Cette fois c’est AVAAZ, un mouvement qui utilise Internet pour lancer régulièrement des pétitions pour des causes diverses, qui part en guerre. Une campagne est en cours pour s’opposer à la remise en service des centrales nucléaire de Tihange et de Doel en Belgique.
Quelques points de repères.
AVAAZ, une formule à succès.
La formule AVAAZ (www.avvaz.org) est un support logistique sur Internet au service de ceux qui veulent récolter beaucoup de signatures sous forme de pétition en faveur de causes diverses. Sur le sujet de cet article, AVAAZ donne l’impression de céder au procès sommaire et de jouer sur les peurs instinctives pour inciter au lynchage populaire. De la complaisance pour un succès facile ?
Sur le fond (1) : la sécurité des réacteurs vieillissant.
C’est un thème récurrent du combat des opposants au nucléaire qui font état de graves fissures des cuves métalliques qui pourraient conduire à de « vrais Tchernobyl ». Bien sûr c’est une question très sérieuse qui doit être traitée en conséquence. Deux éléments essentiels : 1) la sécurité d’une technologie à risques n’est pas bonne ou mauvaise en soi. C’est l’usage qu’on en fait, donc « l’humain » derrière la machine, qui fait, ou ne fait pas la sécurité, et 2) en pratique «l’humain » signifie des exigences de sécurité bien faites et bien appliquées. Nous avons une législation en la matière très sévère et une Autorité de sécurité très compétente et rigoureuse (www.ifsn.ch ).
Cette question de fond a été traitée dans plusieurs articles précédents dont ce dernier : https://lesobservateurs.ch/2015/08/21/securite-de-beznau-le-jeu-avec-la-peur-continue/
Sur le fond (2) : quels experts croire ?
C’est une question par nature difficile, à laquelle il n’y a pas de recette simple, surtout pour le profane. Deux critères importants : 1) la compétence, l’expérience professionnelle des experts, 2) L’indépendance (qui les mandate, l’Etat, une ONG ou l’industrie ?).
On lira à ce sujet les propos très basiques sur bon fonctionnement du tandem décideur – expert, et sur les dérives de ce bon fonctionnement, formulés par Yves Bréchet (Académie des sciences françaises, Paris), voir : http://www.asmp.fr/travaux/colloques/2011_11_28_brechet.pdf )
Yves Bréchet fait en particulier le constat suivant : on abuse du terme expertise « indépendante ». Très souvent, surtout dans l’espace médiatique et politique, une expertise et reconnue « indépendante » lorsqu’elle est mandatée par une ONG, parce que l’ONG serait par nature indépendante. Ce qui n’est pas le cas : l’expertise est alors simplement complaisante et militante.
L’acharnement antinucléaire ne sévit pas qu’en Belgique.
Coïncidence du calendrier notre très sérieux quotidien Le Temps publiait le 24 janvier dernier un article http://www.letemps.ch/suisse/2016/01/24/un-rapport-demontre-faiblesses-centrale-beznau . Un article réquisitoireàcharge basé sur un rapport de l’ONG Wise, une ONG antinucléaire militante dont le siège est à Paris. On apprend par Le Temps que ce rapport WISE a été relayé par une ONG suisse, la Fondation suisse pour l’énergie (FSE – SES) auprès de la Commission de l’énergie du Conseil national qui siégeait les 25 et 26 janvier avec à l’ordre du jour la Transition énergétique, en particulier les modalités de prolongement, ou d’arrêt prématuré des centrales nucléaires suisses. Remarquons enfin que l’article du Temps rend compte du seul rapport WISE, sans aucune distance, sans analyse critique et sans consulter aucune autre source plus compétente.
Il y a d’autres médias et d’autres experts.
Signalons, sur le cas des réacteurs belges, une analyse beaucoup plus nuancée publiée le 1er octobre 2015 par le journal catholique français La Croix. Par ailleurs le Forum nucléaire suisse vient de publier une fiche de synthèse sur la sécurité des réacteurs suisses à la lumière des plus récents travaux de notre Inspectorat : http://www.nuklearforum.ch/sites/default/files/folder-pdf/160118_Faktenblatt_Sicherheit_f_light_0.pdf
Les experts restent malheureusement les grands absents de l’information et du débat.
