Alors, oui, si Noël est une naissance symboliquement miraculeuse rêvons d’une réapparition plus nette des repères dont Genève a et aura encore et toujours besoin.
Noël est un repère déterminant, clé de leur foi pour les Chrétiens pratiquants. C’est entendu. Il y a là un mystère qui peut accrocher même ceux pour qui la virginité de Marie et la non paternité de Joseph ne sont pas des articles de foi à prendre à la lettre. On peut croire à la présence divine marquant dès sa naissance un enfant ; lui dont le destin allait exprimer la quintessence de l’amour au cœur d’une humanité constamment agitée de ses démons. Et l’idée de cette naissance aboutissant à une passion rédemptrice pour les hommes, d’où surgit finalement une résurrection, oui cette idée a bouleversé le monde. Elle a aussi déterminé les fondements culturels d’une Société occidentale judéo-chrétienne imprégnée d’hellénisme. Sans négliger les apports et les circuits arabes on peut vraiment conclure que telles sont bien les lignes de force de l’héritage.
On doit également observer dans ce cadre l’histoire et le destin de Genève. Que serait-elle sans l’incroyable place où l’avait projetée la Réforme. Le génie du lieu marque une collectivité même lorsque les données démographiques, sociologiques et religieuses ont considérablement changé. Cela fait des décennies que les Protestants sont à Genève bien moins nombreux que les Catholiques. Et les récentes vagues d’immigration ont amené des Musulmans en nombre. Quant aux Juifs, ils participent de longue date à la vie de la Cité, et souvent avec éclat. Il n’empêche que l’emprunte chrétienne et plus particulièrement protestante dans la trame de l’histoire genevoise appartient, devrait continuer d’appartenir à une mémoire vivante qu’il serait nécessaire d’entretenir.
Or, que voit-on ? Dans maintes écoles, dans maints lieux de réunion on n’ose plus parler de Noël comme tel. Eventuellement on dit fêtes de Noël, mais plutôt fêtes de fin d’année. Dans un précédent blog, m’adressant à la nouvelle cheffe du Département de l’Instruction publique je m’inquiétais du manque de transmission de connaissances sur l’histoire suisse et l’histoire genevoise. Le plus inquiétant est que cette lacune s’appuie souvent sur un argument selon lequel il faudrait prendre en compte l’aspect multiculturel et multi religieux de notre société. Par respect et tolérance en quelque sorte, surfer avec des généralités sur tout cela à l’intention des élèves. En somme s’adresser à une sorte de rassemblement hétérogène dans un lieu qui serait comme hors sol et sans histoire propre.
Savoir quelle est l’histoire d’une Cité, d’un pays où l’on vit, en pleine conscience des apports successifs et de la diversité actuelle, intérioriser les notions de respect mutuel, de tolérance mais sur un socle de connaissance et de reconnaissance d’un héritage qui dessine des contours et des repères pour la vie en commun : Voilà ce qui construit la colonne vertébrale d’une ville, d’un canton, d’un pays. Une collectivité invertébrée et sans mémoire historique peinera à maitriser des tiraillements internes. La connaissance de l’histoire est un élément important du pacte républicain et social.
Revenons à la dimension religieuse. Il n’est pas sans gravité que l’Eglise protestante genevoise soit plongée dans de grosses difficultés ; que des pasteurs ne soient pas remplacés, que des laïques s’improvisent théologiens sans la formation adéquate. Evidemment, l’église protestante doit s’interroger sur elle-même, trouver des responsables ayant le sens de l’entreprise, du management. Et puis trouver des formes nouvelles captant l’attention. Et bien sûr, les citoyens, les familles ont les églises qu’elles méritent. Mais tout se tient. En laissant s’installer trop de distance entre les jeunes et l’histoire de ce coin de terre on rend plus lointaines aussi des églises qui ont la mission d’attirer des fidèles et de leur transmettre la Parole dont elles sont porteuses.
Alors, oui, si Noël est une naissance symboliquement miraculeuse rêvons d’une réapparition plus nette des repères dont Genève a et aura encore et toujours besoin.
Jacques.Simon Eggly, 22 décembre 2013
“L’emprunte chrétienne” pour l’empreinte chrétienne, de Jacques-Simon Eggly, je n’ose le croire…