L’inévitable s’est produit. Depuis des années, la France avait paré les attentats les plus meurtriers, malgré son implication sur plusieurs théâtres d’opérations contre les terroristes. On apprenait le démantèlement de réseaux islamistes régulièrement, mais on avait aussi en tête le nombre important de « djihadistes » recrutés en France. Récemment encore, la mort en Syrie d’un sixième fanatique , originaire de Lunel, était révélée. Néanmoins, l’itinéraire sanglant de Merah à Toulouse et Montauban, en 2012, demeurait apparemment une action isolée et relativement solitaire, avec une dimension symbolique puisque la cible était constituée par des militaires et des Juifs.
L’attaque de Charlie Hebdo par un commando est d’une autre nature. Les agresseurs ont choisi le moment de la conférence de rentrée de la rédaction pour mener leur opération. Les commentateurs n’hésitent pas à employer le terme, répugnant en l’occurrence, de professionnalisme pour mesurer leur efficacité et leur maîtrise. Ce raid a eu lieu entre Bastille et République, au coeur de Paris et visait le siège d’un journal satirique. Cette fois, la symbolique est énorme. Les assaillants ont assassiné des policiers et des journalistes, ces derniers volontiers provocateurs, donc courageux. C’est donc la France qui a été visée et avec elle, l’Etat, la République et ses valeurs fondamentales, notamment cette liberté de la presse qui est l’âme des institutions démocratiques. On a malheureusement parfois tendance à l’oublier dans notre pays, la liberté de penser et de s’exprimer est un droit sacré. Les caricatures du prophète sont dans un pays vraiment libre plus sacrées que lui. Un incendie criminel avait déjà obligé le périodique à déménager parce qu’il avait eu le front d’exercer ce droit. Cette fois, douze personnes sont mortes, onze ont été blessées, dont quatre sont entre la vie et la mort. Nous avions du respect et de la sympathie, au-delà des différences d’opinion, pour les dessinateurs, Cabu, Charb, Tignous et Wolinski et pour l’économiste Bernard Maris. L’idée que des barbares aient pu les censurer définitivement en leur ôtant la vie est révoltante. Pour le coup, elle est intolérable.
Il faut espérer que la police les retrouvera rapidement. La video-protection sera une fois encore un moyen privilégié. De tels événements me rappellent les batailles menées pour faire valoir ce dispositif malgré l’opposition des socialistes. Mais si le système est utile aux enquêtes, on voit bien qu’il n’est pas préventif. Le nombre des cibles, le caractère imprévisible des attentats laissent supposer que l’action d’aujourd’hui peut se reproduire. On mesure également combien la protection policière extraordinairement coûteuse en effectifs est illusoire dans ses effets. Deux policiers ont été assassinés. L’un d’eux a été « achevé », ce qui révèle le caractère ignoble et inhumain de ceux qui ont agi aujourd’hui. Il faudra en tenir compte à leur encontre.
Les discours fleurissent d’un bout à l’autre de la terre. Il serait préférable de leur substituer des actes. L’un de ceux-ci consisterait à mettre fin à la guerre civile syrienne et à l’Etat islamique qui y prend la plus grande part. Il est plus que temps d’assurer l’Etat syrien de notre soutien pour mettre fin à cette pompe aspirante du djihadisme. Les puissances occidentales, avec leurs alliés du Golfe, ont joué les apprentis-sorciers. Ils en récoltent les fruits amers. La déchéance de la nationalité pour les binationaux, l’internement à vie pour ceux qui ont porté les armes sont un minimum. Il faut aussi désigner les coupables sans périphrase oiseuse. Notre Président a récemment déclaré qu’il ne fallait pas stigmatiser une religion. Si le contexte n’était pas tragique, on relèverait chez lui un rare talent à se faire démentir par les faits. Des responsables musulmans affirment que tels actes « n’ont rien à voir avec l’Islam ». C’est un peu facile. Certes, il y a des pratiques musulmanes, soufies, par exemple, qui sont aux antipodes de la sauvagerie, mais la lucidité nous appelle à prendre conscience du lien entre la violence, le mépris de la vie humaine, la relégation de la femme et l’Islam dans une grande partie du monde, du Nigéria au Pakistan, dans de larges périodes de l’Histoire, aussi, et dans les textes, enfin. Le message du Coran est celui d’un Dieu implacable qui n’est pas celui des Evangiles, quoi qu’on dise. Aussi, est-il plus que temps d’exiger des responsables musulmans qu’ils ne se contentent plus de mots rassurants. Si l’on accepte l’idée d’un Islam de France, ce ne peut être qu’une lecture de celui-ci parfaitement soumise à nos principes et à nos valeurs.
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