Le CSA : donnez-lui directement votre télécommande, ça sera plus simple !

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Par Kevan Saab

CSA

Le feuilleton estival qui animait le secteur de l’audiovisuel français se termine enfin. Les chaînes LCI (groupe TF1), Paris Première (groupe M6) et Planète + (groupe Canal +), toutes trois candidates pour incorporer l’offre TNT gratuite, s’en sont toutes trois vues refuser l’entrée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Triple échec donc pour des chaînes dont le passage vers la TNT gratuite était la clé pour sortir du carcan de la TNT payante.

Bref, jusqu’ici rien de très surprenant, une brochette de neuf hauts fonctionnaires et personnalités des médias français, non-élus et perclus de conflits d’intérêts grossiers s’en prennent une fois encore au principe de la libre concurrence afin de préserver les intérêts des chaînes gratuites existantes. Ce qui laisse songeur cependant, c’est l’argumentaire utilisé afin de défendre ce choix.

Pour commencer, le CSA pointe du doigt une conjoncture publicitaire peu favorable à l’implantation de nouvelles chaînes : « Aucune reprise significative du marché n’est prévue à brève échéance et les perspectives à moyen terme demeurent encore incertaines ». Tout d’abord, il est assez cocasse de voir une institution étatique dirigée par l’ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin se soucier autant des recettes publicitaires d’entreprises privées. Doit-on rappeler au CSA qu’il n’a pas vocation à agir en tant qu’actionnaire des grands médias existants, mais bien en tant que défenseur du pluralisme et de la liberté d’expression comme il l’affirme haut et fort son site internet ?

Continuant sur sa lancée, le CSA souligne la fragilité financière de certaines chaînes de la TNT gratuite, potentiellement à risque en cas d’entrée de nouveaux concurrents. Contrairement à ce que laisse entendre le Conseil, cette situation n’a rien d’inquiétant. En effet, il est tout à fait normal de voir sur un marché des entreprises qui s’en tirent mieux ou moins bien que la moyenne. De même, il n’y a aucune raison de tenter de maintenir en vie une chaîne de télévision en difficulté financière en atrophiant sa concurrence quand ses clients, c’est-à-dire ses téléspectateurs ou ses promoteurs publicitaires, choisissent jour après jour d’aller voir ailleurs. Laissons les spectateurs choisir eux-mêmes les chaînes qu’ils veulent voir réussir et croître. Enfin, le CSA agite la menace de suppressions d’emplois parmi les chaînes déjà existantes sans même prendre en compte le risque bien réel de voir LCI disparaître complètement de la carte.

Pour finir, le CSA considère « que l’arrivée d’une ou plusieurs chaînes gratuites supplémentaires, dans un paysage déjà composé de 25 chaînes constituant une large gamme, ne devrait pas se traduire par une augmentation significative de l’usage de la télévision ». Pour faire simple, selon les neuf sages qui décident quelles chaînes M. Dupont a le droit de regarder sans frais sur sa TNT gratuite, notre brave M. Dupont a déjà accès à une offre bien assez complète et l’ajout de nouvelles chaînes ne le pousserait pas à regarder davantage la télé. Et si M. Dupont veut quand même regarder les nouvelles sur LCI, se divertir sur Paris Première ou regarder un documentaire sur Planète+ me diriez-vous ? Eh bien, qu’il investisse dans une offre payante vous rétorquera le CSA ! Eh oui, c’est aussi ça la bureaucratie au service de la population et du pouvoir d’achat !

Plus sérieusement, cette décision unilatérale du CSA crée un dangereux précédent en matière de contrôle des médias. Jamais dans une démocratie moderne, une institution technocratique, sans aucune légitimité populaire qui plus est, ne devrait avoir en son pouvoir le droit de choisir unilatéralement les médias dignes de diffuser au plus grand nombre. Pire, l’idée même de tenter de garder en vie artificiellement des chaînes de télévision en dépit des choix du public revient ni plus ni moins qu’à influencer indirectement le contenu de l’offre télévisuelle et donc in fine ce que le téléspectateur français a le droit de regarder. Tant qu’à faire, donnons tous nos télécommandes au CSA afin qu’ils répartissent équitablement entre les chaînes existantes l’ensemble de l’audimat.

 

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