Bruno Lafont, PDG de Lafarge de 2007 à 2015, et Christian Herrault, ex-directeur général adjoint, ont été mis en examen pour «financement d'une entreprise terroriste» et «mise en danger de la vie d'autrui» et placés sous contrôle judiciaire, le soir du 8 décembre.
La veille, le 7 décembre, Eric Olsen, directeur général après la fusion du groupe français avec le Suisse Holcim en 2015, avait été mis en examen pour les même chefs. Ce dernier, DRH puis directeur général adjoint du groupe français à l'époque des faits, avant de devenir directeur général après la fusion avec le Suisse Holcim en 2015. Il devra s'acquitter d'une caution de 200 000 euros.
L'affaire est hors norme : la filiale syrienne (Lafarge Cement Syria, LCS) du cimentier est mise en cause pour avoir pactisé avec l'Etat islamique (EI) entre novembre 2013 et septembre 2014 afin de maintenir son usine de Jalabiya (nord du pays) dans une zone de conflit tenue notamment par l'organisation djihadiste.
Elle lui a fait remettre, via un intermédiaire, plus de 500 000 dollars et lui a acheté des matières premières, dont du pétrole, en violation d'un embargo de l'Union européenne, selon un rapport rédigé à la demande de LafargeHolcim par le cabinet américain Baker McKenzie.
Bruno Lafont régulièrement informé ?
Les enquêteurs tentent de déterminer si la direction à Paris était au courant de tels agissements.
Les contradictions entre les trois responsables sont nombreuses. Christian Herrault, qui a reconnu début 2017 que le groupe avait été victime d'une «économie de racket», a assuré «avoir régulièrement informé Bruno Lafont» et que ce dernier «n'avait émis aucune objection à l'époque», d'après le rapport Baker McKenzie.
Selon ce document, l'ex-directeur adjoint opérationnel a aussi affirmé avoir adressé un courriel à Bruno Lafont en juillet 2014 pour l'informer que l'usine était à l'arrêt, le temps de trouver un accord «clair» avec l'EI.
Mais l'ex-PDG, entendu en janvier en audition libre par le Service national de douane judiciaire, a démenti avoir eu connaissance de tels faits. «Pour moi, les choses étaient sous contrôle», avait-il affirmé.
Il est aussi reproché à Lafarge de ne pas avoir assuré la sécurité de ses employés syriens, restés seuls sur place alors que la direction de l'usine avait quitté la Syrie et que les expatriés avaient été évacués.
Trois autres cadres de Lafarge, dont deux ex-directeurs de l'usine, ont été mis en examen dans cette enquête menée au pas de charge par trois juges d'instruction. Placés sous contrôle judiciaire, «ils rejettent la responsabilité de la poursuite de l'activité de la cimenterie sur la maison-mère», d'après une source proche de l'enquête.
Des organisations non gouvernementales, dont Sherpa, partie civile dans ce dossier, souhaitent aussi que les investigations fassent la lumière sur ce que savaient les autorités françaises de l'époque sur les activités de Lafarge en Syrie.
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