La situation française après les attentats du 13 novembre 2015

Yvan Blot
Yvan Blot
Inspecteur général, Ministère de l'Intérieur. Auteur: "La démocratie directe:une chance pour la France", 2012
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Je n’ai pas été surpris par ces attentats car depuis cinq ou six ans, de nombreux projets d’attentats sont déjoués régulièrement par les services français. Le recrutement de nouveaux terroristes est le problème le plus grave pour l’avenir. Les mouvements islamistes radicaux, comme Al Qaida ou Daech disposent d’idéologues qu’il ne faut pas sous-estimer. L’idéologie qui est la leur est trop mal connue. Elle fut fondée notamment par un lettré égyptien Sayid Qutb avant la seconde guerre mondiale. Sayid Qutb fut condamné à mort après avoir milité avec les Frères Musulmans. Son idéologie, reprise par les dirigeants d’Al quaida et de Daech exige une lutte à mort contre les démocraties car seul Dieu doit légiférer. Les démocrates se prennent pour Dieu et méritent la mort. Les combattants radicaux sont des héros qui iront au paradis.

Face à cela, les sociétés occidentales, surtout depuis 1968, sont devenues de plus en plus matérialistes et individualistes. Les anciens idéaux, patriotisme, charité chrétienne, ont perdu de leur force. Des jeunes déracinés sont donc tentés par cette idéologie qui porte la mort. Il serait nécessaire de faire appel aux valeurs traditionnelles et notamment au patriotisme français comme c’est fait en Russie.

Pourquoi la France est-elle visée particulièrement ? La première raison est que la France est considérée par les islamistes radicaux comme un pays hostile à toutes les religions, islam compris. La loi française de 2004 d’interdiction des signes religieux démonstratifs dans les lieux publics et la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public sont très critiquées par les islamistes radicaux. La deuxième raison est la coopération militaire entre la France et l’Algérie car l’armée algérienne a réprimé les islamistes sévèrement, notamment après les élections où ils avaient triomphé en 1992. Les islamistes reprochent à la France d’équiper et de former l’armée algérienne. Enfin, l’engagement de la France en Syrie contre Daech donne une raison supplémentaire et plus récente de détester la France.

Les extrémistes islamistes recrutent dans des banlieues où l’intégration de trop nombreux immigrants n’a pas pu se faire. Le chômage est grand ainsi que la criminalité. Si vous allez dans une prison française comme je l’ai fait professionnellement, on est frappé du nombre de prisonniers dont l’origine est l’Afrique du nord, même si c’est après plusieurs générations. Cette délinquance créé des relations tendues entre les français de souche et les français immigrés, et certains de ces derniers ont alors une raison de plus de rejoindre les islamistes radicaux.

L’attitude de l’ambassade des Etats-Unis a été souvent étrange, offrant des stages à des animateurs d’associations d’immigrés pour qu’ils fassent de la politique active, n’hésitant pas à laisser entendre que l’Etat français serait raciste. Que diraient nos amis américains si l’on cherchait à exciter les minorités noires aux Etats-Unis contre le gouvernement américain ? (voire l’article d’Alexandre Latsa sur « l’offensive américaine sur les banlieues françaises » paru sur le site de La Voix de la Russie le 3 novembre 2012 à partir de renseignements de Wikileaks). La France doit aussi prendre garde à l’égard de pays qui semblent aider les terroristes discrètement : des accusations sont formulées à l’égard de l’Arabie Saoudite et d’autres pays du golfe, voire même la Turquie, tous pays alliés aux Etats-Unis traditionnellement. La politique russe est par contre une chance de plus d’affaiblir l’Etat islamiste plus rapidement.

Restent à voir les conséquences de l’attentat récent (et d’autres qui pourraient suivre, de l’avis de l’ancien responsable anti-terroriste Trévidic) sur les prochaines élections régionales début décembre prochain. Le Front National pourrait augmenter ses voix et peut être gagner la majorité dans deux ou trois régions. Une concurrence est lancée auprès des électeurs qui réclament plus de fermeté contre le terrorisme mais aussi contre l’immigration illégale entre le Front National e le parti de Sarkozy, les Républicains. Les socialistes ont sur ces sujets une image de marque désastreuse.

Ainsi, les attentats du 13 novembre ont non seulement créé un climat d’insécurité accru en France mais risquent de modifier à terme le paysage politique français.

