Décidément, l'Histoire se montre revêche face aux Grands Hommes qui pensent mériter leur nom dans les livres. Après Didier Burkhalter, poussé à bout par l'étiolement de ses perspectives de carrière internationales, c'est au tour d'Alain Berset de se faire étriller, sur la réforme des retraites cette fois-ci, et par le peuple s'il vous plaît.
Les résultats de la votation du week-end sont donc sous toit et la conclusion est tombée très vite: l'historique réforme des retraites sera pour une autre fois. Conseil: pour commencer, il faudrait qu'elle n'en ait plus que le nom...
Prévoyance 2020: j'avais déjà dit tout le mal que j'en pensais ici. Heureusement, quelques millions de Suisses ont fait un raisonnement similaire: la réforme apportait des changements cosmétiques sans résoudre aucun des problèmes de fond. L'alliance de centre-gauche menant le projet échoua face à une alliance PLR-UDC, accompagnés pour l'occasion de quelques mouvements d'extrême gauche, abondamment interviewés par les médias, vent debout contre la hausse de l'âge de la retraite des femmes.
La Suisse alémanique a été le principal artisan de la défaite de Retraites 2020 ; la Suisse latine a largement contribué au score du Oui, Vaud et Genève étant les seules exceptions. Difficile d'expliquer l'attrait de la réforme ici-bas ; je crains d'y déceler une forme d'acceptation par défaut de tout ce qui vient du gouvernement.
Plus intéressant encore, Retraites 2020 s'accompagnait d'une hausse de la TVA pour financer - temporairement, s'entend - les jolies promesses bâties sur le sable des pyramides des âges. Et le projet n'est cette fois-ci repoussé que d'un cheveu, 50,1% contre 49,9% !
Pour des raisons techniques, la réforme des retraites et son financement étaient séparés en deux scrutins distincts, mais si j'imaginais sans peine plus de gens repoussant la hausse de la TVA plutôt que la réforme des retraites (favorisant ainsi la main douce contre la main rude) c'est l'inverse qui se produit. Apparemment les Suisses sont bien plus enclins à accepter encore une hausse de la TVA qu'à retoucher l'AVS. C'est évidemment un très mauvais signe envoyé à Berne, puisqu'on peut être certain dès lors que la hausse de la TVA sera ressortie du placard dès que l'occasion se présentera de devoir "financer" quelque chose.
Tant qu'on gagne on rejoue, n'est-ce pas, et le faible rejet de cette hausse d'impôt donnera certainement envie aux politiciens de retenter leur chance...
Sécurité alimentaire: texte insipide chargé de transformer en loi une initiative populaire de l'Union suisse des paysans (USP), retirée depuis, le nouvel article constitutionnel sur la sécurité alimentaire ressemblait à une espèce de fourre-tout sur lequel chacun pouvait projeter ses désirs - raisons pour laquelle certaines sections de l'UDC, comme Lucerne, décidèrent de le refuser, arguant qu'il est "inutile d'inscrire dans la Constitution des principes que les paysans respectent déjà."
Bien entendu, le texte soutenu par l'ensemble de l'échiquier politique national devait passer sans coup férir, et le succès fut au rendez-vous avec 78,7% d'approbation. Seuls 21,3% de la population aura donc exprimé son indépendance d'esprit face au monde politique - toujours trop peu.
Ce week-end aura aussi été l'occasion d'une foule de scrutins cantonaux. Pêle-mêle, Neuchâtel désavoue ses autorités sur un projet d'hôtel judiciaire ; les Genevois auront moins de signatures à récolter pour exercer la démocratie directe ; et à Zurich les réfugiés "provisoirement admis" (étant entendu qu'ils s'agit de faux réfugiés, que leur admission ne respecte pas les Accords de Dublin, et que leur admission provisoire sera vraisemblablement définitive) ne toucheront désormais "plus que l'aide d'urgence", soit tout de même plusieurs fois le salaire mensuel moyen de leur pays d'origine. Mais c'est un progrès, Zurich étant un des deux derniers cantons à verser ainsi dans le tonneau des Danaïdes.
À l'échelle communale, Nyon refuse d'accorder un terrain à l'EVAM pour la construction d'un bâtiment chargé d'accueillir 180 migrants. La ville, plutôt marquée à gauche, se trouve des ressources réactionnaires insoupçonnées dès lors que le confort du voisinage est en jeu. A croire que les Nyonnais ne croient plus, dans leur majorité, aux vertus du vivre-ensemble dont on les martèle. Mais comme le dit le syndic Daniel Rossellat, "il faudra trouver de nouvelles solutions pour l'accueil des migrants" - donc, on trouvera bien d'autres moyens, étant entendu que le renvoi des hordes d'immigrés clandestins est totalement exclu.
Il serait trop long de s'étendre sur tous les objets soumis au vote, mais dans l'ensemble, ce fut un bon dimanche de votations. Prochaine échéance le 26 novembre.
Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 24 septembre 2017
Les textes juridiques tordus passent rarement les votes populaires.
Il faut commencer par détordre nos juristes manipulateurs!
On pleure dans les chaumières !