L’ancien chef de la police jurassienne, toujours en avance d’un coup dans ses propos libéraux permissifs, veut s’inspirer de l’exemple de l’Uruguay pour « légaliser le cannabis dans l’espace privé et chasser le marché des rues ». Et de considérer que la guerre totale à la drogue, aux trafiquants a été un échec. En tout cas pas un échec sur le plan des profits, puisque l’économie parallèle des drogues, qui se chiffre en milliards de dollars, finit toujours par rentrer dans le circuit normal. Libéraliser aujourd’hui, sans tenir compte de l’évolution des usages et de la perméabilité des économies est une faute de goût. La diabolisation de certaines substances par le « pouvoir » politico-économique ne correspond pas à la réalité biologique ou pharmacologique. Olievenstein (Il n’y a pas de drogués heureux !), un des psychiatres qui s’était à l’époque inscrit en précurseur dans le combat qui a consisté à transformer un comportement de consommateur irresponsable en « maladie psychique et sociale » avait coutume de dire que le problème de la consommation de drogues (et autres addictions) relève d’un système d’interactions et de rencontre. Entre une substance qui trouve ses récepteurs plus ou moins rapidement sensibles dans le cerveau émotionnel et comportemental, un individu dans un stade de développement de sa personnalité (plasticité de l’adolescence et recherche de stimulations extrêmes, par exemple) et un moment socioculturel particulier (hédonisme et droit individuel à consommation de plaisir de masse soixante-huitard. Rien ne sert donc de diaboliser exclusivement la substance, l’interdire, en soigner les effets ou en substituer la dépendance si rien n’est fait pour agir sur les valeurs dominantes du moment, les besoins de la nouvelle économie et les « droits » de ces nouveaux consommateurs et clientèle d’assistés potentiels mentaux et sociaux. En ce sens-là, la substitution (médicalement ou socialement correcte) est aussi une voie sans issue
Dans une société plus « normale », centrée sur la transmission de valeurs collectives psychologiques et spirituelles claires (avec la liberté laissée à l’individu de les transgresser, à ses risques et périls), il est parfaitement concevable que des individus libres et responsables prennent le risque (à l’instar des poètes, artistes, écrivains, chamans et autres ouvreurs de portes psychiques d’autrefois) de s’exposer à des produits psychotropes. Ceux-ci sont tous des médicaments, c’est-à-dire des substances qui ont aussi le pouvoir de guérir, de faire changer, de calmer des douleurs et des souffrances, s’ils sont prescrits sous conseil et supervision de spécialistes, à la bonne dose et au bon moment limité dans le temps (c’est la dose qui fait la différence entre remède et poison). Or l’Etat moderne, avec sa séparation des pouvoirs et sa laïcisation anti-spirituelle, ne veut pas considérer la liberté du citoyen, informé et responsable, et prétend au contraire donner le pouvoir aux nouveaux prêtres de son idéologie de santé publique que sont les psys. Ce sont eux qui définissent qui est malade, qui peut consommer quoi ou qui peut bénéficier d’une substitution une fois les abus transformés en maladie chronique de la dépendance. C’est là que se pose le problème de l’inexistence dorénavant d’un modèle de santé mental qui proposerait de véritables valeurs psychologiques qui seraient un antidote. Respect de soi et d’autrui, modération, sobriété, capacité d’attendre, tolérance à la frustration et à différer la satisfaction, plaisir de vivre pleinement l’instant présent n’ont plus de place dans l’éducation au sein de la famille, de l’école ou des religions. Le problème des toxicomanies aujourd’hui est que les substances illicites servent d’amplificateur, d’huile sur le feu, pour exacerber les comportements d’enfants rois, d’enfants gâtés qui ne rencontrent plus aucune résistance structurée et sont appelés à se comporter comme des consommateurs sans freins, obtenant chimiquement le droit à vivre dans la bulle immédiate de la non-souffrance et de la déconnection de toute réalité frustrante. Et ceci à un niveau d’offre de produits désormais industrielle