Le contraste est extrême en matière de sécurité et de technologie à risque selon le cas débattu : dans le débat sur la sécurité des avions, à l’ex. du crash de l’Airbus des German Wings en 2015 (suicide du co-pilote), il n’y avait dans les médias que des pilotes, des experts de sécurité et des journalistes spécialisés. Dans le cas du nucléaire, vous souvenez-vous du dernier expert que ayez vu ou entendu ? Il n’y a que des politiques…
Voir cet autre article sur les Observateurs : https://lesobservateurs.ch/2015/04/04/nucleaire-et-aeronautique-pourquoi-une-telle-difference-de-qualite-du-debat/
Un conseil pratique.
Au citoyen prudent et attentif, soyez pour, soyez contre le nucléaire, mais soyez informé. Et si vous avez de la peine à savoir à qui accorder votre confiance, la clef est en vous : posez-vous simplement la question : que voulez-vous vraiment ? La sécurité du nucléaire ? Ou sa disparition ?
Si c’est la sécurité alors écoutez les professionnels et les experts : ils veulent la sécurité probablement encore plus que vous.
Si vous préférez la disparition du nucléaire, alors faites confiance aux opposants : c’est bien ce qu’ils veulent. Ils ne veulent pas la sécurité, ils ne la demandent en fait jamais. Pour une bonne raison : un nucléaire sûr serait une catastrophe pour les cotisations des ONG et les voix que peuvent faire les partis verts.
Si l’homme préhistorique avait suivi la mouvance anti-nucléaire, il aurait interdit le feu. Au lieu de le domestiquer.
(Publié sur : http://clubenergie2051.ch/2016/01/28/nucleaire-les-opposants-harcelent-jouent-sur-la-peur-mais-ninforment-pas/ )
Jean-François Dupont / 28-01-2016
À Dominique Schwander
Encore quelques points de repères.
Sur les réacteurs suisses, pas meilleurs selon vous. Il manquait quand même quatre dispositifs de sécurité par rapport à une centrale suisse comme Mühleberg : un confinement complet béton + acier, des catalyseurs pour recombiner l’hydrogène et éviter les explosions, des filtres/bacs à sable à travers lesquels relâcher la vapeur contaminée en excès de pression (à Fukushima les relâchements se sont fait sans filtre directement dans l’atmosphère) et des génératrices diesel bunkérisées pour résister à une vague d’eau. Des ingénieurs suisses sont allés proposer ces équipements, à Fukushima dans les années 80, lorsqu’on les a ajoutés à nos centrales. Refus de l’exploitant.
Sur les assurances. Je n’ai pas tous les détails de la structure des assurances et réassurances en matière de sécurité nucléaire. Ce que j’ai appris c’est que les compagnies d’assurance engagées dans ce business font des affaires d’or en Occident : des primes importantes encaissées année après année, et jamais de de sinistres à rembourser. J’ai voulu placer un peu de mes économies dans de telles assurances. Il paraît que les actionnaires sont des exploitants de centrales et que les actions ne sont pas en vente. Dans le fond pas si fous les exploitants de centrales (dont les actionnaires sont des Communes et des Cantons en Suisse, ce que certains appellent « lobby nucléaire »).
Sur le solaire et les petits-enfants. Très bien le solaire, je suis aussi pour. Il faut tout additionner, au lieu de jouer les énergies les unes contre les autres. Très bien aussi d’évoquer les petits-enfants. Une petite touche morale ne fait pas de mal. C’est d’ailleurs, si on décode un peu, une constante de l’argumentation antinucléaire. Mais morale pour morale, êtes-vous conscient que l’interdiction que vous souhaitez, si je vous ai bien compris, pour le nucléaire, n’est pas pour notre génération, mais pour les prochaines, celles qui ne votent pas encore. Notre génération s’accorde le droit d’utiliser nos centrales nucléaires sans limites de temps, mais fera porter l’interdiction à nos descendants. En sommes ils garderont nos déchets, mais n’auront plus la liberté de décider eux s’ils veulent continuer à profiter d’une électricité accessoirement sans CO2, sans pollution, sans les contraintes géopolitiques du pétrole et du gaz, etc. C’est vraiment éthique de décider nous pour nos petits-enfants ?
