Un ami adore faire une boutade lorsque, dans un salon, les mines deviennent graves parce qu'on parle chômage. "Mais 10% de chômeurs, s'écrie-t-il, ça veut dire 90% de travailleurs ! C'est déjà très bien !" Alors les mines s'assombrissent et les invités basculent dans la moraline. Comment ose-t-on dire de telles choses ? Un chômeur souffre parce que ses besoins ne sont pas satisfaits.
Il souffre aussi parce qu'il n'ira pas au paradis. En effet, les économistes ont quotidiennement recours à l'encensoir de la productivité pour asperger les masses avec l'eau bénite de la croissance. Celui qui ne participe pas par son travail à la croissance ne reçoit pas d'eau bénite.
Dans son monumental ouvrage, L'encre de la mélancolie, Jean Starobinski fait une brève remarque sur le travail chez les moines. La vie dans les monastères n'était pas rose tous les jours. Elle était source d'acédie, état d'angoisse ou de dépression. Au lieu de trouver Dieu dans ses prières, le moine trouvait le vide. Il fallait inventer un remède, ce fut le travail. On découvrit que par le labeur, on pouvait se soustraire "au harcèlement de l'ennui, au vertige du temps vide". Starobinski souligne le fait que ce n'était "nullement le profit économique du travail qui importait aux Pères de l'Église, mais sa valeur thérapeutique." Il précise encore, avec une formule remarquable, "que le travail interrompt le vertigineux dialogue de la conscience avec son propre vide".
Une image extraordinaire nous est ainsi donnée. Des moines tout occupés de l'invisible mais, en même temps, si effrayés par l'affreux soupçon que cet invisible est vide, qu'ils s'occupent encore plus du monde visible en y travaillant. Sur les camemberts, dans nos marchés, une image évoque un moine grassouillet dont le labeur a produit un beau fromage. A côté de lui, parfois, une bouteille de Chartreuse.
Cette petite remarque de Jean Starobinski suggère que le travail ne répond pas seulement à nos besoins. D'ailleurs les animaux ne travaillent pas et ils satisfont très bien leurs besoins. Karl Marx allait jusqu'à dire que travailler n'était presque en rien une manière de satisfaire nos appétits. Un homme, de son point de vue, lorsqu'il dépensait son énergie sur un chantier ou dans un atelier, n'essayait pas d'échapper à son vide intérieur, comme le moine d'antan, mais participait à la construction d'un monde nouveau. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Je penche pour la version de Starobinski. A l'heure où j'écris ces lignes, on discute d'une statistique qui vient de sortir. Les suicides augmentent avec le chômage et nous savons bien que la malédiction du chômage est la perte de l'estime de soi. Cette perte est pratiquement synonyme de vide intérieur. Difficile de vivre lorsqu'on s'estime quantité négligeable, insignifiante. Dès lors, je ne peux vivre que si je m'inscris dans le circuit de la production et de la consommation. Et si je m’y inscris, dans ce circuit, ce n’est pas seulement pour subvenir à mes besoins physiques, mais parce que j’apaise ainsi mes angoisses intérieures, comme cela a commencé avec les moines.
Les moines étaient une petite minorité. Aujourd'hui, en Occident, c'est toute la société qui doit travailler pour "interrompre le vertigineux dialogue de la conscience avec son propre vide".
Jan Marejko, 9 janvier 2015
Et revoici le vide! La vacuité! Quelle surprise que des moines en prennent conscience! mais que ne l’ont-ils pas dit, crié sur les toits? Le tzim tzoum, Dieu qui se retire, se voile pour que l’homme soit. Et l’homme compense le vide par des religions… Ce dont Dieu ne le blâme pourtant pas.
Juste à l’instant, Dieu m’étonne! Pourquoi « juste à l’instant »? Parce que l’évocation du vide me renvoie immédiatement à la Genèse. Et aussi à cause de « tu mangeras ton pain à la sueur de tes narines… » et que, selon l’acception courante, il faut travailler pour gagner ce pain. Or cette conséquence, et non punition, est motivée ainsi par Dieu: « parce que tu as mangé de l’arbre! ». Alors qu’il avait mangé le fruit! (encore une question, un mystère, un vide motivant)
Me voici parti pour une sorte de pot-pourri, m’accorderez-vous de continuer?
Le film, « les aventuriers de l’arche perdue », met en scène le moment ou le dignitaire nazi soulève le couvercle de l’arche en pensant y trouver la domination du monde. Et ne trouve que du sable. Autrement dit Rien! Néant!
La « connaissance du bien (accompli) et du mal (inaccompli, selon Annick de Souzenelle) » me semble un raccourci pour échapper au mystère, au vide. A ce vide pourtant fécond. Une recette aussi pour aborder le remplissage de la vaste terre. Et qui pourtant déboucha sur la honte de la nudité. Mauvais début donc pour le remplissage. Qui n’est alors plus que domination, ce dont les traductions de l’écriture témoignent. Comme quoi la paix sur la terre ou la remplir est un noble but, mais tous ceux qui s’en réclament n’y parviendront pas. Et aucun principe égalitaire n’y changera rien. Mais je me suis écarté du vide, de la vacuité de l’être. J’y reviendrai donc.
