Nouveau-né handicapé: Le CHUV a-t-il omis de porter secours ?

Le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a-t-il laissé mourir un enfant dont l'avortement, très tardif, avait échoué ? Sujet délicat s'il en est, la question des avortements tardifs se conjugue à celle du sort des enfants nés vivants à l'issue d'une procédure d'avortement.

Si le droit suisse ne reconnaît aucun droit au foetus humain avant sa naissance, celui-ci accède néanmoins, en droit pénal, à la pleine protection relative aux droits de l'homme dès les premières douleurs de l'accouchement, et, à plus forte raison, s'il naît vivant.

Si la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine (CNE) cherche à créer une distinction entre les notions d'"être humain" et de "personne" - pour refuser aux foetus la garantie des droits humains - la définition de "personne" recouvre en revanche complètement le nouveau-né. Né, l'enfant est une personne à part entière, quelques secondes avant le début du travail, il ne l'est pas.

En droit suisse, dans le texte, l'art.119 du Code pénal autorise l'avortement jusqu'à 12 semaines en cas de "détresse" (al. 2) et au-delà en cas de "détresse profonde" (al.1), sans qu'on ait jugé nécessaire de préciser le sens des termes "détresse" ou "profonde".
Cette disposition du Code pénal est par ailleurs contraire au droit international, partie intégrante du droit suisse, notamment la recommandation de l’OMS de 1977, fixant la viabilité de l’enfant à vingt-deux semaines d’aménorrhée, ou encore celles relatives au droit à la vie des personnes des art. 2 CEDH et 6 al. 1 et 2 du pacte ONU II (la notion de personne se conjuguant à l’aune de celle, plus large, d’être humain de l’art. 10 al. 1 de la Constitution fédérale ainsi qu’à celle de la dignité qui lui est attachée) ou celle enfin de la protection de la vie in utero de l’art 6 al. 5 ONU II.

La Suisse connaît quelques 500 avortements par an après le délai de 12 semaines.

 

Mamanges...

Le site www.bebe.ch, sans doute le forum le plus visité par les mamans de Suisse romande, consacre une part importante de ses colonnes aux Mamanges - contraction de Maman et d'anges - qui témoignent de leur expérience dans le deuil d'un enfant...

Le 18 mai 2014, une lectrice poste un long article où elle relate l'avortement, à la 23ème semaine(1), de son enfant frappé de "diverses malformations dues à un syndrome génétique"; un véritable calvaire... A l'hôpital, le jour du rendez-vous fixé pour l'"IMG" (interruption médicale de grossesse), personne n'est prévenu, le dossier égaré, la péridurale se passe mal, beaucoup de souffrance, beaucoup d'angoisse. Le lendemain, on provoque l'"accouchement", la poche des eaux lâche, l'enfant naît, c'est une petite fille.

Elle écrit:

"Petite parenthèse hors du temps:
Notre fille est vivante (on nous avait dit que ce serait peu probable qu'elle survive aux contractions), et elle nous a fait grâce d'environ 30 minutes (on n'est pas sûr) avant de rejoindre les étoiles.
C'est le seul "beau" moment de toute l'histoire. C'était doux, calme, évidemment très éprouvant psychologiquement, mais c'était la chose la plus importante à vivre pour moi: le décès de mon enfant (je n'aurais pas supporté qu'elle meure avant). J'ai pu lui dire tout ce que je voulais lui dire. Et à part les 2 malformations apparentes (sans compter les malformations internes), elle était très belle.
Après son décès, la sage-femme l'a habillée, préparée, et nous l'a rendue, et on l'a gardée avec nous encore 2 ou 3h. Fin de la parenthèse hors du temps."

Derrière la réelle émotion de ce témoignage, une question fait jour: dans la mesure où cet enfant est bien un être humain à part entière, un être humain en train de mourir, les services du CHUV ne sont-ils pas dans l'obligation de porter assistance à cette vie en danger ? La réponse ne fait pas l'ombre d'un doute: légalement, si. On la laissera cependant s'éteindre, sans un geste pour tenter de la sauver, coupable qu'elle était de ne pas avoir succombé plus tôt. La décision médicale d'en finir avec elle l'avait depuis longtemps déshumanisée. Voilà le sort de millions d'enfants qui n'ont que le tort ne pas correspondre exactement aux standards de perfection de ce monde. Ce témoignage ne laisse pas de poser diverses questions extrêmement problématiques: cette pratique d'euthanasie eugénique est-elle courante dans notre pays, est-elle tolérée, au nom de quoi ? On avorte un foetus et c'est un enfant qui meurt, sa mort est-elle réellement inéluctable ou a-t-on seulement décidé qu'elle l'était, par défaut, pour correspondre au but premier fixé par l'avortement ? Nous sommes évidemment conscients que, pour que quelque chose soit fait, il faut que quelque chose puisse être fait, mais y a-t-il eu ne serait-ce qu'une décision diagnostique quant aux chances de survie de l'enfant, ou s'est-on arrêté à l'arbitraire de la "qualité" de cette vie à peine entamée ?

Quant à la malheureuse Mamange, loin de nous l'idée de la juger personnellement, de toute évidence, au CHUV, on compte sur la chance pour obtenir des nourrissons morts à la naissance et on n'est pas prêt à affronter, en obstétrique, l'éventualité de la vie. De guerre lasse, on finira par lui dépêcher l'aumônier...

Puis on lui ramènera le corps de son enfant:

"20 min plus tard une soignante me l'a amenée, et elle a été assez gentille pour rester un moment avec moi et discuter un peu. Ensuite elle m'a dit que quand j'aurais fini, je pouvais faire appeler la 1ere sage femme qui nous a accueilli et qu'elle viendrait la chercher (mais je pouvais aussi la garder toute la nuit si je voulais).

Finalement je lui ai dit au revoir tard dans la nuit, quand la sage-femme est venue me voir pendant sa pause et a proposé de la reprendre, car son corps commençait déjà à changer."

La Suisse a fait néanmoins quelques progrès depuis ces dernières années, les parents pourront récupérer les cendres de leur enfant et les porter au cimetière.

"En tout cas, je sais que je suis la maman de 2 enfants, même si personne ne connaîtra jamais la petite. Elle était assez lourde (et surtout en vie) pour qu'on puisse l'inscrire dans le livret de famille, elle a existé!"

Elle aurait même pu vivre.

 

Contacté par lesobervateurs.ch, M. Darcy Christen, porte-parole du CHUV, a déclaré être interpellé par ce cas, lequel demande encore une introspection.

 

 

(1) Dans un autre message daté du 8 avril 2014, elle dit être à 18 semaines, date de la décision d'avorter. Il convient de préciser que le témoignage est anonyme et ne permet pas d'autre vérification.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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