A vouloir jouer à Merlin l’enchanteur, nous aurons quelque chose à raconter à nos descendants si l’on se trouve à quelques distances… Au Japon, il y avait beaucoup de Merlin… L’homme n’est pas fait pour comprendre.
Merci de corriger mes “car à aucun moment, vous ne me répondez sur le fond”, et la “sagesse est-elle plus liée”et les autres, “j’ai installé”!!!
“Les Observateurs” nonobstant ses mérites, attisent non pas la fameuse “Haine” tant décriée par certains, mais juste une passion bien humaine, aux conséquences grammaticales aléatoires!
Mea culpa
Je profite de la tribune qu’offre “Les Observateurs” pour remercier ceux-ci de permettre ce genre de dialogue.
Ceci étant dit, je remercie également M. Dupont d’avoir eu l’obligeance de me répondre.
Je n’ai pas la prétention d’usurper un titre de scientifique que je n’ai pas, étant artisan de mon état, mais faut-il pour autant que je m’en réjouisse? Votre réponse me conforte!
Car, à aucun moment, vous ne me répondez pas sur le fond!
S’agissant de l’aspect philosophique, il me revient en mémoire un mot de Paul Claudel sur la”Naïveté des scientifiques”, on remarquera qu’il n’y fait pas mention de modestie, ouf!
Que faut-il entendre par là? Il doit s’agir d’une communauté mettant tellement d’énergie et d’enthousiasme à comprendre le “Comment” s’en trop s’interroger sur le “Pourquoi”.
Peut-être, la sagesse est-elle plus lier au pourquoi qu’au comment?
Cependant, je n’ai pas la prétention de répondre à ce questionnement, la nature m’ayant juste doté d’une cervelle et d’une paire d’yeux pour voir dans quel état désastreux se trouve notre planète.
Certes, les responsabilités sont multiples…mais la lucidité fait défaut.
Qu’il me soit permis d’ajouter une petite remarque concernant le commentaire de M. Schwander.
Pour ma part, j’ai installer des panneaux solaires, il y a de cela quatre ans et la Confédération n’a toujours pas honoré ses promesses en matière de rétribution à prix coutant!
Vaste couillonnade!
Chercher l’erreur dans les lobbys de l’énergie et non pas dans une politique rationnelle et raisonnable!
Malgré nos excellents ingénieurs, je ne crois pas que la sécurité du nucléaire soit meilleure chez nous qu’au Japon, etc. Si c’était le cas nos grandes sociétés d’assurance et de réassurance assureraient entièrement les centrales nucléaires helvétiques. Ce qui est loin d’être le cas. Ne croyons donc pas trop ces ingénieurs et politiciens pro-nucléaires.
Mais ce qui me choque également ce sont tous ces citoyens qui sont, avec de bonnes raisons contre le nucléaire, mais ne font pas grand chose personnellement pour en sortir. Notre Conseillère fédérale qui milite pour sortir du nucléaire, combien de capteurs solaires et d’éolienne a-t-elle? Vraisemblablement pas plus que d’immigrants accueillis dans son foyer par l’autre, la bernoise! Mon épouse et moi -même avons un peu plus de 17 kWc de capteurs photovoltaïques sur notre toit. Nos petits enfants savent que nous assumons.
