LRTV : Mme Savary insulte le privé

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant
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J’adore l’Italie. Je crois que c’est mon pays préféré. Celui de Toscanini et de Pasolini. Mais il y a une chose que je n’ai jamais supporté, depuis un sacré moment, c’est le niveau des télévisions privées, à la Berlusconi. A longueur d’antenne, des jeux débiles sous forme de shows, avec un bateleur et des filles en maillot de bain. Momifiées dans leur maquillage. Cela, non pas une heure par jour, mais des heures, en continu.

 

Je déteste. Lorsqu’on dispose d’un espace public (une longueur d’onde TV, ou une concession), lorsqu’on a cette chance immense, on offre aux gens autre chose que cela. On leur parle de politique, de culture, d’économie, de livres, de sport, et de plein d’autres choses aussi, bien sûr aussi de loisirs, mais toujours dans l’idée de leur proposer  du contenu. Ils aimeront ou non, certains vous apprécieront, d’autres vous rejetteront, c’est normal, c’est la vie. Mais au moins, on prend le risque du sens. Le modèle audiovisuel Berlusconi, c’est le vide sidéral. Juste faire du fric. Caser des programmes, avec des jeux, des grandes roues, des sourires et des maquillages de façade, entre deux tranches publicitaires.

 

Donc, si on me parle d’une « télé à Berlusconi », pour moi, c’est une insulte. C’est hélas ce qu’a fait hier soir, à Forum (RTS), la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary, dans un débat qui l’opposait à Claude-Alain Voiblet sur la LRTV (votation fédérale du 14 juin prochain). Le problème n’est pas ici de savoir ce qu’il faut voter dans ce scrutin, mais de décrypter l’usage d’un mot sciemment jeté dans l’espace sonore, dans le flux d’un débat. Ce que nous proposent les adversaires de la LRTV, affirme Mme Savary, c’est « une télévision à la Berlusconi, avec un transfert de toutes les activités commerciales vers les télévisions privées, et un affaiblissement total du service public ». Cette référence à Berlusconi nous a été servie deux fois, dans un débat de sept minutes et demie : Mme Savary, femmes de lettres, qui connaît le poids des mots, avait dûment prémédité son effet. Elle savait que ce nom propre, tellement parlant, serait la partie la plus captatrice de son discours, dans les oreilles du public. Et ça a d’ailleurs parfaitement marché, puisque j’écris ce billet.

 

Ce qui ne va pas, ce qui doit être dénoncé avec la dernière énergie, c’est de tenter d’instiller dans l’esprit du public l’équation « TV privées (en Suisse) = TV Berlusconi ». Ca ne va pas, pour la simple raison que c’est totalement faux. Prenez Canal 9, La Télé, Léman Bleu : ces chaînes produisent, aujourd’hui déjà, davantage d’émissions de « service public », au prorata de leurs puissances de frappe régionales, et avec des moyens financiers dérisoires, que la SSR. Ces chaînes collent, jour après jour, avec de toutes petites équipes qui se donnent sans compter, à l’actualité politique, économique, sociale, culturelle, sportive de leurs zones de diffusions respectives. Elles se concentrent, elles, sur l’information, dans toute sa diversité, le débat. Elles donnent la parole aux artistes, tous domaines confondus. On aime ou non, chacun est libre de son jugement, mais de grâce qu’on ne vienne pas nous brandir cette équation scandaleuse entre TV privées suisses et système médiatique Berlusconi.

 

Madame Savary, je vous en veux. Parce que vous êtes une femme intelligente, vous connaissez les mots, leur pouvoir, leur force de frappe sur l’imaginaire. Ce mot-là, vous nous l’avez sorti à dessein. Vous savez parfaitement à quel point il est mensonger. Le système Berlusconi, ce sont des médias uniquement tournés sur le fric et la pub, ils gomment le sens, insultent le public. Les médias privés en Suisse, en partenariat avec des microentreprises (je sais de quoi je parle) qui se donnent sans compter au service du sens, du reflet de la vie d’une région, n’ont strictement rien à voir avec les miroirs à pognon du Cavaliere. Vous le savez très bien, et c’est pour cela que je vous en veux.

Pascal Décaillet, Sur le Vif, 9 mai 2015

 

5 commentaires

  1. Posté par Annik le

    J’ai mes doutes concernant l’intelligence de Mme Savary, pour moi c’est plutôt la RTS qui est TV Berlusconi avec des émissions bidons, les séries débiles importées de l’étranger et la désinformation continue. Cela d’autant plus en comparaison avec “Erstes deutsches Fernsehen” et “ZDF”. La Suisse à besoin des TV locaux qui sont plus à l’écoute des gens.

  2. Posté par François le

    … je viens de voir le logo de l’article … qui mentionne clairement la manipulation, donc désolé d’enfoncer une porte ouverte et milles excuses pour ma candeur et ma négligence …

  3. Posté par François le

    Cher Monsieur Pascal Decaillet, en effet “Madame Savary […] est une femme intelligente, [qui connaît] les mots, leur pouvoir, leur force de frappe sur l’imaginaire”, Mais elle semble ici exceller à utiliser les grosses ficelles simplificatrices et souillantes (tout peindre au couleurs Berlusconi), sachant bien que plus c’est gros et plus ça passe … il me semble qu’en toute simplicité on appelle cela de la manipulation, ce qui est une très ancienne et toujours actuelle tradition politique universellement répandue !

  4. Posté par yvanovitch y le

    Tout cela donne des raisons de supprimer la redevance pour remettre les compteurs à zéro : puisque la RTS est incapable de tendre vers l’information et qu’à longueur de journée elle désinforme en étant partiale il faut absolument lui couper les vivres : la RTS se fout de ses auditeurs… alors nous nous foutons de de Weck et de sa RTS !

  5. Posté par Hotch le

    L’intervention de Mme Savary est parfaitement logique si l’on considére qu’elle est du même parti que la RTS.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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