Le casino américain est le grand gagnant de la crise de 2011

Par Liliane Held-Khawam, 25 avril 2016

La crise de 2011 a été un tournant dans la guerre  monétaire, financière et économique menée de main de maître par le casino financier mondial.

 

La guerre sévit partout dans le monde. Les exactions spectaculaires des jihadistes dans certaines zones ne devraient pas nous cacher l’autre guerre qui agite le monde dans ses moindres recoins.

Une guerre globale  accompagne la mondialisation des marchés et l’émergence d’une élite apatride autoproclamée. Cette guerre est monétaire et planétaire. 

Il y a quelques années encore bon nombre d’analystes avaient enterré  le dollar américain. Force est de constater que cette devise est non seulement là mais bien là. Est-ce à dire que leurs pronostics étaient faux? Bien sûr que non. Le dollar américain présentait tous les symptômes objectifs d’une dégénérescence avancée. Si leur analyse était juste, ils avaient toutefois omis  d’évaluer la  capacité que les tenants de cette monnaie avaient à dégrader les autres monnaies, l’or, le pétrole et les commodities en général.

 

Un retour à l’année 2011 marquée par la crise de l’euro et des banques européennes permet de voir le retournement de la situation en faveur du dollar américain!

Ce faisant, une voie royale a été  ouverte aux tenants du dollar afin de mener une entreprise de phagocytage de l’économie mondiale. Les dépréciations monétaires ont réduit d’autant le prix de cet accaparement des richesses nationales. Remarquons que ces investisseurs ne sont pas exclusivement américains. Des pays détenteurs de dollars américains tels que les pays du Golfe, Chine, etc en ont aussi largement bénéficié.

Si l’on transposait l’exemple au monde de l’entreprise, on dirait que si une entreprise faible arrivait  à affaiblir ses concurrents encore plus qu’elle, elle pourrait prétendre au leadership de la branche.

Affaiblir et contrôler les concurrents est une  valeur qui règne dans le monde de la finance globalisée. Les managers sont imprégnés de la maxime « eat or be eaten » (manger ou être mangé). Voici le principe de base du cannibalisme économique que nous appelons ici « phagocytage ».

Par conséquent, faire déprécier les monnaies  a permis le phagocytage a bon compte par les tenants du dollar américain. Le dollar donné hier pour mort par certains experts est vivant et bien vivant! Plus encore, il est en passe de devenir LA monnaie du nouvel empire planétaire… Il serait libre alors d’imposer un nouvel ordre monétaire, financier et économique quitte à s’autodétruire au profit d’une nouvelle monnaie unique dans laquelle ses détenteurs tiendraient un rôle déterminant.

Grâce à leur attaque massive de 2011, les Etats-Unis ou Wall Street (peu importe en définitive) sont en train de remporter le leadership du nouveau monde globalisé à un niveau économico-financier planétaire.

 

Il a fallu se débarrasser de l’euro:

La crise des dettes, de l’euro et des banques européennes a marqué le tournant de la guerre monétaire, financière et économique. En septembre 2011, les banques européennes n’arrivaient plus à s’approvisionner en dollars américains. Elles étaient frappées d’une sorte d’étranglement. C’est alors qu’un évènement de grande importance a eu lieu dans l’indifférence des médias européens.

Une réunion s’est tenue le 15 septembre 2011 -au lendemain de la dégradation par Moody’s des 2 plus grandes banques françaises – entre la Federal Reserve, la Banque centrale européenne, la Banque du Japon, La Banque Nationale suisse, et la Banque d’Angleterre. Elles ont annoncé qu’elles offriraient des liquidités en dollars américains en quantités illimitées en échange de tout titre collatéral éligible, et ce  à n’importe quelle institution qui en aurait besoin! (cf Forbes ci-dessous).

Cette date de l’été 2011 est un moment-clé qui a permis notamment au dollar de se débarrasser d’un euro qui devenait trop encombrant. Les graphiques ci-dessous montrent l’envol du dollar -ou l’épuisement des monnaies concurrentes- de manière quasi systématique à partir de cette date.

L’attaque américaine de 2011 n’était pas que monétaire. Elle s’est étendue au pétrole, métaux précieux, à la récupération des fortunes sous gestion de toutes les places financières et autres paradis fiscaux.

Les banquiers centraux de la planète ont joué eux aussi un rôle essentiel dans le succès de cette bataille. Certains ont voulu faire croire qu’une monnaie faible était favorable aux entreprises exportatrices, en réalité largement délocalisées. Ils ont non seulement fait preuve d’une grande naïveté mais ont soutenu d’autant les investisseurs américains et ont défavorisé les consommateurs de leur pays.

C’est aussi durant l’été 2011 que quelque chose de particulier a eu lieu en Suisse. Les dettes de la BNS ont disparu des colonnes du passif pour aller se noyer dans une boîte noire appelée « compte de virements des banques ». Le 6 septembre, jour de l’annonce de l’arrimage du franc à l’euro a été le déut de la descente aux enfers du franc suisse. Et enfin, toujours en Septembre 2011, les autorités suisses ont voté en toute discrétion la loi dite too big to fail, garantissant les banques d’un soutien illimité avec l’argent du peuple… Aucune contrepartie, contrainte ou exigence ne leur ont été demandées en retour.

L’histoire se chargera d’évaluer la part de responsabilité des banquiers centraux dans la ruine des pays et des populations…

 

Liliane Held-Khawam

 

Source, avec graphiques et annexes

Un commentaire

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.