et non plus artisanale. Si le consommateur de substances à risque se comportait comme responsable, assumant seul les risques, protégeant autrui le plus faible du risque de la consommation, il n’y aurait sans doute pas trop de problèmes. Mais ce n’est pas le cas. Vie privée et vie publique ne sont plus séparables, et les techniques agressives de conquête des nouveaux marchés de drogues ne respectent plus rien ni personne. Ce nouveau capitalisme sauvage qui n’assume aucune responsabilité pour ceux qui vont chuter dans l’addiction pourrait-il être contrôlé dans sa violence de séduction par une libéralisation de l’accès au produit ?Les marchés illégaux accepteront-ils de se voir déposséder même d’une petite part de leurs produits séducteurs. Le goût du plaisir de la transgression des limites (typique du fonctionnement addictif) s’accommodera-t-il d’un système d’offre contrôlée par l’Etat et les nouveaux prêtres permissifs que sont les psys ? J’en doute. Libéraliser aujourd’hui, dans une évolution sociétale irresponsable, amènera plus de problèmes de santé et de consommation de soins médico-hospitaliers. Interdire remplit les prisons et occupe juges et policiers, c’est clair. La solution ? Retravailler à réintroduire dans la famille, l’école, les Eglises des valeurs psychologiques de responsabilité et de respect de soi et d’autrui. Et ne pas seulement laisser le marché sauvage imposer sa jungle du droit à consommer tout et tout de suite, au détriment des plus fragiles, des plus vulnérables et du lien social. D’abord réintroduire la responsabilité individuelle et non pas une fausse liberté qui créera de nouvelles pathologies sociales que le secteur public prendra en charge, sans perspective d’amélioration du bien-être individuel. Reconstruire une sphère privée de responsabilité éducative et de morale altruiste. Fixer des limites. Un sacré programme à mettre en place….
Dominique Baettig, ancien Conseiller national, 8 juin 2014
La « libéralisation dans un cadre privé » ne m’inspire rien de bon! Elle implique la disparition de fait de ce cadre, de ce dernier espace. Car la libéralisation implique son contraire. En tous cas ce cadre est menacé. Si j’en juge par un communiqué de presse de l’ASLOCA du 30 avril 2007, cosigné par… Carlo Sommaruga! Indiquant la procédure en cas d’inconvénients provoqués par le tabagisme d’un voisin!
L’Uruguay est un étrange exemple. car n’est-il pas à la pointe de la lutte contre le tabagisme?
Légaliser? Pourquoi ne pas légaliser la roue? Ils retardent de vingt cases! Je me souviens d’avoir offert mon amitié à une jeune punk qui faisait la manche devant un local de bancomats. Elle avait un sourire confondant. Je lui filait souvent la pièce, et parfois l’invitait à boire une bière. J’étais étonné de ses capacités d’écoute, hors du commun. Un jour j’ai eu à coeur de lui offrir 50 francs. Elle m’a alors demandé si cela me gênerait qu’elle achète de la coke. J’ai dit, résolument, non! C’est maintenant ton argent. Tu en fais ce que tu veux. 10 minutes plus tard elle reniflait sa ligne! 10 ans plus tard elle m’a dit que ça avait couté 13 CHF. Aujourd’hui elle est libre de drogues. Je pense que j’ai commis un acte fondateur.
D’autre part, et aujourd’hui, selon ce qui arrive dans mes oreilles, consommer de la drogue est aussi banal que se brosser les dents. Et pas dans des milieux marginaux!
Les « nouveaux prêtres » sont à côté de leurs pompes! Et avec eux les « éducateurs ». Ce qui m’amène à « l’enfant roi » qu’a évoqué l’auteur de l’article. Notre commune perception en dit long sur nous. Nous ne voyons que l’enfant auquel on laisse tout faire et dont on satisfait tous les caprices. Ce qui n’est en aucun cas une façon de traiter un Prince! J’aimerai distinguer l’enseignement de l’éducation. Celui que reçoit l’enseignement en incarne les valeurs. L’éduqué n’a que les mots. Pour exemples, Bhumibol et Juan-Carlos! L’un garde l’estime, pour ne pas dire l’adoration du peuple. L’autre, Président d’honneur du WWF, dézingue des éléphants.
La peinture se craquèle, les façades se lézardent puis tombent en ruines. Ce qui est incarné demeure. Il n‘y a pas d’autre modèle.