Désinformation et intoxication.
De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. – Howie Carr, l’un des esprits les plus caustiques du quotidien tabloïd Boston Herald, écrivait mercredi : « Il existe trois catégories de journalistes. Les plumitifs, les reporters TV et les CNN boys. » Une façon de se moquer gentiment de la hiérarchie officieuse de notre profession. Une façon également d’attribuer avec un humour grinçant la première place du podium à la célèbre chaîne câblée. La première, la plus haute, la plus honorifique mais aussi la plus vulnérable : plus dure sera la chute. Justement, nous y sommes. Une éclipse a brouillé les rayons du soleil CNN, qui brillait jusqu’ici d’un éclat sans pareil. Les meilleurs magazines. Les meilleurs scoops. Les meilleures interviews. Tout ce qui provenait des studios de CNN avait de quoi éblouir. On y entrait comme dans un temple. Le temple de l’information. Mais en quelques heures, il est devenu le temple de la fausse nouvelle, du bluff intégral, de l’imposture journalistique. Une honte. A cause de l’interminable feuilleton russe. A cause des liens hypothétiques entre le Kremlin et le candidat Trump. CNN a poussé trop loin la désinformation… jusqu’à l’intoxication. Trop c’est trop.
Une banque russe
L’étincelle qui a mis le feu aux poudres tranche par son apparente modestie. En début de semaine, sur son site internet, CNN publie un article affirmant qu’une banque russe proche d’un allié du président Donald Trump se trouve sous les projecteurs d’une enquête sénatoriale américaine. En principe, l’article ne dit rien de plus que ce qu’il annonce : les sénateurs veulent en savoir davantage sur les contacts de cette banque russe qui pourrait avoir un rôle dans le fameux feuilleton.
En réalité, le flou du contenu rend encore plus explosif ce qu’il ne dit pas, en suggérant que les liens de la banque (contrôlée, bien sûr, par Poutine) et l’allié de Trump sont d’ores et déjà pratiquement établis. En soi, le procédé est vicieux, le mécanisme diabolique. C’est celui qui aboutit généralement aux procès en diffamation : on ne dit pas nettement que la personne visée appartient aux gibiers de potence, mais on laisse entendre que ses faits et gestes ont la noirceur de l’équivoque. Si elle avait été véridique, cette histoire d’enquête sénatoriale aurait valu un blâme – un de plus – à CNN. Mais elle est fausse. Alors tout bascule.
Trois collaborateurs de CNN ayant trempé dans l’élaboration de l’article incriminé ont dû démissionner tandis que le PDG de la chaîne, Jeffrey Zucker, tente de sauver la face en clamant que « l’immense notoriété de CNN lui vaut d’innombrables ennemis qui veulent sa disparition ». De son côté, Trump ne lâche plus son Tweeter qu’il inonde de messages cinglants. « CNN ne va pas s’en tirer en se séparant de trois coupables, fulmine-t-il. Ce serait trop facile. Ce mensonge vient après des centaines de même nature. Et que dire des autres chaînes télévisées NBC, CBS et ABC ? Que dire du New York Times ? Que dire du Washington Post ? Même mentalité. Même engeance. D’ailleurs, CNN devrait changer son logo pour FNN – Fake News Network. » Fake signifie faux, bidon. Howie Carr rejette l’idée de comparer CNN à La Pravda, quotidien officiel du parti communiste à l’époque de l’URSS. Le confrère estime que cette comparaison est injuste pour La Pravda car « le journal moscovite faisait de la propagande en professionnel tandis que CNN fait parfois du journalisme en amateur ».
Maccarthysme inversé
La Russie, c’est bon pour l’audimat, ça rapporte gros, alors même si on ne trouve pas de scandale, pourquoi ne pas faire semblant ? C’est ainsi qu’un producteur d’émissions à CNN a défini l’esprit qui régnait depuis plusieurs semaines dans les studios de la chaîne. Le producteur témoigna de ce cynisme généralisé sans savoir qu’il était filmé. En face de lui, la caméra cachée de Project Veritas, une cellule de contrepoison appartenant à la droite nationale. Il souligna deux éléments. D’abord, l’affaire russe a déclenché à CNN une véritable hystérie. La moindre information vaguement plausible était aussitôt exploitée à fond, pourvu qu’elle contribue à déstabiliser Trump. Ensuite, Trump a raison de se défendre en attaquant non seulement CNN mais bien d’autres médias. Il est l’objet d’une authentique chasse aux sorcières. Il le dit lui-même. C’est du maccarthysme inversé. Depuis mai, CNN a consacré à cette affaire russe 353 minutes, contre 29 minutes seulement au terrorisme islamique. Cette tension constante génère des flots de publicité qui draine des millions de dollars. La recette paraît dramatiquement simple : une bonne histoire doit tenir en haleine tout un pays. Une histoire avec des moments forts, un suspense terrible. Si elle n’en offre pas, on les invente.
La solidarité globaliste aidant, le New York Times a tenté de venir au secours de son confrère en difficulté. En bas de page dans un deuxième cahier, le quotidien de Big Apple nous explique qu’à CNN, chaque article « sensible » passe systématiquement par un crible à trois niveaux. D’abord, les avocats. Ensuite, une équipe de superviseurs. Enfin, le comité éditorial. Que s’est-il passé pour ce fameux article sur la Russie ? Il a cheminé directement du clavier de son rédacteur à la toile. Pour lui, le crible a sauté. Ainsi, on voudrait nous faire croire que l’épisode raté d’une obsessionnelle offensive destinée à détruire la présidence de Trump s’assimile à une stupide erreur d’aiguillage.
Photo de tête : Jeffrey Zucker, PDG de CNN, chaîne spécialisée dans l’intoxication.
Cet article CNN, la honte des médias américains est apparu en premier sur Présent.
Extrait de: Source et auteur
Et vous, qu'en pensez vous ?