Insécurité, criminalité: Oui aux “rondes citoyennes”!

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Rediffusion 26.6.2014 (première diffusion 13.12.2012). A l’occasion des grèves grotesques de la police genevoise, les rondes citoyennes, dont il est question ci-dessous, de plus en plus d’actualité ? Nos problèmes sont ceux de la criminalité, de l’insécurité, etc et non ceux de vos privilèges, chers policiers.
Oui aux rondes citoyennes, je dis bien aux rondes et non aux armes ! Votre seule présence pacifique aura un effet dissuasif certain et ce sera une autre occasion de pratiquer la citoyenneté participative, et de renforcer simultanément la vie sociale et communautaire, elle aussi mise à mal par l‘individualisme forcené dont tout le monde se plaint

En matière de violence  et de criminalité on revient de loin. Un petit regard rétrospectif est éclairant et permet de rappeler les différentes phases par lesquelles nos sociétés ont passé en l’espace d’une trentaine d’années.

Dans les années 1980, la bien-pensance cherchait à imposer l’idée d’un simple sentiment d’insécurité, à savoir que la population était sous l’emprise d’un sentiment purement  subjectif et très excessif d’insécurité, la réalité étant beaucoup plus pacifique: « les violences étaient bien pires autrefois », disait-on.

Ceux qui osaient parler de criminalité étrangère étaient immédiatement stigmatisés, montrés d’un doigt très long, et bien entendu traités de racistes, infâmes en plus, selon la terminologie consacrée, à gauche. Le déni de réalité, le refus des réalités déplaisantes et gênantes, était matraqué à longueur de journées et de débats médiatiques, et imposé comme seule perception autorisée, même chez certains responsables officiels de la politique de sécurité. On ne citera pas de noms puisqu’il y a « prescription », mais tout le monde en a un ou deux en tête.

Par la suite, la criminalité étant devenue  tellement massive, puisque même les idéologues malvoyants la ressentaient à défaut de vouloir la voir, il a bien fallu admettre qu’il existait quelque chose de l’ordre d’une certaine insécurité Les termes de violence et de criminalité n’interviendront que plus tard , après une nouvelle phase d’euphémisation et de l’habituel détournement de regard, ou encore de l’excuse sociale.

Puis on a fini par admettre cette criminalité et que les gens en souffraient, mais on ne pouvait pas parler de criminalité étrangère, puisqu’il y avait aussi des Suisses parmi les criminels (un hebdomadaire gratuit genevois nous apprend cette semaine que le 92% des prisonniers sont étrangers).

Pourtant la population bouillonnait de révolte depuis longtemps et elle en était déjà au sentiment d’impunité. Certes, la police finissait par arrêter certains criminels, mais elle devait  les relâcher, à peine arrêtés. Du coup c’était la police qui manifestait sa démotivation et accusait les juges.

Combien de temps aura-t-il fallu pour que l’on admette publiquement que la criminalité et la population carcérale était massivement étrangères. Elle l’est aussi parce Genève en particulier, comme d’autres cantons frontières, est une passoire et que cela se sait jusqu’à Lyon, où les bandes criminelles parlent du « supermarché gratuit de Genève ». Bref, un must à ne pas  rater. En plus, tout le monde sait que les risques ne sont pas dissuasifs et que la justice est beaucoup plus clémente qu’en France. Et le séjour en prison ne serait pas des plus désagréables.

Passons sur quelques autres phases pour préciser la situation actuelle, que presque tout le monde reconnaît comme grave, inacceptable, révoltante, au point de faire le jeu de  mouvements et de partis politiques réactifs qui poussent comme des champignons dans ces cas-là.

Les habitants actuellement les plus menacés et révoltés se trouvent près de la frontière, les criminels étrangers faisant irruption dans ces zones-là et repartant tout aussi vite à l’étranger. Mais ils ne sont de loin pas les seuls puisqu’on compte parfois jusqu’à 30 cambriolages par jour dans la ville et le canton de Genève. Passons sur la constitution parallèle de filières criminelles établies, de toutes sortes, et qui ne sont pas que dormantes.

En bref, les forces de police sont trop peu nombreuses pour faire face et la population veut s’en mêler en participant au rétablissement de l’ordre public. C’est là le nouveau débat, mais il est lui aussi déjà mal parti. Cette fois, c’est du côté des autorités, à mon avis trop influencées par la conception française de l’Etat républicain, que l’on vient nous rappeler que c’est à l’Etat et à lui seul de garantir l’ordre public. Suivant cette conception, il y a l’Etat d’un côté et les citoyens de l’autre, ces derniers ayant l’habitude de tout attendre de l’Etat mais aussi de le rendre responsable de tous les problèmes. Dès qu’il y a un problème, on se tourne vers l’Etat central, qui devient la cible toute désignée et en toutes circonstances. Sans s’en rendre compte, nos autorités genevoises semblent avoir intériorisé cette conception de l’Etat. Or, notre démocratie participative, de milice (chaque citoyen est censé participer et faire quelque chose pour la société) présuppose que tout citoyen peut, doit, se mêler de tout et est aussi responsable de l’état social et politique de son environnement.

Pense à ce que tu peux faire pour le pays plutôt que de te demander… !

Les autorités devraient être ravies que la population veuille participer à la vie de son environnement. Nous sommes en effet plus proches du pragmatisme anglo-saxon et de son esprit communautaire que de la dépendance passive envers un Etat central considéré comme omnipuissant. Si en plus il l’était vraiment !

Pensez donc ! Une population qui veut prendre en main une partie de sa sécurité en faisant des rondes par équipe, à tour de rôle, surtout la nuit, afin de se sentir à nouveau un peu plus en sécurité. Tout de suite, ceux qui sont bien au chaud et toujours lovés dans la bien-pensance, crient à la délation, au citoyen-flic, voire au fascisme, à l’Etat totalitaire !

