas meilleure, «mais moins mauvaise». Il a par ailleurs souligné que la Russie défendait l'intégrité territoriale de la Syrie.
«Quant à l'avenir, leur position est très claire : l'intégrité syrienne et la souveraineté syrienne. L'intégrité et la souveraineté syriennes sont en contradiction avec l'invasion turque, c'est clair et simple», a-t-il déclaré.
Je me sentirais dégoûté de traiter avec ce genre d'islamistes opportunistes, pas musulmans, islamistes, c'est un autre terme, un terme politique
Interrogé par ailleurs sur la possibilité d'une négociation directe entre lui et le président turc à l'avenir, Bachar el-Assad n'a pas fait mystère de son aversion pour Recep Tayyip Erdogan : «Je ne me sentirais pas fier si je devais un jour. Je me sentirais dégoûté de traiter avec ce genre d'islamistes opportunistes. Pas musulmans, islamistes, c'est un autre terme, un terme politique», a-t-il déclaré. Mais le chef d'Etat n'a pas pour autant fermé la porte à cette possibilité au nom de l'intérêt national : «Mon boulot n'est pas d'être heureux de ce que je fais ou pas [...] Il ne s'agit pas de mes sentiments, il s'agit des intérêts de la Syrie, alors où qu'aillent nos intérêts, j'irai».
Couacs sur la diffusion de l'entretien
Les médias syriens ont finalement décidé de diffuser l'entretien le 9 décembre devant les difficultés de la Rai, télévision publique italienne, à le faire, ce qui a suscité nombre d'interrogations dans la presse transalpine.
Selon le quotidien italien Il Fatto Quotidiano cité par l'AFP, la chaîne publique aurait eu des difficultés à décider de la manière de diffuser l'entretien notamment en raison du refus des syndicats, opposés à ce que la chaîne diffuse une interview réalisée par quelqu'un d'externe à la rédaction et exerçant en outre une fonction de direction.
Monica Maggioni, qui a obtenu l'entretien grâce à ses relations, est en effet une ancienne journaliste qui a été présidente de la Rai entre 2015 et 2018 et qui est actuellement à la tête de Rai Com, filiale de la Rai qui s'occupe de la rediffusion des chaînes de la maison-mère dans le monde entier.
Le service de presse du gouvernement syrien, de son côté, a estimé que cet épisode était «un exemple supplémentaire des tentatives occidentales de cacher la vérité sur la situation en Syrie», selon La Repubblica, citée par l'AFP.
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