Qui a dit que la nature a horreur du vide? C’est l’homme qui a horreur du vide! L’homme collectif en particulier! Preuve en est l’engouement vers « je suis Charlie ». Nous pourrions demander, qui est-tu d’autre? Quoique la question adéquate porterai sur le »quoi », quoi est-tu? Car l’homme, manquant de « qui », compense par un quoi! Fut-ce un veau d’or.
Selon la guématrie hébraïque l’Adam est de l’ordre du « quoi ». A partir d’Adam, de son côté, Dieu construisit (c’est le mot, qui d’ailleurs renvoie à « fils ») une femme, Ishah. Laquelle est aussi, numériquement, de l’ordre du »quoi ». Mais cette opération fait de l’Adam un ISH, qui lui, est de l’ordre du « qui ». Lorsqu’il reconnait « celle-là » comme étant « os de son os et chair de sa chair » il la réduit à son connu, à un « quoi ». Il la connait donc…. et elle acquiert « avec Dieu » un homme. Adam à la trappe, le féminisme est né!
Ah oui, mais si l’on veut faire “évoluer “la société faisons fi de l’emploi ,au profit d’un nombre de plus en plus réduit. Il vaut bien mieux surajouter la misère du monde à celle autochtone crée , ainsi, la déconstruction du pays progresse infiniment plus vite, notamment lorsque des phases d’explosion violentes prévisibles , si ce n’est prévues se produisent. En terrorisant ainsi toute résistance, sur un peuple déjà affaibli, et en procurant l’occasion de blinder un pouvoir discrédité et à bout de souffle, à coup de propagande si peu cynique , c’est tout bénéfice ! Vous voyez bien qu’en toute circonstance, la France “évoluée”, celle qui a pris si héroïquement naissance à Valmy, a les” meilleurs économistes du monde”, les “meilleures troupes d’élites”,” les meilleurs renseignements”, je n’oserai pas oublier la meilleure information et encore moins , “droite” et “gauche” confondue – pas tant que cela malgré les faits accablants-la plus vertueuse classe politique on ou off shore !
Hélas, sérieux handicap, les meilleurs média du monde n’ont cessé de nous le rappeler, nous avons les plus mauvais terroristes du monde , des “déséquilibrés” , si “peu formés ” dont deux d’entre eux n’ont réussi sans doute que par erreur à tenir 10 000 soldats d’élite surarmés en haleine pendant 48 heures.
Pour ceux qui se plaindraient du traitement global et se laisseraient aller à l’ennui et au désespoir, il y aura bientôt la possibilité de recourir au “suicide assisté” – musique douce offerte, prix réduit pour les groupes – du tandem néo-humaniste Clayes -Léonetti, la fine fleur “innovante” de l’UMPS.
Avec des médecins -anthropologues de cette qualité, ce sera alors au tour de ces “déséquilibrés” de ce retrouver au chomâge. Car au bout d’un temps , il faudra quand même rester à quelques” uns plus égaux que d’autres” à se partager le gâteau, sinon si les parts devenaient trop réduites, tout le monde finirait par s’ennuyer !
Ce n’est pas le vide qui fait peur c’est le face à face avec la mort qui est derrière le vide. Vous êtes injuste avec les moines. Ils ne travaillent pas tous pour échapper à l’angoisse mais aussi parce que notre corps n’est pas fait pour rester inactif. La plupart des moines ont affronté avec succès le face à face avec la mort. Si peu d’autres s’y risquent c’est parce que nous vivons dans l’idéologie du plein, de l’être sans le non-être, or l’être n’est rien sans le non être, autrement dit nous vivons dans une idéologie sataniste sans même le savoir. Le non être n’est pas le néant mais pour le savoir il faut aller y regarder et aucune religion ne le fera à votre place. Cependant, une religion le fait pour vous symboliquement et c’est déjà beaucoup et cela peut vous éviter de regarder du mauvais côté au moment de votre mort. Dans la vie il n’y a rien à faire, et certainement pas à travailler, il y a uniquement à regarder, derrière soi, d’où l’on vient, où l’on va, ce que l’on est.
Notre vocabulaire est beaucoup trop pauvre pour qualifier notre activité plus ou moins productive : travail. Nous devrions disposer, spécialement en Suisse, d’au moins une trentaine de mots différents pour toute la gamme émotionnel couvrant ce terme. On élargirait notre champ de conscience et éviterait les malentendus.
Absolument, notre société doit s’organiser pour fournir un travail pour chacun. L’UE doit revoir sa stratégie et réduire le chômage partout en Europe. Les injections monétaires aideront mais ne seront pas suffisantes sans réformer le marché de l’emploi, il faut remettre en question les fondements de la globalisation.