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Michel Garroté -- L'Iran ne cesse de livrer des missiles balistiques à ses milices chiites alliées en Syrie, au Liban et en Irak. Or, les Iraniens connaissent les capacités israéliennes et savent que l'Etat Hébreu possède des bombes anti-bunker intelligentes fabriquées par les Etats-Unis pour frapper les bases de missiles balistiques en Iran, en Syrie, au Liban et en Irak et pour frapper les sites nucléaires iraniens. A noter que le programme nucléaire iranien est dispersé sur tout le pays, le nombre de sites varie de 12 à 20, voire plus. Les installations ont été construites en gardant à l'esprit les capacités américaine et israélienne et sont protégées par un système de défense antiaérienne moderne russe. L'élément essentiel du programme nucléaire iranien est sans doute l'usine de Natanz.
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1'600 à 1'900 km à vol d'oiseau :
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Le cœur de ce site est la zone des centrifugeuses, installées sous terre dans une structure renforcée. Mais même si Israël limitait ses cibles, il faudrait quand même qu'il attaque d'autres sites. Par exemple, l'usine d'enrichissement d'uranium de Fordo - elle a accueilli 3,5 % de l'uranium enrichi de Natanz - près de Qom, qui est hautement fortifiée. Ou l'usine de conversion d'uranium d'Ispahan, l'usine de production d'eau lourde à Arak et les centrifugeuses qui sont situées près de Téhéran. Il y a près de 1'600 kilomètres à vol d'oiseau entre Israël et le site de Natanz. Comme les deux pays n'ont pas de frontière commune, les avions ou les missiles israéliens devraient survoler un espace aérien étranger - et hostile - pour parvenir à leur objectif. La méthode la moins risquée pour toucher Natanz, serait d'envoyer des missiles balistiques à moyenne portée Jéricho I ou III.
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Cependant, pour aller aussi loin, les missiles devront avoir une tête plus légère et on peut douter que celle-ci puisse s'enfoncer suffisamment dans le sol pour obtenir le degré de destruction souhaité. L'option la plus probable reste donc l'envoi de chasseurs bombardiers fabriqués aux Etats-Unis. Les Israéliens possèdent vingt-cinq F-15 l et une centaine de F-16 l. Le F-15 l peut transporter quatre tonnes de carburant dans ses réservoirs internes, ses réservoirs conformes et des réservoirs détachables. Ce qui lui permet de parcourir environ 4'450 kilomètres. Il pourrait encore étendre son rayon d'action en se ravitaillant en vol. Le F-16 l a un rayon d'action plus grand qui permettrait à l'aviation israélienne d'attaquer des objectifs situés bien à l'intérieur du territoire iranien sans devoir se ravitailler.
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Réaction saoudienne :
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Si on part du principe que l'attaque se ferait par avion, reste à savoir par où les appareils passeraient pour toucher des objectifs situés à 332 kilomètres à l'intérieur du territoire iranien. Ils peuvent passer soit par l'Arabie Saoudite, soit par l'Irak, peut-être même par la Jordanie. Chacune de ces routes représente un aller de 1'600 à 1'930 kilomètres. Dans l'option Arabie Saoudite, les avions partiraient du sud d'Israël, entreraient dans l'espace aérien saoudien par le golfe d'Aqaba, le survoleraient sur 1'287 kilomètres pour arriver à hauteur du Golfe puis feraient 483 kilomètres dans l'espace aérien iranien. Comme l'armée de l'air israélienne ne possède pas d'avions furtifs, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les appareils soient détectés pendant qu'ils survolent l'Arabie Saoudite.
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L'Arabie Saoudite craignant le programme nucléaire iranien, elle détournera les yeux et affirmerai n'avoir rien remarqué. L'Arabie saoudite a déjà fait savoir qu'elle n'est pas hostile à des frappes israéliennes en Iran. Si Israël choisit de passer par l'Irak, sa force de frappe partira du sud d'Israël, fait 483 à 644 kilomètres dans l'espace aérien saoudien, ou à la fois saoudien et jordanien, pénètre dans l'espace aérien irakien le plus tôt possible, puis parcourt les 805 kilomètres de l'Irak au Golfe persique. Passer par l'espace aérien irakien risque de poser des problèmes politiques.
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Même si les troupes américaines ont officiellement quitté les lieux, une traversée du pays ne pourra se faire sans que les Etats-Unis ne le sachent et même sans leur autorisation. La question, c'est de savoir si les chasseurs bombardiers israéliens peuvent mener cette mission sans se ravitailler. Le rayon d'action de combat - la distance qu'un appareil peut parcourir aller et retour sans se ravitailler - est difficile à calculer et dépend de l'armement embarqué, des réservoirs de carburant externes, du profil de la mission, etc. Le rayon d'action de combat d'un F-15 l ou d'un F-16 l équipé de deux réservoirs conformes, de deux réservoirs d'aile, d'un armement correct est selon les meilleures estimations de près de 1'690 kilomètres.
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Chacune des deux routes possibles fait 322 kilomètres de plus. L'appareil pourrait être équipé d'un réservoir externe supplémentaire mais cela nécessiterait une réduction de l'armement, ce qui ne serait peut-être pas un problème compte tenu de la précision des armes dont dispose Israël. Reste la solution du ravitaillement en vol, mais ce serait délicat car il devrait se faire en terrain hostile. Les Israéliens peuvent réussir en théorie, mais le risque d'échec est élevé. S'ils décident d'attaquer le site de Natanz, ils devront causer des dégâts suffisamment importants dès la première attaque parce qu'ils ne pourront pas procéder à des frappes sur les autres installations. Ce dernier point est encore sujet à discussion.
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Les ethnies minoritaires en Iran :
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Enfin, précisons que l’Iran n’est pas un bloc ethniquement ou religieusement homogène. Si le cœur du pays et la majorité de la population sont persans chiites (65% de la population totale), le reste est composé de minorités diverses que l'Etat d'Israël peut armer et soutenir s'il le souhaite.
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Il y a les Azéris, en majorité chiites, qui représentent à peu près 15% de la population totale. Il y a aussi les Kurdes, qui vivent pour la plupart dans la province kurde de l’Ouest, ou les Baloutches, dans le Sistan-Baloutchistan, près de la frontière avec le Pakistan, deux communautés sunnites - les sunnites représentent 10% de la population iranienne - ainsi que les Arabes chiites de la province du Khouzistan dans le Sud-Ouest, à la frontière avec l’Irak. Tous ces groupes se plaignent de discrimination. Dans le Sistan-Baloutchistan par exemple, alors que les sunnites représentent 75% de la population, ils n’ont que 6% des postes gouvernementaux. Quant au Kurdistan, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 24 ans y est de 41%, alors que la moyenne nationale est de 25%.
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Michel Garroté pour lesobservateurs.ch
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Après lecture d’un article comme celui-ci, fort pertinent par ailleurs, on se pose la question de la durée d’homos sapiens sur cette terre. Comme l’impression d’être dans une période de sursis. Et “face à la même problématique” d’une région qui attire et attise tous les conflits possibles.
“JE TE HAIS, MOI NON PLUS”.