Yvan Blot, le 16 novembre 2015

7 commentaires

  1. Posté par MOHAMED MECHERI le

    Depuis 1970 la France a participe avec d autres puissances occidentales et leurs allies du Golfe
    pour armer et soutenir des réseaux islamistes dans le monde pour renverser Bachar El Assad, les résultats à ce jour sont catastrophiques en vies humaines et dépenses colossales , des milliards de dollars; est ce que le gouvernement francais va enfin avoir assez de courage pour revoir sa strategie ??? Revenir à la raison et stopper tout soutient aux terroristes soit disant modérés, et aussi remettre en question ses relations avec les parrains étatiques de ces terroristes, Arabie Saoudite, Quatar et autres ??? J’en doute vraiment, tant ce gouvernement, autant que son prédécesseur ne se préoccupent en fait que des élections !!!!!
    Et ce au détriment de tout un peuple, de tant de victimes innocentes .
    Il serait temps que la France se réveille et envoie tous ces politicards aux archives . Mohamed

  2. Posté par Myrisa Jones le

    13-Novembre : l’Occident ne peut combattre le jihadisme en soutenant ses parrains !

    http://www.dedefensa.org/article/13-novembre-loccident-ne-peut-combattre-le-jihadisme-en-soutenant-ses-parrains

    Extrait:

    “Plus globalement, depuis le 11-Septembre, les intérêts profonds évoqués au début de cet article représentent un nombre inestimable de milliards de dollars de bénéfices pour différentes entreprises privées, principalement générés par la soi-disant « guerre “contre” le terrorisme ». Financées à perte par les contribuables occidentaux, ces interventions militaires catastrophiques et meurtrières ont engendré d’immenses profits pour les multinationales impliquées dans ce désastre mondial – tout en déstabilisant le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale au point que les groupes extrémistes qui y sévissent aujourd’hui semblent inarrêtables. La catastrophe qu’a constitué jusqu’à présent cette soi-disant « guerre “contre” le terrorisme » est sans précédent : elle aurait tué au moins 1,3 millions de civils rien qu’en Irak et en « AfPak » depuis 2001, les foyers jihadistes se sont multipliés à travers le monde, et tant Daech qu’al-Qaïda semblent plus menaçants, fanatiques et enracinés que jamais. Affirmons-le clairement : dans le monde occidental, ce fléau jihadiste justifie des guerres à la légalité, à l’efficacité et à la légitimité douteuses, tout en accélérant un basculement autoritaire de nos États – ce qui s’est notamment traduit en France par la dangereuse « loi Renseignement ». À l’heure où j’écris ces lignes, le Président Hollande vient de décréter l’état d’urgence national, et nul doute qu’un durcissement sécuritaire majeur est en vue – sans parler d’une escalade militaire qui aggravera certainement ces conflits trop lointains et complexes pour que les citoyens s’y opposent.”

    “Néanmoins, ces guerres auto-génératrices ne doivent plus masquer une réalité aussi cruelle que scandaleuse : depuis la fin des années 1970, des puissances occidentales majeures et leurs alliés du Golfe ont soutenu l’essor des principaux réseaux islamistes à travers le monde, que ce soit de manière directe ou non selon les circonstances et les acteurs concernés. En octobre 2015, après qu’une parlementaire états-unienne ait dénoncé sur CNN le soutien d’al-Qaïda par la CIA pour renverser Bachar el-Assad, un ancien officier de la CIA spécialisé dans le contreterrorisme m’a confirmé la collaboration de l’Agence avec cette nébuleuse terroriste pour faire tomber le gouvernement syrien. Récemment, j’ai étudié en profondeur l’implication massive et clandestine des services spéciaux occidentaux et moyen-orientaux dans le soutien de réseaux jihadistes combattant le régime el-Assad, dont la branche « syrienne » d’al-Qaïda. Insistons sur ce point : cet engagement clandestin de l’Agence et de ses alliés contre le gouvernement syrien implique militairement la France. En effet, en la comparant à la guerre secrète de la CIA en Afghanistan, l’éditorialiste du Point Michel Colomès a récemment écrit que les « Américains et [les] Français, depuis l’entrée de la Russie dans la guerre syrienne, fournissent des armes à des islamistes réputés fréquentables. Ils ont la mémoire courte ». D’autres « islamistes réputés fréquentables » qui seraient revenus de Syrie sont-ils à l’origine de ces terribles attentats du 13-Novembre ? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question, mais il est clair que ces terroristes ont agi de façon coordonnée selon un mode opératoire clairement militarisé et jihadiste – deux, voire trois kamikazes ayant actionné leurs bombes devant notre Stade de France, symbole de l’unité, de la liesse populaire et du rassemblement.
    Dans notre pays meurtri par ce funeste 13-Novembre, le fait que le gouvernement français soutienne des jihadistes à l’étranger, et qu’il commerce sereinement avec leurs principaux parrains étatiques est grave, dangereux et inacceptable ! Aucune raison d’État, aucun intérêt supérieur, aucun impératif économique, diplomatique ou géopolitique ne peuvent le justifier. Ce constat doit susciter la mobilisation générale de tous les citoyens français. Nous devons faire pression sur notre gouvernement afin qu’il cesse d’armer et de soutenir les États qui répandent le fléau jihadiste à travers le monde depuis des décennies, au premier rang desquels l’Arabie saoudite et le Qatar. En effet, comme l’avait déclaré Alain Chouet dans l’interview citée au début de cet article, « ce que nous appelons “salafisme”, en arabe, cela s’appelle “wahhabisme”. Et là nous sommes à contre-emploi de manière systématique et dans toutes les situations d’affrontement militaire, puisqu’au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste. “

