L’harmonisation scolaire décidée au niveau romand se déroule d’une bien curieuse façon. Jugez-en par vous-même.
Dès 2003, une déclaration d’intention politique exprimant la volonté des différents départements de l’instruction publique d’harmoniser les contenus de l’école obligatoire était signée. Ce document n’ayant pas de portée juridique concrète, les responsables d’alors se sont lâchés et ont formulé toute une série de vœux n’ayant à peu près aucun fondement sérieux. Par exemple, on a vu apparaitre les notions de « pensée créatrice », de « réflexion » ou autre « démarche critique » découplée des connaissances à acquérir. Or, les expériences menées dans le domaine des sciences cognitives démontrent qu’il n’est tout simplement pas possible de faire preuve de créativité, d’esprit critique ou autre sans faire appel à des connaissances précises dans les domaines d’étude en question. Essayez juste pour voir de faire preuve de créativité au piano sans connaitre vos gammes ou de poser une réflexion critique au sujet de la physique quantique sans en connaitre les fondements. C’est tout simplement impossible.
La déclaration en question a, en outre, été jusqu’à prescrire des attitudes pédagogiques (« différencie ses démarches pédagogiques selon les dispositions intellectuelles et affectives des élèves ») qui, elles non plus, ne trouvent aucun fondement sérieux dans les données empiriques à disposition à ce jour et ne relèvent que de la théorie et non du fait avéré (scientifiquement ou non).
Dans le même temps, la constitution fédérale subissait elle aussi quelques modifications enjoignant à harmoniser les contenus (art 62 al.4). Mais ces exigences sont en fait fort peu développées et ne touchent que des compétences fondamentales dans les branches principales.
Avec l’entrée dans le processus d’harmonisation proprement dit, la donne changea quelque peu. Le concordat HarmoS du 14 juin 2007 fixe à son tour les finalités de la scolarité obligatoire dans l’espace romand. Et là, c’est la surprise puisque les exigences précédemment citées n’apparaissent tout simplement pas dans l’accord en question ! HarmoS se borne à fixer des finalités acceptables par tout un chacun. Prenons le cas des sciences humaines et sociales (histoire-géographie) pour exemplifier la chose : HarmoS exige l’acquisition d’une « culture scientifique permettant de connaître et de comprendre les fondements de l’environnement physique, humain, social et politique » (caractères mis en gras par moi). Autrement dit, des connaissances de base et pas des pseudos compétences analytiques (celles-ci existent mais en tout cas pas de la manière dont certains voudraient les faire exister, mais c’est un autre sujet), de la pensée créatrice ou je ne sais quelle autre démarche critique. La seule explication crédible à ce revirement de situation qui me vienne à l’esprit est la suivante : conscients que certaines formulations poseraient vraisemblablement problème devant les parlements cantonaux, voir devant le peuple en cas de référendum, les décideurs du moment se sont résolus à ne pas risquer l’échec et ont donc supprimé de l’accord tout ce qui pouvait prêter à discussion. Il fallait bien cela pour qu’HarmoS, déjà fortement contesté dans certains milieux puisse passer la rampe. Si quelqu'un a autre chose à proposer, je suis preneur...
