Elle était attendue par certains et redoutée par d’autres. La fièvre qui a contaminé les pays arabes les uns après les autres a finalement atteint le vieux pays persan. Depuis une semaine, des manifestations sporadiques entraînent le pays près du précipice dans lequel a sombré le voisin syrien. Mais dans la république islamique d’Iran tout est toujours différent.
En effet, depuis les émeutes politiques de 2009, le pays a grandi. Un courant réformateur a pris de l’ampleur et, porté par la jeunesse, donne chaque jour davantage de la voix pour en finir avec la doctrine religieuse et le caractère par trop islamique du régime de Téhéran. Une part de cette jeunesse, libérale et occidentalisée dénonce entre autres la dichotomie flagrante entre le régime, censé appliquer la Charia, et la réalité qui montre sans cesse des jeunes filles dévoilées, buvant de l’alcool et fréquentant clandestinement les boîtes de nuit.
De fait, environ 90 % des interpellés sont des jeunes qui n’ont pas connu le régime du Shah et sont finalement très peu politisés.
Cafouillage au sommet de l’Etat.
Une contestation d’autant plus difficile à circonscrire qu’à Téhéran les avis divergent sur la gestion et les origines de ces manifestations. Lorsque le président Rohani affirme que « tous ces gens ne prennent pas leurs ordres de l’étranger et certains sont descendus dans les rues en raison de leurs sentiments et de leurs problèmes », le numéro 1 du régime, à savoir l’ayatollah Khamenei, affirme au contraire que « les ennemis (de l’Iran) s’étaient unis en utilisant leurs moyens, leur argent, leurs armes (…) et leurs services de sécurité pour créer des problèmes au régime islamique ».
Pour qui connaît un tant soit peu l’Iran, la vérité est, comme souvent, entre les deux. Sans verser dans la facilité du complotisme, la concomitance du retour en force de l’Iran sur l’échiquier politique du Moyen-Orient et du début de troubles intérieurs a de quoi faire réfléchir. D’ailleurs, les appels de Netanyahou et de Donald Trump en faveur des manifestants ne sont pas passés inaperçus.
Mais la nation chiite devait, quoiqu’il arrive, affronter ces troubles un jour ou l’autre, tant les aspirations libérales des jeunes urbains devenaient criantes.
Un mouvement difficilement cernable
Le 2 janvier dernier, le Président Rohani avait formulé par téléphone à Emmanuel Macron une critique claire : « Nous critiquons le fait qu’un groupe terroriste ait une base en France et agisse contre le peuple iranien et encourage la violence. Nous attendons du gouvernement français qu’il agisse contre ce groupuscule terroriste. » Dans la ligne de mire : l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien. Soit l’opposition en exil du régime des ayatollahs. C’est possible. Pour autant, de ces manifestants ne sort aucun leader, aucune organisation. Ils manifestent contre la hausse des prix, le chômage, les restrictions de liberté… Il n’y a aucune volonté claire de renversement de régime. Mais, avec les premiers morts, la situation, pour le moment sous contrôle, pourrait bien précipiter l’Iran dans un scénario catastrophe.
Etienne Defay
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