  3. Posté par Pierre H. le

    Quand vous n’éprouvez plus de colère, c’est le début de la soumission !

  4. Posté par Pierre H. le

    Ne trouvez-vous pas que sur les plateaux TV, les journalistes et invités avaient l’air plus outrés par les propos de Nadine Morano que par l’action des terroristes ? Ils étaient choqués mais pas outrés ! Moi, l’action des terroristes m’a révolté !

  5. Posté par Vautrin le

    Cela me semble assez clair : pour les socialistes, l’ennemi est toujours les patriotes, spécialement le FN. Contre eux est dirigée la lutte réelle, les claironnantes déclarations pharisiennes contre les ennemis islamiques ne sont que de la poudre aux yeux. Ces imbéciles ne voient pas qu’en agissant ainsi, ils vont accroître l’exaspération, et que leur régime tombera comme l’a fait la IVe république en 1958. C’est d’ailleurs ce qui pourrait arriver de mieux.

  6. Posté par Myrisa Jones le

    Cette guerre, le peuple français ne l’a jamais souhaitée !

    Le peuple l’a vue, la montée de l’islamisme partout dans son pays, même qu’il la crie aussi, quand on ne lui interdit pas de manifester.

    Extrait:
    “Cette guerre, le peuple français ne l’a jamais souhaitée, jamais cherchée. Pire : le peuple français a eu à entendre un Bernard Cazeneuve clamer que « prôner le djihad n’est pas un délit ». Il a dû encaisser un Manuel Valls le prévenir qu’il allait falloir « vivre avec la menace terroriste ». Il doit encore, aujourd’hui, subir un Juppé annoncer, sans état d’âme, que « la lutte sera longue et rude ». Et, le procureur chargé de l’enquête de lui apprendre, à cette heure de la journée, qu’ il y a peut-être « des complices et coauteurs dans la nature ».
    Des individus fichés S, peut-être bien ? Selon Laurent Wauquiez, ils seraient environ 4.000 de cette envergure, à vivre donc tout près de nous. Et de rappeler que tous les auteurs d’attaques terroristes sans exception portent cette étiquette. Preuve, s’il en fallait, de l’impuissance manifeste du gouvernement Valls non seulement de les surveiller mais de les neutraliser.
    Des fichés S prêts à tuer, n’importe où et n’importe quand, pour combien d’individus non encore repérés mais tout aussi dangereux ? « On a laissé un groupe terroriste se créer à partir de pas grand-chose et devenir hyper puissant, je veux parler de l’État islamique », constate Marc Trévividic, parce qu’« on n’a pas vu la menace se consolider ». Pardon, mais le peuple l’a vue, la montée de l’islamisme partout dans son pays, même qu’il la crie aussi, quand on ne lui interdit pas de manifester.
    « (…) Face à la guerre, le pays doit prendre des décisions », dit François Hollande. S’il parle de nous aussi, alors chiche.”

    http://www.bvoltaire.fr/carolineartus/cette-guerre-peuple-francais-ne-jamais-souhaitee,219162

  7. Posté par Myrisa Jones le

    Nous y voilà!
    Comment contrer la montée inévitable du FN ces prochains mois?
    L’état d’urgence permet d’arrêter immédiatement toute personne désignée comme un danger pour la sécurité de l’Etat…

    Rhétorique de guerre: le gouvernement français appelle à “l’union sacrée”
    Nouvelles économiques allemand | Publié:15:11:15 18:33 Horloge

    Le Premier ministre français appelle une “union sacrée” des conservateurs qui veulent une nouvelle politique d’immigration.
    Le Président Hollande veut prolonger l’état d’urgence pour trois mois. Il semble que les parties veulent utiliser la terreur pour marquer des points contre le Front National de Marine Le Pen.

    http://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/2015/11/15/kriegs-rhetorik-frankreichs-regierung-ruft-zu-heiliger-union-auf/

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