À Pierrot,
Il y a deux attitudes extrêmes à propos de la technique et des ingénieurs : l’une est de croire qu’ils vont tout résoudre, l’autre est de croire qu’ils vont tout gâcher. Vous êtes dans l’une de ces attitudes extrêmes, la deuxième. Dommage, l’une comme l’autre sont des attitudes excessives. Cela ne facilite pas le bon usage des multiples et réels talents humains pour améliorer le destin des hommes, cela favorise surtout les guerres de religion.
Une petite suggestion : vous appuyez votre argumentation sur « …à ce stade de NOS connaissances… ». Dites plutôt « … à ce stade de VOS connaissance… Vous pouvez nier toutes les connaissances acquises et qui vous dérangent. Cela ne les fait pas disparaître pour autant.
Vous dites aussi : « Mais les tenants de la sagesse n’émanent pas du monde scientifique. ». Sur ce point, presque d’accord, je dirais plutôt : « …n’émanent pas QUE du monde scientifique ». Ce sont souvent des philosophes qui ont le mieux argumenté pour reconnaître qu’il vaut mieux faire un bon usage de la technique et des scientifiques, plutôt que de les diaboliser.
Quelques exemples :
Jeanne Hersch
http://retro.seals.ch/cntmng;jsessionid=A47042F07DCF7014826B2CD21CCE956E?pid=bts-003:1987:113::210
Thomas Held
http://lesobservateurs.ch/2013/01/18/held-thomas/
Luc Ferry
https://clubenergie2051.files.wordpress.com/2015/04/fukushima-l-ferry-vs-d-bourg-philosophie-magazine-no-49-mai-2011.pdf
Des politiques énergétiques divergentes…
La même édition du Temps (25 janvier 2016) nous donne deux visions différentes de la transition énergétique. On y apprend que « la Chine change de régime énergétique et va devenir avant 2030 le leader mondial par ses capacités nucléaires installées », étant en train de construire 8 à 10 nouvelles centrales nucléaires par an !
Rappelons que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que le parc nucléaire mondial va plus que doubler d’ici 2050. Pendant ce temps, nos politiciens non seulement veulent interdire cette voie efficace et sûre de production d’une électricité abondante et constante, mais chipotent sur une durée d’exploitation maximale des réacteurs existants. Ils oublient que, selon l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), la culture de la sûreté qui prévaut en Suisse a permis de multiplier par 100 le niveau de sûreté des plus anciennes centrales nucléaires du pays (Beznau et Mühleberg) depuis leur construction à la fin des années 1960.
Oui, ces centrales sont plus sûres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient lors de leur mise en service. Cela n’est pas étonnant, car des milliards ont été investis pour mettre à niveau les standards de sûreté et de sécurité au cours de décennies de vérifications, de modernisations et de rééquipements.
Nos journaux lisent le rapport que la Fondation suisse de l’énergie a commandé à une agence de propagande, mais ignorent ceux que publient l’IFSN ou, du moins, n’en parlent jamais. Souhaitons qu’à Berne, nos députés sauront faire la part des choses et mettre leur confiance en priorité dans nos experts qui s’astreignent de façon permanente à la sûreté nucléaire du pays qui doit être vérifiée sans relâche ; cela est le fondement de notre culture suisse de la sûreté.
Il y a la gauche idéologique et bornée, mais son pendant à droite existe aussi et de façon éclatante; comparer le feu préhistorique au feu nucléaire en est un exemple malheureusement emblématique.
L’énergie nucléaire engendre des nuisances et des risques aux conséquences incalculables et inhumaines, en ce sens, que les résoudre, n’est plus de la compétence de l’homme.
Du moins à ce stade de nos connaissances, donc rien à voir avec le feu!
Au demeurant et s’agissant de nos vieilles centrales, leur énergie provient de minerais épuisables.
Sur ce site je partage beaucoup d’idées et de principes, mais je m’honore de faire partie des premiers anti-nucléaires actifs.
Contrairement à l’usage intellectuel convenu et emballé par nos soit-disant experts, la science et les scientifiques n’a rien de raisonnable, et son aveuglement nous éloigne souvent de la plus élémentaire sagesse!
Mais les tenants de la sagesse n’émanent pas du monde scientifique.