Peut-on tout montrer, tout critiquer ? Faut-il revoir notre conception de la liberté d’expression? Vendredi, la radio romande (RTS) nous a offert une journée de débats sur ce sujet.
Je n’ai pas suivi l’ensemble des propos. Mais le nombre d’intervenants prêts à revenir sur cette liberté, par exemple à «revoir notre manière de faire, car nous accueillons des populations qui viennent de très loin, avec d’autres codes», m’a effrayée. Et alors que l’islam est seul en cause dans ce débat, je n’ai pas entendu de musulmans hors un Iranien de Paris qui se plaignait de ne pas pouvoir mettre en cause «le lobby sioniste».
J’ai en revanche savouré un remarquable et intransigeant Kasparov que le journaliste raillait avec une rare stupidité: «Dans le vocabulaire de Kasparov, à New-York on est dans le monde libre.» C’est où le monde libre?
A l’heure où plus aucune liberté n’existe à l’égard de l’islam dans le domaine artistique, où des menaces de mort conduisent des responsables de manifestations contre ledit islam et ses prosélytes à démissionner, à l’heure où les gouvernements demandent la suppression de films, de festivals, de productions diverses qui pourraient fâcher les fanatiques, se demander s’il faut en rajouter en limitant notre liberté d’expression est tout de même fort de café!
Et qui a appris quoi que ce soit durant cette journée?
Si on m’avait demandé quels sujets traiter -ce qui ne risque pas d’arriver- j’aurais proposé ceci:
- Comment les leaders musulmans et autres imams conçoivent-ils la liberté d’expression ?
- Quels moyens mettre en œuvre pour qu’eux-mêmes et leurs croyants adhèrent à cette liberté ?
- Plus difficile, mais ô combien fondamental : comment expliquer un attachement aussi délirant au Coran et à Mahomet alors que l’un et l’autre témoignent de facettes inhumaines?
Pour en revenir à l’angle choisi par la RTS, je le trouve parfaitement méprisant pour tous les activistes ou simples citoyens des pays islamiques qui réclament le droit de pouvoir critiquer leur prophète, leur coran et tout l’islam. Qui souffrent de l’absence totale de liberté d’expression en matière religieuse.
Beaucoup d’amateurs de cette liberté ont dû, pour avoir tenté l’exercice ou s’être simplement affirmé athée, se réfugier sous nos cieux démocratiques.
D’autres, nombreux, croupissent dans les geôles pour avoir « insulté l’islam », « blasphémé contre l’islam » ou « insulté le prophète ». Pensant à eux, par exemple une Asia Bibi condamnée à mort pour avoir insulté Mahomet et emprisonnée depuis plus de quatre dans des conditions iniques, je considère en fin de compte comme parfaitement indécent le sujet de cette journée.
Mireille Vallette, 8 février 2015
@ Normandy
J’ajoute que dans le collège lausannois où je travaille, la majorité du corps enseignant est favorable à une certaine forme d’autocensure, destinée selon eux à assurer la paix confessionnelle. La défense de la liberté d’expression ou même de la laïcité n’est pas une priorité pour le corps enseignant.
@ Normandy
Je parle de ce que j’entends autour de moi et de ce que je peux lire dans les sondages (en France, en Allemagne) ou dans le courrier des lecteurs notamment. Chez les parents de mes élèves, par exemple, il n’y a aucun doute: ils applaudissent majoritairement à l’autocensure. Mais rien ne me ferait plus plaisir si vous aviez raison.
@Patrick Stocco
Non, le “bon peuple” n’applaudit pas, et le peuple encore moins! Les médias (et surtout notre Pravda radiophonique et télévisuelle) ne représentent en rien notre population. Il faut absolument lui fournir les moyens de se faire entendre. Le clivage déterminant aujourd’hui n’est pas entre gauche et droite, entre socialisme (européiste et immigrationniste) et libéralisme… européiste et immigrationniste, mais entre élitisme dogmatique (très minoritaire mais monopolisant communication et [dés]information, autrement dit la propagande) et réalisme populaire (largement majoritaire mais méprisé, dénigré et censuré).
C’est ce que l’on constate, hélas, depuis le 11 janvier 2015: la plupart des commentateurs, et donc des journalistes, sont contre les assassinats des dessinateurs, mais… pour l’autocensure, c’est à dire, in fine, contre la liberté d’expression. Comme si la question n’avait jamais été abordée dans les écoles de journalisme… Et le bon peuple applaudit, ce qui est toujours bon pour les affaires.