Une fois HarmoS accepté et l’écueil démocratique évité, les autorités scolaires ont à nouveau changé leur fusil d’épaule. La déclaration de 2003 est notamment réapparue avec toutes ses exigences délirantes. Pire encore, la conférence intercantonale des départements de l’instruction publique (CIIP) s’est attribuée le droit de mettre sur pied le plan d’étude romand (PER) (HarmoS ne précise en effet pas qui est responsable de le faire) et s’est livrée à un véritable feu d’artifice puisqu’elle impose toute une série de démarches pédagogiques totalement invalidées par l’ensemble des tests empiriques menés à ce jour. De plus, ce que l’on appelle « compétences transversales » du type « pensée créatrice » dont il a été question plus haut réapparaissent en force et se voient même renforcées acquérant un rôle central dans le PER. Enfin, l’acquisition de connaissances, pourtant centrale dans le domaine des sciences humaines et sociales notamment selon HarmoS, est largement diluée voir même remplacée. Pour illustrer le cas, signalons qu’il est aujourd’hui possible, en suivant scrupuleusement le PER, de finir son école obligatoire sans avoir jamais entendu parler de Staline. Certains se demandent peut-être comment c'est possible. C’est bien simple, le PER s’acharne plus à obliger les enseignants à procéder de telle ou telle manière qu’à fixer des objectifs d’apprentissage. Il est plus question d'imposer le constructivisme que de décrire précisément ce qui doit être acquis. Vous ne me croyez pas ? Et si je vous dis que le plan d’étude impose l’utilisation de bandes dessinées ou autres films pour enseigner l’histoire et que les thèmes à aborder sont à choix ? Ou alors qu’en géographie, il est impératif pour les élèves de « repérer des éléments essentiels liés au risque dans une illustration ou un film » en travaillant sur le thème des changements climatiques? Dans celui-là et pas un autre donc…Pire encore, en ce qui concerne le vocabulaire à acquérir quelques exemples sont donnés et le reste est signifié par l’utilisation des … Ce qui démontre clairement le niveau d'importance accordé aux connaissances dans le plan d'étude romand.
De manière globale, l’ensemble de ce qui est exigé par le PER en histoire-géographie notamment ne se décline pas sous forme de connaissances tel que le préconise HarmoS mais se décline sous forme de pseudos compétences qui n’en sont pas vraiment mais servent de prétexte à imposer une méthode de travail aux enseignants.
Pour couronner le tout, et pour être bien sûr que personne ne fasse autre chose, la CIIP a pris à sa charge de créer des moyens d’enseignement sur mesure. Là aussi, la démarche est totalement hallucinante puisqu’il n’est pas possible pour un autre organisme de proposer un livre alternatif. La démarche a été tentée en mathématiques, mais s’est heurtée à un refus catégorique. Même l’éducation nationale française n’a pas de si grandes prérogatives et ne centralise pas autant. Un comble pour un pays qui se veut libéral comme la Suisse…
En résumé, le processus d’harmonisation de l’enseignement obligatoire en Romandie, c’est :
- Le contournement de la démocratie
- L’imposition de méthodes pédagogiques parmi les plus inefficaces existantes
- Le quasi abandon des connaissances
- La centralisation la plus absolue et le monopole de la production des moyens d’enseignement
L’avenir s’annonce décidément radieux si on ne remet pas immédiatement les pieds sur terre…
Stevan Miljevic, le 6 juillet 2015
HarmoS est une catastrophe, quelque soit les matières enseignées. On enseigne plus, on ne valorise plus, on ne stimule plus les élèves. Le programme scolaire quelque soit le degrés n’est pas tenu et on fait du n’importe quoi. Au lieu d’enseigner, on joue, on discute, on chante, on danse, on sort, etc. C’est le nivellement par le bas. Après on ose manifester dans les rues parce que le programme est trop chargé, laissez-moi rire! Les rares enseignants qui aiment leur métier sont immédiatement mis au piloris pour anticonformisme. Pour créer des futures ânes, on est sur la bonne voie….D’ailleurs qui est en charge du DIP à Genève? Réponse les socialos!
Ce que vous décrivez là, pour la Romandie, ressemble à un copié-collé des pires réformes “pédagogiques” françaises de ces dernières décennies, ayant abouti à “La fabrique des crétins” de Brighelli.
S’il en est encore temps, vos professeurs doivent se mobiliser sans faiblir contre l’entreprise de décervellement qui gagne jusqu’à votre pays. A moins que vous ne nous enviiez les plus de 80% de bacheliers dont la radio parlait , ce matin. (sans compter les malheureux que l’on va repêcher, vendredi.)
Initiative populaire ?