Pendant des décennies, «La Pâquerette» passait pour un modèle de succès du traitement des grands criminels. Jusqu’au mois de septembre 2013, lorsque l’assassinat d’Adeline M. a tout bouleversé, creusant un gouffre abyssal.
De Alex Baur, Die Weltwoche, 12 mars 2015
Un ancien gardien dépeint la situation à sa façon: pendant des années, un employé de station-service servait tranquillement de l’essence en fumant sa cigarette sans qu’il ne se passe jamais rien. Mais un jour, une explosion se produit, et elle est titanesque. Et là, chacun se demande comment la situation a pu dégénérer à ce point. Effectivement, avec le recul, il est étonnant que la catastrophe dans l’unité d’incarcération genevoise pour assassins, délinquants sexuels et autres délinquants violents n’ait pas eu lieu plus tôt.
La Pâquerette portait bien son nom. Il s’agissait d’une unité de détention spéciale de l’établissement pénitentiaire de Champ-Dollon, à Genève, certainement pas réputé pour être un lieu permissif. Mais La Pâquerette, où on prépare les délinquants violents à retrouver la liberté, fonctionnait de manière autonome. De plus, La Pâquerette n’était pas sous le contrôle du département de la sécurité, mais sous celui du département de la santé. Le décor est planté.
À La Pâquerette, les détenus n’étaient pas considérés comme des délinquants, mais plutôt comme des patients qu’il s’agissait de soigner. Datant des années 1980, le concept a longtemps été considéré comme un modèle pionnier qui, d’après le rapport d’enquête Chappuis*, a reçu les plus chaudes recommandations du Conseil de l’Europe et que la Norvège a d’ailleurs reproduit. À en croire le rapport, la psychiatrie judiciaire genevoise s’est toujours considérée comme une alternative au «modèle zurichois» plus strict.
À La Pâquerette, le programme pour les assassins et les violeurs était décontracté: lever à 7 heures, discussions de groupe de 8 à 9 heures, loisirs ou travail de 9 à 11 heures, repas de midi, une heure de sieste en cellule jusqu’à 13h30, puis retour aux loisirs ou au travail jusqu’à 18h30, retour en cellule à partir de 22 heures. Une vingtaine d’employés, dont huit thérapeutes et dix gardiens, s’occupait de maximum onze détenus.
En travaillant, par exemple dans la volière de l’établissement, un détenu pouvait gagner jusqu’à 1000 francs par mois. Les gardiens ne procédaient à des fouilles corporelles ou à des fouilles de la cellule qu’en cas de soupçons concrets. Les sanctions étaient rares, et les infractions au règlement intérieur – par exemple la consommation de cannabis – faisait l’objet d’une simple réprimande. Les traitements individuels ou de groupes se bornaient à discuter de banalités quotidiennes et le travail ciblé sur un acte criminel n’était abordé que si le client le demandait expressément.
Pour la plupart des détenus, La Pâquerette était une voie directe vers la liberté. Comme le précise le rapport Chappuis mentionné plus tôt, durant les presque trente ans de son existence, La Pâquerette n’a exclu définitivement que treize détenus pour les renvoyer au régime pénitentiaire ordinaire. Les sorties – au début avec un accompagnant, par la suite de manière autonome – faisaient partie du programme de réinsertion sociale, voire même en constituaient un élément essentiel.
Priorité à la sphère privée des détenus
Les visites aux maisons closes, une véritable routine de ces sorties, constituaient un chapitre à part. Les détenus payaient les prostituées, qui ne savaient pas à qui elles avaient affaire, avec l’argent gagné en prison. Quant au thérapeute, il ne lui restait qu’à attendre devant l’établissement. Véronique Merlini, la directrice, était informée de la situation, mais elle insistait pour que les visites au lupanar ne soient pas notées dans le dossier. Son raisonnement: la vie privée des détenus se doit d’être protégée.
La directrice Véronique Merlini, historienne de formation, travaillait à La Pâquerette depuis 1988. Toute décision passait par elle. Son intuition était décisive pour savoir si un détenu pouvait intégrer le programme et si le moment de le remettre en liberté était venu. Ainsi, elle avait refusé Claude Dubois, l’assassin en semi-liberté qui a tué la jeune Marie au mois de mai 2013. Dans le cas d’Anthamatten, son instinct l’a trompée.
Le 12 septembre 2013, le jour où le détenu Fabrice Anthamatten a assassiné la sociothérapeute Adeline M. pour ensuite prendre la fuite, il a fallu trois heures avant que l’alerte ne soit donnée. Il n’existait aucun dispositif d’urgence. «Nous n’avons jamais pensé à la possibilité d’une chose tellement atroce que celle qui est arrivée à Adeline», a admis Merlini dans le cadre de l’expertise Chappuis. Toutes ces années, La Pâquerette n’a connu que cinq évasions. L’explication d’un ancien thérapeute: «La réflexion c’est: il sort dans un an et il ne va pas faire le con.» Une logique qui a fonctionné pour 7091 sorties. Jusqu’à l’arrivée d’Anthamatten.
