Initialement cantonnée à quelques villages de nord du Nigéria, la secte Boko-Haram a étendu ses activités criminelles à plusieurs pays déjà confrontés au terrorisme, à la grande criminalité et aux problèmes de mal-développement. De par sa position géostratégique, l’Algérie se situe à l’épicentre d’un arc de crises aggravé par une situation chaotique en Libye et la crise malienne, réactivant la problématique d’un renforcement de la sécurisation de ses frontières aussi bien avec la Tunisie qu’avec la Libye, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Cette consolidation stratégique des frontières vise non seulement le terrorisme, mais aussi les trafics de drogues, d’armes, de voitures et d’êtres humains. Elle nécessite la collecte et un meilleur partage du renseignement, ainsi qu’une densification de la coopération locale et internationale. Telles sont les perspectives revisitées par le Forum mondial de lutte contre le terrorisme (FGCT) qui vient de tenir sa troisième réunion à Alger.
Créé le 22 septembre 2011 à New York, cet organisme qui compte une trentaine de membres (1) est doté d’un comité de coordination co-présidé par les Etats-Unis et la Turquie et de cinq groupes de travail : Renforcement des capacités au Sahel (co-présidé par l’Algérie et le Canada) ; Renforcement des capacités dans la Corne de l’Afrique (co-présidé par la Turquie et l’Union européenne) ; Renforcement des capacités en Asie du Sud-est (co-présidé par l’Indonésie et l’Australie ; Lutte contre l’extrémisme violent (co-présidé par les Emirats arabes unis et la Grande-Bretagne) ; Justice pénale et primauté du droit (co-présidé par l’Egypte et les Etats-Unis).
Le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines Abdelkader Messahel a rappelé l’impérieuse nécessité d’actions de proximité et de voisinage, soulignant « la création du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cémoc), de l’Unité de fusion et de liaison (UFL) et du processus de Nouakchott », en ajoutant que « des cadres régionaux de concertation et de coordination sont nécessaires pour répondre au besoin partagé d’actions opérationnelles en matière de terrorisme, de criminalité organisée transnationale, afin de sécuriser et stabiliser les zones frontalières et transfrontalières ».
Ces différentes approches techniques en matière de lutte antiterroriste demeurent toutefois très insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas de mesures diplomatiques et politiques. En effet, la crise malienne comme la situation d’implosion étatique, qui prévaut en Libye, ne trouveront pas d’issue militaire tant localement qu’à un quelconque niveau multilatéral. Et ce serait courir après une nouvelle illusion que d’espérer en une très improbable résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, préconisant une nouvelle intervention militaire internationale en Libye. Considérant les résultats de la précédente, celle-ci ne pourrait amorcer la moindre des transformations, sans - au contraire -, aggraver une situation déjà suffisamment anomique...
L’ensemble des capitales de la région, comme celles des membres permanents du Conseil de sécurité ont salué les efforts de la diplomatie algérienne qui vient de réussir un processus de négociation entre Bamako et les factions touaregs du nord du Mali. Même si celui-ci n’a pas encore été ratifié par le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et d’autres formations revendiquant une reconnaissance « fédéral » de l’Azawad, cette avancée permet néanmoins de cadrer l’avenir et, surtout, de prévenir de toujours possibles reprises des combats...
Déployant la même méthode, Alger vient de réunir plusieurs responsables de factions libyennes, là encore à la grande satisfaction du Département d’Etat américain et des principaux membres de l’Union européenne. Les médiateurs algériens ont invité ces parties libyennes à « discuter de bonne foi et de manière constructive, en vue d’un accord sur la constitution d’un gouvernement d’union nationale et sur l’établissement d’un cessez-le-feu aussi rapidement que possible ». L’émissaire de l’ONU Bernardino Leon s’est lui aussi félicité d’une telle médiation, déclarant qu’ « il y a désormais une chance de voir émerger, cette semaine, les premier noms d’un tel gouvernement d’union nationale », tout en reconnaissant que la suite des discussions serait difficile.
De 1988 à 1998, l’Algérie a été confrontée à un terrorisme très meurtrier sans être beaucoup soutenue, ni par ses voisins, ni par les grandes puissances occidentales. Il est heureux qu’aujourd’hui, ces mêmes Etats comprennent qu’Alger constitue l’un des épicentres mondiaux de la lutte globale contre le terrorisme. Il serait encore plus heureux que les mêmes puissent aussi admettre leurs erreurs passées, mais surtout qu’ils ne doivent pas céder - aujourd’hui - aux moindres tentatives de réhabilitation des assassins de la décennie noire. Ceux-ci n’ont pas désarmés ! Leurs soutiens et alliés non plus ! C’est un comble... ils cherchent maintenant à se blanchir au nom de la liberté d’expression et des droits de l’homme...
Richard Labévière
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(1) Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Arabie-saoudite, Australie, Canada, Chine, Colombie, Danemark, Egypte, Emirats arabes unis, Espagne, Etats-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Jordanie, Maroc, Nigeria, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Pays-Bas, Qatar, Royaume-Uni, Russie, Suisse, Turquie et Union européenne.
Ce qui est remarquable : la co-présidence est partagée entre les États Unis sous l’administration Obama, et par la Turquie d’Erdogan. Les Algériens peuvent être rassurés : “on” s’occupe de les protéger contre le terrorisme ! En effet : Obama négocie dur avec les ayatollahs iraniens pour les doter de l’arme nucléaire, et, c’est bien connu, Erdogan est un adversaire farouche de l’ “état” islamique.
Le bouquet : rassembler les bandes libyennes dans une conférence pour les inciter à “discuter de bonne foi”. Une antiphrase peut-elle tuer ?