Genève s’intéresse au Tessin, et le Tessin s’intéresse à Genève. Avant-hier, je donnais une interview à mes amis du Giornale del Popolo, dont je suis chroniqueur politique depuis des années, sur les possibles similitudes entre les deux cantons dans le vote du 9 février prochain sur l’immigration de masse. Si je prévois un oui très large au Tessin, il me semble tout de même que Genève refusera l’initiative. Et puis, ce matin, très bonne page 3 dans la Tribune de Genève (et 24 Heures), sur la situation du Tessin, soumis à une pression migratoire très violente de la part de la Lombardie : soixante mille frontaliers, soit un travailleur sur quatre, et un taux de chômage de 4,9%. Ça ne vous rappelle rien ?
Le Genevois qui lit cette page 3, il pense à qui ? Aux Tessinois ? Oui, sûrement. Mais évidemment, par effet de miroir, comment pourrait-il ne pas songer à lui-même ? Pression migratoire, frontière, chômage, voilà des mots qui lui parlent. Bien sûr, nous ne votons pas le 9 février sur l’idée de frontière, enfin pas officiellement. Nous votons sur une régulation des flux migratoires. Nous ne votons pas sur les frontaliers, mais bien sur les personnes qui viennent s’établir en Suisse : quelque 80'000 par an depuis l’entrée en vigueur des bilatérales. C’est beaucoup.
Nous ne votons pas sur la frontière, mais le grand retour de cette notion que des générations de libéraux-libertaires, tout occupés à la mondialisation, ont voulu diluer, occupera puissamment les esprits. Oui, le Tessin et Genève figurent dans les cantons exposés. En termes de front, on appelle cela la première ligne. Comme par hasard, c’est au Tessin et à Genève que prospèrent des partis, Lega ou MCG, thématisant la notion de frontière.
Je continue de penser que Genève rejettera l’initiative, et n’émets aucun pronostic sur le résultat final suisse. Parce que notre gauche à nous, avant tout les Verts mais aussi une partie des socialistes, demeure bizarrement acquise au libre-échangisme sans entraves. Que ce principe n’ait enrichi que les plus puissants, généré une sous-enchère éhontée (et qu’ils devraient être les premiers à condamner) ne semble pas les rebuter. Comme s’ils demeuraient envoûtés par un libéralisme qui a fait failite, et dont une partie croissante de la droite se détourne. Au Tessin, on est moins bobo :Verts et socialistes soutiennent l’initiative.
Genève et le Tessin : beaucoup de points communs. Il sera passionnant, au soir du 9 février, d’observer, canton par canton, et même district par district, comment la Suisse aura voté. Genevois et Tessinois seront sous les projecteurs. Comme ils sont, aujourd’hui, en première ligne du front migratoire.
Pascal Décaillet, Sur le Vif, 18 janvier 2014
Era ora!