Soyons francs : même si cette affaire de cyberharcèlement ne prête pas à rire, avouons qu’il y a quand même quelque chose d’amusant dans le fait de voir tous ces grands médias effectuer aujourd’hui leur mea culpa et nous parler d’« autocritique » ou encore d’un « nécessaire retour à l’éthique professionnelle ». Car, au fond, en ciblant leurs victimes et en les harcelant à grand renfort de désinformation, leurs journalistes impliqués dans ce scandale n’ont fait, à peu de chose près, que ce que font à grande échelle leurs journaux depuis des années avec leurs campagnes de lynchage.
Libé, Les Inrocks et les autres
Au départ de ce scandale, ce message publié la semaine dernière sur Twitter par le journaliste Thomas Messias et semble-t-il destiné à Alexandre Hervaud, chef de service web à Libération : « Il est beau le journaliste modèle qui joue les exemples après s’être bien amusé au sein de meutes de harceleurs de féministes » ! Une allusion directe au groupe Facebook intitulé la « Ligue du lol », dont Hervaud a fait partie il y a quelques années. Aujourd’hui fermé, ce groupe créé par Vincent Glad, pigiste à Libé, a rassemblé une trentaine d’individus, pour la plupart issus de rédactions parisiennes, qui, entre 2009 et 2012, ont mené des campagnes de cyberharcèlement contre « toutes les personnes qui ne leur ressemblaient pas ou qui produisaient du contenu opposé aux idées qu’ils prônaient ». Et à en croire les victimes, cela pouvait aller très loin. Ainsi, la journaliste Florence Porcel a-t-elle déclaré avoir été intimidée « physiquement » sur son « lieu de travail », tandis que le blogueur Matthias Jambon-Puillet a raconté qu’un photomontage pornographique avait été envoyé en son nom à des mineurs…
Joffrin réfléchit à une « charte »
Un tantinet gênées par ces révélations qui cadrent mal avec cette image d’« intégrité » que prétendent donner d’eux-mêmes nos grands médias, ainsi que par l’avalanche des témoignages de victimes, plusieurs publications ont du coup été amenées à prendre en urgence des mesures contre leurs journalistes impliqués et à condamner ces pratiques dont elles n’étaient, paraît-il, pas informées. Cela a été le cas notamment à Libé, où Laurent Joffrin, grand donneur de leçons et cerbère du politiquement correct s’il en est, a annoncé lundi la mise à pied « à titre conservatoire » de Vincent Glad et d’Alexandre Hervaud. Mais aussi chez Les Inrockuptibles, où David Doucet, rédacteur en chef web, a été mis à pied « à titre conservatoire », et fait l’objet d’une procédure de licenciement pour faute grave. Même chose pour le site de podcasts « Nouvelles écoutes », qui a annoncé avoir mis un terme à sa collaboration avec le journaliste, Guilhem Malissen…
Reste, comme l’a expliqué Laurent Joffrin, que « cela ne préjuge en rien d’une culpabilité quelconque ». « Nous lançons (…) une enquête interne pour savoir ce qu’il s’est passé », a en effet précisé le directeur de Libé, et « nous allons nous pencher sur la nécessité éventuelle de faire une charte ». Ouf ! Nous voilà donc rassurés…
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