Sortir du nucléaire, n’importe comment ?

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Le 27 novembre, les Suisses se prononceront sur l'initiative écologiste "Pour la sortie programmée de l'énergie nucléaire (Initiative "Sortir du nucléaire")".

L'initiative demande l'interdiction de la construction de nouvelles centrales et de limiter à 45 ans la durée d'exploitation légale de celles déjà en service. Bien entendu, tout cela est enrobé d'un "souhait" exprimé à la Confédération - ça ne mange pas de pain - en matière de limitation de consommation d'énergie, d'efficacité énergétique, de promotion des énergies renouvelables et de chant des petits oiseaux.

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Centrale de Mühleberg

Le titre de l'initiative est malheureusement mensonger ; en cas d'approbation, il ne s'agirait pas d'une sortie programmée du nucléaire, mais d'une sortie décrétée du nucléaire, la plus grande part étant laissée à l'improvisation. Trois des cinq réacteurs nucléaires helvétiques devraient fermer avant l'hiver 2017 (Beznau 1 et 2 et Mühleberg). Ni l'efficacité énergétique, ni les énergies renouvelables ne seraient évidemment en mesure de compenser le trou dans la production à si brève échéance. En l'occurrence, et quitte à espérer que les écologistes n'ont pas la pénurie en tête, le choix serait donc entre dépendre du nucléaire français ou du charbon allemand - au prix qu'il plaira à nos nouveaux maîtres.

Les entreprises semi-publiques propriétaires de ces centrales, soudainement victimes d'un gigantesque manque à gagner, pourraient se retourner contre la Confédération pour combler cette perte et exiger des compensations en milliards, d'autant plus qu'elles devraient alors y ajouter des coûts de démantèlement. L'addition sera évidemment pour le contribuable, le consommateur, ou plus vraisemblablement les deux. Elle sera salée.

Les campagnes de votation sur l'énergie mettent toujours l'accent sur le citoyen, puisqu'il faut le convaincre, et en grand nombre. On voit donc surgir les simplifications les plus échevelées destinées à frapper les esprits. Par exemple, substituer une source d'énergie par une autre comme dans un jeu de bonneteau - hop le nucléaire, hop le solaire, hop les éoliennes! - comme si chacune était rigoureusement équivalente. Comme si les 36% de part de marché du nucléaire dans l'approvisionnement énergétique suisse pouvaient être remplacés du jour au lendemain par les 6% péniblement atteints par les énergies thermiques, éoliennes, solaires et de biomasse combinées. Comme si l'érection de la moindre éolienne sur le précieux sol du pays n'était pas un chemin de croix face à l'opposition résolue et compréhensible des défenseurs du paysage. Comme si la construction d'éoliennes ne devait pas s'accompagner de celle de coûteuses et polluantes centrales à gaz pour suppléer à leur rendement déficient lorsque le vent ne souffle pas, ou pas assez.

Le citoyen suisse moyen n'aime peut-être pas le nucléaire, mais il a tout de même une vague idée du prix exorbitant qu'il dépense déjà en énergie taxée et n'a certainement pas envie de doubler ou de tripler la mise pour faire plaisir à une coterie d'extrémistes très loin de vivre selon leurs préceptes.

Malgré tout, le débat centré sur la facture énergétique des foyers occulte l'essentiel - car l'énergie se consomme dans bien d'autres domaines que l'éclairage domestique et la télévision. Les CFF sont d'énormes consommateurs d'énergie. Les entreprises industrielles tout autant. Pour ces acteurs-là, l'initiative des écologistes bouleverserait leurs coûts. Les CFF n'auraient sans doute guère de scrupules à infliger une nouvelle hausse de tarif à leurs clients asservis, mais d'autres n'auraient le choix qu'entre délocaliser ou mettre la clef sous la porte, avec la casse sociale que l'on imagine.

Aussi, je n'ose même pas évoquer la suite de l'histoire jusqu'en 2050 tant cette fable n'a pas de sens - sauf à essayer de se figurer comment une Suisse ruinée et en crise pourrait essayer de s'infliger quelques impôts supplémentaires pour subventionner des entreprises d'isolation ou d'un courant "durable" hors de prix et intermittent.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je ne suis pas un apôtre du nucléaire - mais j'abhorre l'irrationalité dans le discours énergétique (ainsi que dans la plupart des discours, je le concède). Une politique énergétique intelligente ouvre un espace où coexistent différentes sources d'approvisionnement, non parce qu'elles correspondent aux lubies changeantes des individus au pouvoir, mais parce qu'elles ont chacune leurs propres mérites. Elles s'imposent ou s'effacent non par décret mais selon les évolutions technologiques, les disponibilités et les coûts.

Il n'y a aucune justification à l'arrêt immédiat de centrales nucléaires après 45 ans, pas plus que pour n'importe quelle autre source d'énergie. Proposerait-on la même chose pour un barrage?

