De tous les éditos à paraître ce lundi matin dans vos journaux, celui de Pierre Veya pulvérise tous les records dans l’art du mauvais perdant. Fidèle à la ligne de son journal pendant toute la campagne, qui fut d’obédience totale aux puissances patronales, à M. Burkhalter et au pouvoir en place, le rédacteur en chef du Temps n’a d’autre souci, d’autre urgence, que d’instruire le procès du vainqueur. Le message tient en une phrase : « Ils ont gagné, donc il faut les virer ».
Sur le signal tellurique donné par la Suisse profonde, le désaveu cinglant des élites, le soufflet à un Conseil fédéral et un président de la Confédération qui ont jeté toutes leurs forces dans la bataille, pas un mot. Aucune tentative de comprendre le pourquoi de ce oui jailli des entrailles d’une communauté humaine que personne, jusque-là, n’a daigné écouter. Non. La seule leçon que l’éditorialiste, du haut de sa superbe, estime pouvoir tirer de ce signal, c’est qu’il faut virer l’UDC de toute association à des responsabilités en Suisse. Comme à l’automne 2007 : ce parti gagne les élections, comme jamais, donc un mois après, on vire son chef historique du Conseil fédéral, Logique, non ? Je vous laisse goûter la prose de Pierre Veya, à la une du Temps à paraître ce lundi :
« Cette situation est intolérable. L’UDC n’est plus un parti gouvernemental, mais d’opposition. Il doit être traité en tant que tel. Et en tout premier lieu par les milieux économiques, qui doivent cesser de faire alliance avec un partenaire qui viole l’essence même du libéralisme économique. Le système politique suisse est l’équivalent d’un mécanisme d’horlogerie fine; il ne peut supporter plus longtemps le double jeu d’un parti populiste qui fait fi des intérêts stratégiques de ce pays. Un nouvel équilibre politique est nécessaire. Avec cette initiative, l’UDC a franchi une ligne rouge. Ceux qui croient aux vertus du libre-échange doivent se rassembler et faire front contre une forme de national-protectionnisme qui nous mène dans une impasse. Le peuple a tranché, mais il n’a pas (toujours) raison ! ».
Pierre Veya, rédacteur en chef du Temps, journal à vendre à qui voudra bien l’acheter, écrit noir sur blanc qu’il se contrefout de la décision souveraine du peuple et des cantons de ce pays. Il ne cherche en rien à scruter les causes profondes du scrutin. Pire : en appelant le grand patronat, celui qui stipendie son journal, à casser les liens avec le premier parti du pays, il confirme rétrospectivement le rôle joué par « les milieux économiques » pour aider les opposants. « Nous qui sommes du même monde », nous laisse-t-il entendre. Définitivement, il se place au service de l’oligarchie financière, en la pressant de surtout se détourner de ce parti qui a commis l’irréparable péché mortel d’avoir avec lui le peuple de ce pays.
Le Temps nous livre ce lundi matin un éditorial totalement déconnecté du pays réel, d’une hallucinante arrogance. Ses amis apprécieront. Ça tombe bien : le Temps, paraît-il, a tant d’amis, qui lui veulent tant de bien.
Pascal Décaillet, Sur le Vif, 10 février 2014
Merci, Pascal Décaillet, de ces positions transparentes et courageuses vis-à-vis du reste de la profession.
Pourquoi pas rédacteur en chef d’un nouveau titre?
C’est plus de l’amour, c’est de la rage. M. Veya dans son désespoir de ne pouvoir vendre son pays à Bruxelles pour un balle (il peut céder le Temps avec pour le même prix) demeure néanmoins poli.
Il nous traite que de populistes et l’UDC d’un parti d’opposition. Le langage est néanmoins plus courtois et pondéré qu’en France où nous serions 50.3 % de fascistes, d’extrême droite, d’ultra conservateurs cato.
Il faudra néanmoins faire avec la volonté populaire, le cas échéant demander l’asile en France. L’UDC ne pourra rien faire de plus pour vous M. Veya.
Bravo M. Décaillet, j’ai toujours senti que vous souteniez cette initiative tout en gardant votre neutralité envers ceux que vous interviewez ! En tout cas, on aura lancé un signal clair à nos autorités qui n’ont rien fait pour éviter qu’on en arrive là !
Mr. Pierre Veya a sans doute fait ses études en France.
“Le peuple a tranché, mais il n’a pas (toujours) raison ! ” est une rengaine que nous connaissons bien ici. A la différence d’avec la Suisse, en France on ne suit pas l’avis du peuple, en Suisse oui.