En fait, il ne s’agit pas seulement de savoir raison garder mais de prendre à nouveau acte du fait que, dans notre démocratie directe, tout un chacun est concerné par tout et pas seulement par les élections présidentielles tous les 4 ou 5 ans.

Souvenons-nous d’un exemple concret du pragmatisme anglo-saxon : un jeune qui commet un délit dans son quartier, immeuble ou communauté, est convoqué devant l’ensemble des habitants concernés pour prendre  publiquement acte du délit commis et se rendre compte des conséquences de ses actes en présence des lésés. Il est ensuite appelé à réparer, en devant, par exemple, exécuter des travaux dans le magasin cambriolé jusqu’à concurrence  des dégâts causés, au lieu d’aller en prison. Les happy-ends ne sont pas rares : le délinquant adéquatement amendé pouvant parfois poursuivre une activité dans le commerce vandalisé. Tout le monde est gagnant. La morale de l’histoire, connue à la ronde, sert de leçon et est souvent plus efficace que la prison. L’exemple paraît idéalisé mais c’est la philosophie politique sous-jacente qui compte ici. C’est ce qu’on appelle l’esprit communautaire, et non communautariste, esprit proche de notre démocratie de milice, de la volonté de chacun de s’occuper personnellement de son environnement. Il n’y a pas que l’armée qui est de milice.

Appliquons donc ici aussi notre manière d’être et de vivre  plutôt que de nous laisser influencer par une conception de l’Etat qui nous est tout à fait étrangère et souvent insuffisamment efficace.

Oui aux rondes citoyennes, je dis bien aux rondes et non aux armes ! Votre seule présence pacifique aura un effet dissuasif certain et ce sera une autre occasion de pratiquer la citoyenneté participative, et de renforcer simultanément la vie sociale et communautaire, elle aussi mise à mal par l‘individualisme forcené dont tout le monde se plaint. Il existe déjà nombre d’expériences autour de nous où des citoyens organisent non seulement des rondes de  surveillance mais aussi toutes sortes d’activités collectives et festives au centre des lieux d’habitation. Ces activités-là contribuent elles aussi, même indirectement, mais très efficacement, à la sécurité collective et à une vie sociale et communautaire renouvelée, dont  tout le monde rêve mais que peu de citoyens appliquent. Encore une fois, n’idéalisons pas ; il est vrai qu’il y a toujours un voisin que l’on déteste mais personne ne déteste tous ses voisins, et les activités susmentionnées peuvent créer du lien même là où on le croyait impossible. Cette forme de vie communautaire comporte certes un contrôle social qui peut être pesant (il a existé de tout temps, davantage en milieu rural) mais sans aucun contrôle social, on aboutit à cette intolérable insécurité, criminalité et violence d’aujourd’hui.

De là à voir dans la moindre tentative de contrôle social le fascisme en puissance, il y a un pas que seuls les préformatés d’un antifascisme fabulé franchissent. Ils ne se rendent pas compte qu’à force de crier au loup sans rien faire, ils le provoquent et lui ouvrent grand le chemin.

Quant aux autorités, elles détiennent certes le pouvoir, mais ce dernier est encore mieux exercé et plus efficace lorsque tout le monde y prend part, comme le veut une démocratie participative au quotidien et en acte, de manière purement défensive, comme l’est aussi notre armée.

3 commentaires

  1. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Quelques mots pour illustrer le commentaire de Monsieur Cretegny (fils d’Antoinette?). Il cite la bible. Et moi aussi, mais de mémoire. “Le magistrat porte l’épée pour sanctionner veux qui font le mal et…pour honorer les gens de bien! Je suis certain d’avoir lu cela! Mais , si je comprends bien l’esprit du temps, les magistrats, pétris de douce prévention, font surtout la morale aux gens de bien! Et ils font la morale aux enfants! Permettez moi de caricaturer, mais le langage préventif qui dit aux enfants de ne pas tuer (en d’autres mots très soft) implique qu’il ne sera pas un meurtrier si une maîtresse d’école lui enjoint de ne pas l’être! Ceci dit ce ne sont pas des flics aux démarches de traîne savates, dont un sur trois a les mains dans les poches, qui vont atténuer le “sentiment” d’insécurité. Souvenez vous des douze espions qu’Israël a envoyé en “terre promise”! Dix ont dit, ce sont des géants, ils se mettent à deux pour porter une grappe de raisin, ils vont nous écraser comme des fourmis. Ils auraient demande plus de flics que ça ne m’étonnerait pas! Allez donc voir dans le Robert étymologique, sous “pays”! Celui de la promesse ou nom. Pays est enraciné dans “paix”! Et ce sera tout.

  2. Posté par P. Cretegny le

    Concernant la sécurité, je crois qu’il manque un aspect jamais mentionné, le citoyen est toujours mis en face de ses responsabilités: non assistance à personne en danger! Pourquoi les responsables politiques ne sont-ils pas condamnés lorsqu’ils n’appliquent pas la loi ? Comme le dit la Bible, c’est eux qui ont l’épée… c’est bien à cause d’eux que les dealers pullulent, que les malfrats sont maitres de la rue. Tout politique devrait avoir à rendre compte devant un tribunal de tout laxisme éventuel. Je suis écœuré de la situation actuelle. Et le procureur je me demande à quoi il sert… depuis que la loi “jours-amendes” est entrée en vigueur et que son ineptie à été constatée, qui va l’abroger? Les victimes des malfrats on s’en fou. C’est triste.

  3. Posté par Henri GRUET le

    Parfaitement d’accord.
    Il faut mettre un terme a cet état de chose, laisser la police faire son travail plutot que de la désavouer et la museler.

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