Le nombre de demandes de retrait de contenus faisant l'apologie du terrorisme a explosé depuis les attentats du 13 novembre.
Les retraits de contenus à caractère terroriste sur Internet ont explosé depuis les attentats du 13 novembre, mais les sites illicites « les plus largement consultés » restent ceux à caractère pédopornograhique, explique un représentant de la Cnil. Depuis mars 2015, date à laquelle une « personnalité qualifiée » de la Commission nationale de l'informatique et des libertés contrôle l'action du ministère de l'Intérieurcontre le terrorisme et la pédopornographie sur Internet, 1 439 demandes de retrait de contenus lui sont parvenues, dont 1 286 pour des sites à caractère terroriste.
« C'est beaucoup plus que ce que l'on avait prévu », a dit lors d'une conférence de presse Alexandre Linden, conseiller honoraire à la Cour de cassation qui exerce ce rôle de « personnalité qualifiée ». Il tablait sur un chiffre compris entre 500 et 1 000. Le nombre de demandes de retrait de contenus à caractère terroriste adressé à la Cnil par l'OCLCTIC, la police de l'Internet en matière de terrorisme et de pédopornographie, a explosé après les attentats du 13 novembre.
Rien qu'entre cette date et fin février 2016, le nombre de demandes de retrait de contenus faisant l'apologie du terrorisme ou incitant à commettre des actes terroristes a atteint 1 000. Alexandre Linden a estimé que, face à cette accumulation, il serait bon de « dédier » un agent de la Cnil par exemple au traitement des demandes émanant du ministère de l'Intérieur, rappelant que cette nouvelle fonction de contrôle venait en plus des autres missions sur la protection des libertés individuelles.
La photo de la tuerie du Bataclan
Par ailleurs, l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) a adressé à Alexandre Linden 312 demandes de blocages de sites (68 à caractère terroriste), et 855 demandes de déréférencement, pédopornographie et terrorisme confondus. Alexandre Linden a toutefois précisé que « les sites les plus largement consultés (étaient) les sites à caractère pédopornographique ».
En un an d'exercice, Alexandre Linden n'a trouvé qu'une fois à redire aux demandes du ministère de l'Intérieur, pour une photo montrant des corps à l'intérieur du Bataclan. Ce qui lui permet de louer la « pertinence des décisions » de l'OCLCTIC et de dire que cet office « respecte le principe de proportionnalité » en matière de liberté d'expression.
En ce qui concerne cette photo du Bataclan, massivement diffusée et que l'OCLCTIC voulait faire retirer partout, le magistrat a appelé à prendre en compte le « contexte » de diffusion, jugeant que le cliché en lui-même ne constituait pas une apologie du terrorisme, par exemple lorsqu'il était diffusé par un organe de presse généraliste suisse ou s'il était accompagné d'un message dénonçant la tuerie.
Circonstance aggravante
La mise en place du contrôle de la Cnil est une conséquence de l'entrée en vigueur, le 13 novembre 2014, d'une loi qui fait passer la provocation aux actes de terrorisme et l'apologie du terrorisme dans le registre des infractions terroristes du Code pénal en estimant que le recours à Internet constitue une « circonstance aggravante ». En d'autres termes, cela fait passer dans le droit commun des délits qui relevaient auparavant d'un régime plus « protecteur », selon la Cnil, celui de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
L'état d'urgence permet par ailleurs au ministre de l'Intérieur de bloquer des sites ou de retirer des contenus sans aucun contrôle, ce dont il s'est jusqu'ici abstenu, a fait savoir Alexandre Linden. Le magistrat, doté d'une solide expérience pénale, a indiqué que, le plus souvent, sa décision était « instantanée » quand il s'agissait de dire si un contenu était licite ou non. Il a dit être marqué par le caractère « très élaboré » des vidéos diffusées par l'État islamique, allant jusqu'à lui dire qu'elles lui rappelaient certaines scènes d'un film de propagande soviétique tourné par le grand réalisateur Sergueï Eisenstein, Alexandre Nevski.
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