Les équipements vieillissent, mais peuvent être convenablement entretenus et remplacés ; les technologies de détection et de prévention évoluent sans cesse ; et si d'aventure le réacteur d'une centrale devait finalement être jugé trop cher à réparer, alors son emplacement constituerait certainement le lieu le plus approprié pour bâtir son successeur de la génération suivante.

Le nucléaire n'est pas une technologie dépassée, il évolue constamment - à l'inverse du discours ranci des écologistes à son encontre. Aujourd'hui, le nucléaire a le vent en poupe. Plus de 70 réacteurs sont en construction dans le monde. Les rares pays à suivre l'exemple de l'Allemagne s'en mordent les doigts. Le Japon a remis ses centrales en marche. Même "l'esprit Fukushima" constamment invoqué ici n'a pas réussi à persister là-bas. Les Japonais ont bien compris que leur prospérité venait aussi d'une énergie bon marché, fiable et abondante.

Je n'ai aucun doute que l'initiative arbitraire des écologistes sera rejetée. Toutefois, quelle que soit l'intensité de la gifle infligée par les urnes, la nouvelle débâcle sera présentée comme une victoire. Ainsi va la vie médiatico-politique en Helvétie.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur Lesobservateurs.ch, le 6 novembre 2016

7 commentaires

  1. Posté par conrad.hausmann le

    Pendant que nous discutons en G-B il se construit une énorme centrale nucléaire ! Tous les grands pays comme l ‘Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud etc. vont se lancer dans des nouvelles filières nucléaires et mème le Japon. Alors la Suisse et l’Allemagne ces 2 seuls pays vont-ils changer la marche du monde? On peut en douter .

  2. Posté par Jack Palance le

    Juste une remise au point : Tchernobyl est principalement dû à une incroyable succession d’erreur humaine ou des remplaçants mal formés on décider de faire un exercice d’alerte en déconnectant les sécurités sans y être autorisé, ce qui a provoqué la fusion du réacteur sans pouvoir l’arrêter ( très résumé en gros )….Fukushima, suite au gigantesque tsunami, les génératrices placée au sous sol ont été noyée ce qui à arrêté les pompes servant au refroidissement du cœur du réacteur, MAIS….il y avait sur le toit de la centrale, d’immenses citernes d’eau pouvant, par gravitation, alimenter le circuit de refroidissement au moyen d’un simple bouton )qui n’a pas fonctionné) ou manuellement en ouvrant des vannes à la main (ce qui n’a pas été fait) le temps de brancher un circuit de secours afin de remettre en marche le circuit d’eau ( très résumé aussi)…donc !….grave erreur humaine et si vous ne tournez pas le volant dans un virage, vous allez dans le platane !…..c’est quand même pas la faute à la voiture NON ?……DE PLUS, au jt de TF1 ce soir, les français vont probablement manquer d’électricité en cas d’hiver rigoureux suite à l’arrêt de quelques centrales et ces imbéciles d’écolos ainsi qu’une grande partie du peuple lobotomisé de ce pays voudraient que l’on devienne dépendant des autres ?????…….plus cons que ça tu meurs !

  3. Posté par Marcassin le

    Oui Arthur, le nucléaire ce n’est pas le top de la sécurité sanitaire. Mais la consommation des “ménages” est, je crois, d’environ 30% de la consommation totale d’électricité. Donc si l’on veut faire des économies drastiques on supprime l’approvisionnement de la moitié de nos industries et infrastructures ferroviaires (et la Tesla de Doris) et que fait-on des chômeurs ?

  4. Posté par Arthur le

    Si cela est nécessaire construisons aussi des centrales à gas ou à bois en plus de l’ hydraulique, du solaire, de l’éolien, de la géothermie et de l’économie d’énergie par différents dispositifs. Mais sortons du nucléaire!! Il y a trop de risques de problème avec de vieilles centrales qui présentent des dommages liés à l’usure et une gestion au combien problématique des déchets du nucléaire. Ajoutons également l’impact négatif des procédures d’enrichissement de l’uranium, très gourmandes en énergies fossiles.

  5. Posté par Max le

    Comment peut-on ce lever le matin pour faire de la MER… pareil.

  6. Posté par aline le

    La désinformation des anti-nucléaire est totale. Penser que l’on puisse remplacer le nucléaire par le soleil et le vent dans notre pays est complètement aberrant. Ce qui me dérange le plus c’est que la Suisse sera obligée d’importer de l’énergie provenant du charbon d’Allemagne à un prix exorbitant. Dans un documentaire récemment diffusé à la chaine TV ARD on a pu voir des champs entièrement labourés pour extraire du charbon. Recourir au charbon signifie retomber dans un passé sombre.

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