L’utopie : l’opium des écologistes

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Par Michel Gay.

Opium By: UnklNikCC BY 2.0

 

« En politique, il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires. » Voltaire, dictionnaire philosophique (1764).

Au cours d’un débat télévisé entre Aron et Sartre au sujet de l’art abstrait défendu idéologiquement par Jean-Paul Sartre, Raymond Aron le laissa s’expliquer longuement, avant de lui montrer brillamment le non-sens artistique de l’abstraction. L’argumentation de Raymond Aron fut si claire et logique que Sartre en resta sans voix. Le lendemain, un journaliste de gauche ne pouvant se résoudre à se ranger aux côtés de Raymond Aron, philosophe libéral de droite et donc réputé infréquentable, aurait eu cette formule qui a fait florès : « Mieux vaut avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Plutôt le lyrisme de certaines idées erronées que l’appartenance pondérée au cercle de la raison. Plutôt la pensée flamboyante que l’analyse désenchantée des illusions.

Mais nier le réel permet-il de vivre ensemble longtemps ?

Aron distinguait « les intellectuels qui cultivent les illusions, et ceux qui les déracinent »1. Se classant parmi les seconds, il était donc moins séduisant que Sartre qui soutenait « l’existence du fait moral » contre « le veau d’or du réalisme« . Mais c’est Aron qui fut l’un des premiers à partir pour Londres rejoindre de Gaulle afin de combattre le nazisme, alors que Sartre, héraut de l’engagement, fut pendant l’occupation à Paris « un écrivain qui résistait et non un résistant qui écrivait » selon ses propres termes.

La cause écologiste est « la meilleure »

Les idéalistes écologistes s’imaginent que la cause qu’ils défendent est la meilleure. Ils refusent simplement de voir la réalité. Comme ces voyageurs qui font connaissance avec un pays et une population sans quitter le train, ils prétendent être les porte-parole de l’humanité entière dont ils ignorent les besoins et, de ce fait, aggravent les problèmes au lieu de les résoudre. Comme le communisme a commis ses crimes au nom du Bien, l’écologisme se justifie par la noblesse et la générosité des intentions. C’est bien ce qu’a écrit Aron : « la fin sublime excuse les moyens horribles. »

L’écologie vit dans un monde étrange de simplification et de falsifications qui rend toute chose claire, libre et simple. Elle fait vagabonder l’esprit dans le superficiel et la facilité en se payant de mots creux et de faux raisonnements. Elle entretient sans scrupule, et ingénieusement, l’ignorance pour faire croire à un futur merveilleux où les énergies renouvelables et le bio remplaceront les énergies fossiles, l’énergie nucléaire et l’agriculture intensive. La population pressée n’a pas le temps de vérifier les absurdités régulièrement déversées sur ce sujet par les médias acquis à la cause verte qui fait pourtant des milliers de victimes dans le monde.

L’idéologie plutôt que la vérité

L’intelligentsia écologiste a choisi la mystification par passion idéologique, plutôt que la vérité et la justice.

Ainsi :

  • qu’importe que le nucléaire progresse dans le monde comme énergie propre et décarbonée, il suffit de répéter en France qu’il est moribond
  • qu’importe que les OGM soient un progrès pour l’humanité comme l’ont reconnu récemment 100 prix Nobel, il suffit de clamer le contraire à l’unisson des campagnes de propagande de Greenpeace
  • qu’importe que les énergies renouvelables, notamment les éoliennes et les panneaux photovoltaïques soient des impasses techniques, économiques et écologiques, il suffit d’affirmer qu’elles représentent l’avenir de nos enfants
  • qu’importe que le charbon fasse 23 000 morts par an en Europe et que la houille soit subventionnée comme énergie renouvelable depuis 2014 par l’Union européenne sous la pression de l’Allemagne verte, mais grande consommatrice de charbon, et aussi de gaz. Il suffit de dire que l’Allemagne est vertueuse et « en avance sur la France » puisqu’elle veut arrêter le nucléaire.

L’important est que suffisamment de gens y croient pour obtenir une majorité ou… des subventions.

Mensonges et exagérations ont toujours fait partie du répertoire politique, pas seulement écologistes. Généralement, les politiques s’accrochent obstinément à leurs erreurs, utilisant au besoin la dénégation ou l’argumentation sophistique pour soutenir une thèse s’étant révélée fausse.

On manque de temps pour réfléchir

Néanmoins, auparavant les faits restaient épargnés dans les débats. Aujourd’hui, ils deviennent facultatifs, notamment dans les domaines de l’économie et de l’écologie. Peu importe la réalité, c’est sa perception qui compte. L’information n’a plus le temps de mûrir.

Une minorité informée peut bien démentir des rumeurs et décortiquer l’hypocrisie et le cynisme de certaines « études » partisanes, encore faut-il que ces analyses soient relayées et lues.

Comme le temps manque pour penser, les opinions qui divergent de la pensée dominante sont balayées. Elles sont mêmes haïes. Avec l’accélération de la vie, l’esprit s’est accoutumé à une vision partielle et à un jugement faux. Les gens actifs, c’est-à-dire sans repos, n’ont jamais été aussi estimés. Au milieu de cette agitation du monde, la France semble cultiver le plaisir et le repos, alors qu’en réalité la majorité pédale frénétiquement le nez dans le guidon vers une nouvelle barbarie : l’écologisme. L’URSS et, plus généralement, tous les régimes communistes dont les méthodes inspirent les idéologues écologistes, furent de véritables enfers.

La démocratie suppose que le peuple décide en étant éclairé et informé des enjeux de son vote. Or, le mensonge devient le cœur même des stratégies politiques écologistes et aussi des médias décrédibilisés qui se sentent obligés d’être complice pour plaire à une partie de leur clientèle endoctrinée par une idéologie verte. Nous sommes loin de la promesse utopique d’un âge de l’information qui formerait l’aboutissement de l’idéal démocratique.

De plus, les réseaux sociaux et les algorithmes de type Facebook ou Amazon choisissent à notre place ce qui est susceptible de nous intéresser. Ils ne cherchent pas à proposer un regard critique mais ils vont, au contraire, encore renforcer l’opinion établie par nos précédentes recherches. Parmi ce maelstrom de visions manichéennes et simplistes comment faire des choix essentiels en votant sans être informé correctement des conséquences ?

Antonio Gramsci, un penseur italien marxiste du début du XXe siècle, soutenait que quiconque prenait le contrôle de la culture prendrait automatiquement le contrôle de la politique trente ou quarante ans plus tard, ce dernier tombant comme un fruit mûr une fois le lavage des cerveaux terminé2. La situation culturelle française actuelle dominée par une écologie de gauche, dont l’emprise politique ne cesse de s’alourdir sur la société française, vérifie ce pronostic.

Le ministère de l’Écologie voudrait-il imiter le succès du ministère de la Culture en mettant en scène le théâtre d’une vie factice sur un socle d’illusions et d’utopies ?

  1. En 1955, Raymond Aron publie L’opium des intellectuels. Il y analyse l’aliénation des intellectuels. Les intellectuels français seraient des révolutionnaires détestant une société qui leur donne un niveau de vie confortable et préserve leurs libertés.
  2. Les cahiers de prison

Cet article L’utopie : l’opium des écologistes est paru initialement sur Contrepoints - Journal libéral d'actualités en ligne

 

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