L’économie de Montréal repose-t-elle en partie sur l’argent de la mafia?

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Lorsqu'une amie qui travaillait dans le merveilleux monde de la finance m'avait affirmé un jour que l'économie de Montréal reposait sur celui de la mafia et que, sans cet argent, tout s'effondrerait, je me suis dit qu'elle exagérait.

Lorsque les travaux de la commission Charbonneau ont repris après un répit estival et que nous avons eu droit à la parade de Tony Accurso, qui a, notamment, fait référence à ses petits contacts avec la mafia, je suis dit : et si c'était vrai ?

Permettez-moi de prendre quelques lignes pour parler de ce que je connais : Montréal et sa périphérie. Cela fait vingt ans que je vis en son centre, et jamais elle ne m'a paru aussi en détresse. Un exemple flagrant : le boulevard Saint-Laurent entre Sherbrooke et la rue des Pins (y compris la rue Prince Arthur avoisinante). Si vous avez eu l'occasion de passer par là dernièrement, vous aurez certainement constaté la désolation ambiante. Il n'y a jamais eu autant de pancartes À louer ou À vendre, certaines d'entre elles faisant pitié tant elles sont là depuis un bon bout de temps. Moi qui ai toujours défendu ma ville contre les mauvaises langues qui ne cessaient de critiquer sa saleté et son insécurité, je commence pourtant à y joindre la mienne. Les poubelles débordent, les trottoirs sont de plus en plus dégueulasses (mais on nettoie l'asphalte des rues... ), et l'itinérance malheureusement grandissante notamment aux abords des stations de métro apporte son lot d'expériences désagréables. À titre d'exemple, les abords du métro au coin des rues Sainte-Catherine et Berri où vaut mieux se boucher le nez tant ça sent l'urine. D'ailleurs, ce sont tous les environs, dont ceux du terminus d'autobus qui sont affreux et sales; aussi, ne levez surtout pas les yeux vers le ciel, vous pleurez en contemplant le désastre figé dans le temps de l'îlot Voyageur. Dire que ce sont les premières images de Montréal que voit un touriste qui débarque en ville...

Sur le plan de l'activité professionnelle, à part quelques secteurs ciblés qui carburent bien (jeux vidéos, développement informatique, aéronautique, santé, etc.), le marché du travail à Montréal est saturé ou alors les emplois qui y sont offerts sont de plus en plus précaires. Vous remarquerez que dans ma très courte énumération de secteurs d'emploi choyés, j'ai omis de mentionner celui, toujours très prometteur, de l'industrie de la construction. Ah, nous y voilà ! Certains d'entre vous vont peut-être se dire : encore une qui va s'en prendre au merveilleux monde de la construction. Eh bien non, fille d'un courageux travailleur des travaux publics (routiers), j'ai beaucoup de respect pour ceux et celles qui exercent leur métier parfois dans des conditions assez difficiles, merci. J'avouerais, toutefois, qu'en ces temps de sursaut du féminisme québécois, c'est bien là un exemple d'activité professionnelle où je ne demanderai, au grand jamais, l'égalité avec les hommes...

Alors, la dégringolade de Montréal que l'on constate depuis quelques années est-elle une suite logique de son histoire liée à des mafias qui ont grandi et prospéré dans un relatif anonymat depuis près d'un siècle ? Que s'est-il passé depuis que la commission d'enquête sur le crime organisé (CECO) créée en 1972 par le gouvernement de Robert Bourassa a fait réellement connaître au grand public l'étendue des tentacules de la mafia sur Montréal ?

Peut-être que pas grand-chose n'a été fait finalement, ce qui explique qu'aucune attention n'a été apportée aux infrastructures de la ville, parce que bon nombre d'individus continuaient à en profiter pour s'en mettre plein les poches ou se payer des retraites dorées. Depuis, tout n'aurait donc été que du vent, de l'argent qui n'existait pas réellement ou qui était suffisamment sale pour être blanchi rapidement derrière la façade d'activités honnêtes comme la restauration par exemple... ou la construction ?

Petite anecdote : peu de temps après mon arrivée à Montréal, mon mari et moi avions décidé d'aller manger dans un petit resto sur la rue Saint-Denis. À un moment donné, un homme est entré, une mallette à la main, puis ressorti après être passé par la caisse du patron. Comme dans les films, dis donc...

Depuis la création de la commission Charbonneau, qui en passant doit nous coûter un bras en frais d'administration et d'avocats, je me sens impuissante face à un théâtre de marionnettes qui ne sont finalement que les pointes d'un mal profond qui a infiltré une industrie de la construction ainsi que de nombreux paliers de gouvernance. Vous aurez remarqué, comme moi, que personne pour le moment n'a été inculpé ni sommé de rembourser l'argent détourné. Ceci serait-il donc de la poudre aux yeux, comme l'a été la CECO en 1972 ? Parce que l'on sait très bien que si on touche aux amis de ses amis, on est conscients que la pègre serait bien capable d'aller dépenser son argent ailleurs. Et de cet argent, on en a grand besoin puisqu'on n'a pas un sou...

Enfin, ce n'est toutefois pas le cas de tout le monde. Il semble y en avoir suffisamment pour construire de nombreux condos de luxe, certains d'entre eux se vendant un demi-million de dollars et plus. Ça démontre la dynamique de notre ville, j'imagine, en tout cas d'un point de vue de construction... Qu'ai-je donc à être rabat-joie ? Mais entre nous, imaginez donc que l'argent issu d'activités douteuses disparaissait, pensez-vous que Montréal survivrait ou vivrait plutôt un véritable scénario catastrophe comme la faillite par exemple ?

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