Bouteflika, 82 ans, est incapable de diriger le pays depuis son AVC de 2013. Il ne peut plus parler ni marcher. Nous sommes dans la logique de ces dictatures où l’on embaume le corps pour durer. L’armée issue de l’ALN-FLN a proposé ce mardi sa mise à l’écart pour inaptitude (mais Bouteflika a-t-il jamais été apte ?). Les Algériens en veulent désormais bien davantage.
Les vagues de manifestations massives se poursuivent. Plusieurs centaines de milliers d’Algériens étaient encore dans la rue vendredi, malgré une pluie battante. Ils réclamaient « les preuves du maintien en vie de Bouteflika » (sic !), conspuaient les dignitaires FLN, caricaturés sur les banderoles, et reprenaient en cœur des slogans contre « le système », contre « le gang ». Cela fait un mois que « le système », « le gang », est dans l’incapacité d’imaginer une solution. Le 11 mars, le vieux dictateur avait renoncé à se présenter pour un cinquième mandat, mais il était censé rester à son poste jusqu’à la nomination d’un successeur, sans date limite.
La décision prise par le chef d’état-major de l’armée, mardi, ne constitue pas une sortie de crise mais le moyen « juridique » d’écarter Bouteflika : au nom de l’article 102 de la Constitution, le général Salah a demandé que soit mis fin à son mandat présidentiel, puisque cet article rend la chose possible en cas d’empêchement durable comme une maladie grave.
L’éviction de Bouteflika aurait peut-être apaisé les tensions il y a un mois, lors des premières manifestations. Aujourd’hui cela paraît bien tard. Comme le mur de Berlin, un mur psychologique, fait de peurs, de répressions policières et de 57 années de lavage de cerveau, est en train de céder.
Briser les tabous
Le général Salah, créature du FLN, a donc parlé, brisé un tabou. Mais il faut à présent que le président du Conseil constitutionnel, un autre apparatchik du FLN, fasse de même, en faisant approuver par le Conseil l’application de cet article 102.
Ensuite, le président du Conseil de la Nation (une sorte d’Assemblée nationale, aux mains du FLN, bien entendu) assurera un intérim, pendant 45 à 90 jours, le temps d’organiser de nouvelles élections.
Mais quel type d’élection ? Tout est là. L’habituel entre-soi de candidats issus du parti, approuvés par ses instances ? Ou la possibilité à des personnes non inféodées au FLN de faire acte de candidature ?
L’actuel personnel politico-militaire paraît incapable de gérer une telle évolution. Dès lors, tout est possible, tout est à craindre : une guerre civile ? Un putsch militaire ? Un retour des islamistes sur le devant de la scène ? Les entreprises étrangères implantées en Algérie ne semblent guère optimistes : elles étaient déjà peu en confiance à l’égard d’un système étatisé, hypercentralisé, toujours socialiste, en somme. Dorénavant les investissements sont suspendus, les projets sont gelés, les cadres étrangers commencent à être rapatriés.
Dans deux mois, c’est le ramadan. Tout se joue avant cette échéance, selon les experts. Quand, évoquant les manifestations, pourtant pacifiques, il déclare : « ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées », le général Salah prépare-t-il les esprits à une reprise en main violente ?
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