France: «L’affaire du voile chez Etam montre notre faiblesse face à une minorité bruyante»

le 15/03/2019

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le témoignage d'une adolescente voilée affirmant avoir été victime de discrimination à l'embauche dans une boutique Etam a entraîné une vive polémique. La marque a suspendu une employée. Jeannette Bougrab y voit un signe de plus de notre faiblesse face à l'islamisme qui cherche à imposer sa loi.


Jeannette Bougrab est docteur en droit public de la Sorbonne, ancienne universitaire, ancienne présidente de la HALDE et ancienne Secrétaire d'État. Elle publiait récemment «Lettre aux femmes voilées et à ceux qui les soutiennent» (Éditions du Cerf, 2019).


FIGAROVOX.- Une étudiante portant un hijab assure, dans une vidéo, avoir été mal reçue par la responsable d'un magasin Etam à qui elle demandait du travail. Face aux appels au boycott, l'enseigne a mis à pied sa salariée. A-t-elle eu raison de le faire?

Jeannette BOUGRAB.- Qu'une responsable d'une boutique de lingerie ait été méprisante et odieuse, je veux bien le croire. Mais il ne faut pas se tromper de combat. Aujourd'hui le voile islamique est devenu un étendard politique. Sa signification a été reconstruite, détournée, instrumentalisée par les islamistes obsédés par le corps de la femme. La femme ne s'appartient pas.

Le voile est le signe de cette volonté hégémonique des intégristes musulmans d'imposer leur monde. En décontextualisant totalement ce cas d'espèce, on nous présente une version arrangeante de cette triste affaire et ainsi d'occulter le sens réel et profond de cette énième provocation contre la laïcité. Les islamistes dans les démocraties et les États de droit testent nos limites pour demain pouvoir les franchir plus facilement.

La mise à pied de cette salariée à la suite d'une campagne calomnieuse et violente montre notre faiblesse face à une minorité bruyante qui aura toujours raison face à une majorité silencieuse.

Que répondez-vous à ceux qui accusent la responsable de discrimination?

Une femme adhérant à un dogmatisme religieux qui relègue la femme à un statut d'infériorité et refusant la mixité, entre dans une boutique qui vend des strings.

En décontextualisant totalement ce cas d'espèce, on nous présente une version arrangeante de cette triste affaire et ainsi d'occulter le sens réel et profond de cette énième provocation contre la laïcité.

On peut comprendre que la responsable ait été surprise. Petite précision si notre femme voilée venait à être recrutée, elle aurait tout de même à recevoir et conseiller des femmes et des hommes voulant acheter de la lingerie fine. Accepterait-elle de le faire? J'en doute. Cela n'excuse en rien d'une part des propos blessants à l'endroit de cette candidate voilée et d'autre part les menaces dont est désormais l'objet la vendeuse. S'il y a discrimination, il appartient à la justice de le dire et non à une meute anonyme et menaçante.

«Oui au sexy!», tweetait l'enseigne lundi. N'ya-t-il pas une part d'hypocrisie de la part d'Etam?

[...]La jeune femme, qui se présente comme «Oumaima» sur Twitter, et a choisi comme illustration de profil, le dessin d'une femme voilée faisant un bras d'honneur. Ces vidéos sont immédiatement reprises par le CCIF. Cette affaire pourrait-elle être instrumentalisée de toutes pièces par des militants islamistes?

Ce n'est pas déjà le cas? Avez-vous regardé et écouté la vidéo jusqu'au bout? Cette jeune femme commence son témoignage par une salutation en arabe et dénigre la France en expliquant que notre pays ne respecte pas la liberté cultuelle. Je me porte en faux contre de telles affirmations. Pire Oumaima (petite mère en arabe) comme elle se fait appeler, répète regretter de ne pas avoir giflé la vendeuse de chez Etam. Où va-t-on?

Cette jeune femme commence son témoignage par une salutation en arabe et dénigre la France en expliquant que notre pays ne respecte pas la liberté cultuelle.

[...]

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