Toutefois, à Genève, les voix critiques n’étaient pas rares. En 2003, suite à une évasion, toutes les sorties ont été supprimées jusqu’en 2007. Gérard Niveau, spécialiste en médecine légale genevois, a décrit La Pâquerette comme une «conception essentiellement sociale poussée jusqu’à la caricature». Reste que le même Niveau ne se présente pas sous son meilleur jour dans le cas Anthamatten: c’est en effet lui qui a contresigné le rapport qui a totalement ignoré les traits de psychopathe du récidiviste et a donc permis son placement à La Pâquerette. Le procureur général de Genève a lui aussi été parmi les détracteurs de La Pâquerette. Mais depuis 2010, lorsque le Tribunal administratif a supprimé son droit de veto en matière de sorties, il n’avait plus rien à dire. Jusqu’à ce que l’assassinat d’Adeline M. bouleverse tout: l’expérience La Pâquerette a pris fin, la directrice Merlini a été suspendue et à Genève les sorties ont été supprimées.
Source et auteur : Die Weltwoche, Alex Baur, 12 mars 2015
Sur le même sujet : Adeline. Dossier. Les masques de l’assassin (I) (à ne pas manquer), ici
Madame, Monsieur, bonjour,
Cet article vient d’être placé sur le site Déviance et autres questions de société, lundi 30 juin 2016 à 6h du matin. Rien n’a encore été écrit sur la question depuis Martinson en 1974 et encore moins de la part d’un criminologue clinicien ayant passé 27 ans en milieu carcéral. Il me fait donc plaisir de vous le partager.
Bien cordialement,
Philippe Bensimon
Criminologue, Ph.D
http://www.laurent-mucchielli.org/public/Et_si_les_programmes_ne_servaient_a_rien.pdf
Christian-Nils Robert est un professeur de droit pénal et de criminologie de l’Université de Genève qui a grandement corrompu les esprits de la chaîne pénale.
C’est un bobo-pacifiste, utopiste qui a nui au système pénal Suisse comme Cohn-Bendit a nui dans l’histoire de l’Europe.
En gros, ce prof a diffusé ses théories bisounours et corrompu le cerveau de ses étudiants durant des générations.
Il prétendent que tout délinquant est rééducable.
Selon CNR, la prison ne sert à rien et il est plus efficace de se passer de punition si l’on veut rendre un criminel inoffensif.
Son angélisme est certainement pour quelque chose dans la création d’absurdités comme La Pâquerette.
Pour illustrer cette philosophie, voici une citation de Kahwa Njojo : « Éthique de la non-violence »
« La non-violence est à la fois une philosophie de vie, une méthode de gestion des conflits et une stratégie d’action qui a pour visée de construire une société plus juste et plus solidaire. En tant que philosophie de vie, c’est un mode de vie idéal pour l’humanité. Elle se réfère à la volonté bienveillante d’une personne à l’égard de tous les humains, c’est-à-dire la considération égale réservée à tout être humain en n’entretenant que du bien à tous.
La lutte non-violente contre la violence suppose une transition de la peur au courage, de la faiblesse à la force, si on veut vivre la vérité et dénoncer le mal. »
Inutile de vous dire que ce genre de théorie se casse la figure dès qu’elle se retrouve face à la haine, à la perversité et au fanatisme..
La Russie peut servir de modèle : travaux forcés en Sibérie et discipline rigoureuse fondée sur la religion orthodoxe…
«Nous n’avons jamais pensé à la possibilité d’une chose tellement atroce que celle qui est arrivée », a admis Merlini dans le cadre de l’expertise. C’est bien là le problème. La routine bureaucratique empêche de penser et d’assumer des responsabilités. À La Pâquerette, on prépare les délinquants violents à retrouver la liberté, mais quelle liberté ? Celle de récidiver ? C’est la même négligence que celle de cet employé de station-service qui servait de l’essence en fumant sa cigarette ! C’est bien jouer avec le feu. Voilà pourquoi La Pâquerette n’était pas sous le contrôle du département de la sécurité, mais sous celui du département irresponsable de la santé. Ainsi, l’idéologie permissive de la psychiatrie judiciaire genevoise s’est toujours considérée comme une réfutation du «modèle zurichois» plus sérieux, plus germanique et plus strict. La tyrannie de la bienveillance, le déni de la réalité criminologique et la médiocrité des intervenants faisaient que les sanctions étaient rares, et les infractions au règlement intérieur, comme la consommation de cannabis, faisaient l’objet d’une simple réprimande. Les soi-disant traitements individuels ou de groupes, sous forme de bavardages sans but, se bornaient à discuter de banalités quotidiennes et le travail nécessaire sur la passage à l’acte criminel n’était abordé que si le “client” le demandait expressément. Quant au soi-disant thérapeute, il ne lui restait qu’à attendre le “rétablissement” volontaire du délinquant-criminel, comme Hollande attend sans rien faire que l’Europe rétablisse les finances de la France en décomposition.