Jimmie Åkesson est jeune et paraît très jeune dans son costume impeccable. Le président du parti des Démocrates suédois (Sverigedemokraterna, SD) fait peur à toute la classe politique suédoise. Jimmie est à la tête du parti depuis 2005 et a réussi à le propulser à la troisième position sur l’échiquier politique aux dernières élections. Avec la crise des migrants illégaux que nous vivons aujourd’hui, les sondages créditent le parti de la première place en cas d’élections : 26%, nettement devant les Sociaux démocrates (socialistes) et les « Modérés » (centristes)…
Comme pour le UKIP en Grande-Bretagne ou le Parti populaire en Belgique, les Démocrates suédois sont qualifiés de « populistes », de « conservateurs » ou de nationalistes, voire d’extrême droite par la classe politique traditionnelle qui a formé un gouvernement regroupant TOUS les autres partis pour « contenir » le SD. C’et la version suédoise du cordon sanitaire. Les Démocrates suédois sont donc le seul parti d’opposition au Riksdag, avec 49 élus sur 349. Ils ont 2 élus sur 20 pour la Suède au parlement européen.
Depuis 2006, leur logo est une fleur suédoise bleue et jaune, aux couleurs du pays, une variété d’anémone, et Jimmie a accentué l’évolution de son parti, commencée par le président précédent dans les années 1990 : plus de liaison au Front National français de Jean-Marie Le Pen, mais une affiliation à l’Alliance pour la Démocratie Directe en Europe (ADDE), qui regroupe le UKIP, Debout la France ! et le Parti Populaire en Belgique, ainsi d’autres partis en Pologne, Lituanie, Italie notamment. Les Sweden Democrats comptent 21.000 membres et tiennent 161 municipalités dans le pays sur 1.597.Le parti est très puissant dans le sud du pays (Scania, Blekinge) et dans des villes du sud comme Malmö (13%) ou Helsingborg (15% du vote).
Le Peuple a rencontré Jimmie lors d’un passage à Bruxelles, au Parlement européen. Nous lui avons posé quelques questions, auxquelles il a répondu avec le sourire.
Voyez-vous la situation comme favorable au Sweden Democrats en Suède ?
J.H. : Clairement oui. Nous faisons toujours l’objet d’un « cordon sanitaire » des 7 partis traditionnels qui ont préféré s’allier tous ensemble plutôt par exemple que de considérer la possibilité d’une alliance de droite sur l’échiquier politique. Le public n’apprécie pas l’exclusion du parti. C’est le refus du jeu démocratique, comme si on prenait les électeurs pour des enfants incapables de réfléchir. Leur objectif est de nous isoler et de limiter au maximum notre influence au parlement. Dans les conseils municipaux cependant, nous commençons à avoir un dialogue plus constructif et certaines de nos propositions sont acceptées. Elles sont d’ailleurs tout à fait raisonnable, faut-il le dire ? (Sourire)
Et comment cela se traduit-il au parlement ? On ne vous parle pas?
J.H. : Si si, maintenant on nous parle, comme nous parlons en ce moment. Mais impossible d’engager une discussion politique sur un sujet quelconque. Il y a une amélioration, probablement due au fait que nous sommes le premier parti dans les intentions de vote. Mais on essaie désespérément de nous mettre à l’écart en nous présentant comme des racistes et des xénophobes pour effrayer les électeurs. Mais ils en arrivent à créer l’ « effet ketchup » pour notre parti. Vous savez, vous tapez sur la bouteille, rien ne sort et brusquement toute la sauce est dans l’assiette.
Les partis au pouvoir disent leur attitude « responsable », mais certains commencent discrètement à adopter nos positions (les libéraux, les socialistes).
L’immigration massive est un sujet d’inquiétude pour les Suédois ?
J.H. : Certainement. Vous savez, la Suède est un petit pays par son nombre d’habitants. Cela peut paraître curieux vu l’étendue du pays, mais nous ne sommes que 10 millions. Et nous sommes le pays d’Europe qui a déjà accueilli plus de migrants par tête d’habitant que tous les autres pays de l’Union européenne. Il faut que cette politique d’accueil s’arrête. La Suède est à la limite du décrochage. Nous ne parvenons plus à organiser l’accueil correctement. La politique des gouvernements socialistes mais aussi conservateurs qui se sont succédé a été une erreur.
