L’Afrique sud saharienne est frappée par deux maladies mortelles, la démographie et la démocratie [1].
Le mal démocratique est la conséquence du « one man, one vote ». La raison en est simple : les fondements individualistes de la démocratie moderne sont incompatibles avec les réalités communautaires des sociétés africaines. Là est la cause principale des conflits qui ravagent le continent au sud du Sahara. Contrairement à ce que psalmodient les tenants de la doxa, ce ne sont ni la question du développement, ni les problèmes économiques qui sont à l’origine des guerres africaines [2] – même si, ici ou là, minerais rares ou précieux peuvent en être le carburant – mais le Politique. Ainsi :
- Au Soudan du Sud, comme les Dinka sont les plus nombreux, ils sont assurés de détenir le pouvoir, ce que les Nuer refusent. La guerre ne cessera donc pas.
- Au Mali, les Touareg, moins de 5% de la population, sont écartés du pouvoir par la mathématique électorale. Alors que le règlement de la crise passe par la reconnaissance de cette réalité, la seule solution proposée fut la tenue d’élections. Or, pas plus au Mali qu’ailleurs, le scrutin n’a réglé le problème nord-sud car l’ethno-mathématique électorale n’a fait que confirmer la domination politique des plus nombreux, en l’occurrence les Sudistes. D’autant plus que pour ces derniers, les ennemis ne sont pas tant les islamistes que les séparatistes touareg.
- En Afrique du Sud, les Blancs (environ 8% de la population) n’ont ethno-mathématiquement parlant aucune chance de l’emporter dans des élections face aux Noirs. A ce clivage racial vient s’ajouter une fracture ethnique qui fait qu’au sein de l’ANC, le parti de gouvernement, les plus nombreux parmi les Noirs, à savoir les Zulu (environ 25%) l’ont ethno-mathématiquement emporté sur les Xhosa (environ 18%). L’avenir du pays s’inscrira donc automatiquement à l’intérieur de cette réalité.
- Au Rwanda, les Tutsi (10% de la population) ont ravi le pouvoir aux Hutu (90%) à la faveur du génocide et ils le conservent grâce à des pratiques politiques dignes de la grande époque du système communiste. Si des élections libres étaient organisées, le régime tutsi serait électoralement balayé par l’ethno mathématique.
Le problème politique africain se résume donc à une grande question : comment éviter que les peuples les plus prolifiques soient automatiquement détenteurs d’un pouvoir issu de l’addition des suffrages ?
La solution réside dans un système dans lequel la représentation irait aux groupes, l’Etat-nation de type européen étant remplacé par l’Etat-ethnique.
Deux problèmes se posent cependant :
1) Les ethnies les plus nombreuses peuvent-elles accepter de renoncer à un pouvoir fondé sur le « One man, one vote » qui leur garantit pour l’éternité une rente de situation tirée de leur démographie dominante ?
2) Les gardiens occidentaux du dogme démocratique pourront-ils accepter cette révolution culturelle sapant les fondements de leur propre philosophie politique ?
[1] La première ayant été traitée dans un précédent numéro de l’Afrique Réelle, c’est à la seconde que cet éditorial est consacré.
[2] Bernard Lugan Les Guerres d’Afrique, Le Rocher, 2013. Prix de l’UNOR (Union nationale des Officiers de réserve).
Source Novopress
La démocratie -à laquelle je suis profondément attaché- ne peut qu’être le produit d’une très lente maturation des peuples, hors du tribalisme. Elle suppose par conséquent un haut degré de civilisation et une homogénéité des peuples. C’est pourquoi elle ne concernait que quelques milliers de Grecs à Athènes, et de Romains à Rome. C’est pourquoi elle n’existe plus aux États-Unis, comparativement à l’état de faits analysé, avec quel brio, par Tocqueville au XIXe. C’est pourquoi elle ne peut exister en Europe, à l’exception de la Suisse, et encore pour combien de temps ? L’EU est exactement le contraire de la démocratie, et partout où il existe un État sortant de ses trois rôles régaliens, la démocratie n’est qu’une façade, qu’un mot.
Au moins en avons-nous les dehors formels. Pour l’Afrique, c’est vraiment une impossibilité, et de grands Africains le savaient : Senghor, Houphouët-Boigny, Harap-Moï, car la structure tribale a survécu au colonialisme. Aussi, l’idée de vouloir imposer partout sans analyse la démocratie est-elle parfaitement loufoque. Dans le cas de l’Afrique, en raison des oppositions ethniques et tribales, des découpages au cordeau opérés par la conférence de Berlin en 1885 et du maintien de ce découpage idiot lors des indépendances, mais aussi du grand hiatus existant entre ces sociétés et les sociétés “avancées” de l’Occident, la démocratie est tout simplement impossible. Vouloir l’imposer, c’est évidemment mettre en oeuvre la dictature du nombre, de la “majorité”, alors que précisément les “minorités” y sont irréductibles. La démocratie ne s’exporte pas et ne se greffera jamais sur le tribalisme. Tout ce que l’on gagne à cet essai stupide, c’est la guerre et les “réfugiés”.