Nous avons fait des propositions constructives, comme d’accorder des permis de séjour temporaire ; nous avons saisi le parlement… et ils ont tous voté contre. Mais il y a un subtil changement dans le débat. On peut maintenant parler de ces questions…
La politique migratoire doit être gérée… Le « melting pot », l’intégration qui était prônée il y a 30 ans n’a marché nulle part. Nous voulons une politique plus responsable, mais nous ne voulons pas que les décisions soient prises à Bruxelles, comme c’est le cas aujourd’hui. Tous les pouvoirs doivent émaner du peuple suédois. Les politiques européennes vont au-delà des intérêts nationaux. C’est inadmissible. Et bien sûr nous voulons continuer à commercer et à exporter. Il n’est pas nécessaire d’avoir une Union supranationale pour ça !
Qu’est-ce qui vous semble le plus dommageable dans cette politique ?
Vous savez, la culture suédoise, le caractère propre de la Suède sont fragiles. La population est peu nombreuse et notre langue n’est parlée qu’en Suède. Nous avons déjà la pression de l’anglais, langue internationale. Et les petites communautés où l’on impose un grand nombre de familles de migrants ne parviennent pas à les absorber, à les intégrer. Le différentiel est trop immense. La méfiance s’installe. Notre culture, nos traditions sont menacées. Dans de grands centres comme Malmö, de grandes parties des banlieues n’ont plus rien de suédois. On n’y parle même plus le suédois.
Comment définissez-vous votre parti ?
Nous considérons que l’Europe est constituée d’états-nations. Nous souhaitons que la Suède continue à être un état-nation indépendant. Disons que c’est du conservatisme nationaliste. Nous sommes au milieu de la palette politique ; parfois à droite sur les questions de société et la famille, parfois à gauche, nous votons la réduction des impôts pour les plus démunis et l’augmentation de la fiscalité sur les gros revenus.
Nous avons eu un gouvernement de droite pendant 8 ans et les citoyens s’attendaient à une amélioration de la sécurité, mais rien n’a été fait. Notre défense nationale a été bonne jusqu’à la chute du mur de Berlin. Depuis elle a été abandonnée. Aujourd’hui nous avons la menace terroriste, les questions posées par l’Europe orientale, etc… Il faut renforcer notre défense.
La pression fiscale est très forte en Suède et la population suédoise l’accepte de manière variée, mais elle a permis un état-providence qui fonctionne. Aujourd’hui malheureusement, nos villes sont remplies de migrants, ce sont de grands trous noirs. La Sécu. craque de toutes parts. Les abus de la prévoyance sociale sont énormes. Nous sommes à gauche et au centre-gauche sur ces questions de prévoyance sociale.
Aviez-vous un problème de comportement de certains membres de votre parti ?
Dans les années 90 nous avons nettoyé le parti de tous les éléments racistes et xénophobes. Tolérance zéro pour l’extrémisme. Nous avons canalisé les énergies et notre popularité n’a cessé de grandir depuis lors. Nous avons aussi renforcé l’ancrage local en développant un maximum de sections locales. Et nous nous retrouvons aujourd’hui en tête dans les sondages. Il est vrai que la crise des migrants et sa non-gestion par l’équipe au pouvoir amène les électeurs vers nous.
Est-ce qu’il faut encore une Union européenne ?
Nous devons bien sûr garder une forme de structure légère, pour assurer la coopération entre états souverains. Certains traités sont bons, d’autre mauvais. Ce sera difficile, mais il va falloir revoir complètement le fonctionnement de l’Europe. Et en tout cas maintenant, il faut fermer les frontières et les garder fermées pour quelque temps…
Vous vouliez faire de la politique un métier, quand vous avez commencé, Jimmie ?
J’ai étudié l’Economie à l’université et mes professeurs étaient déjà sceptiques sur le projet européen, notamment sur l’Union monétaire. On voit ce qu’elle a donné ! J’aurais pu avoir un autre emploi, C’eût été plus simple. Mon but n’a jamais été d’être Premier ministre par exemple, mais quand la situation s’aggrave visiblement depuis des années et que l’électeur n’est pas entendu, vous vous devez de vous lever et d’agir…
L.R.
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