JURA : et après ?

Dominique Baettig
Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national

 

La dernière distribution de cartes dans la super partie de poker « menteur » s’est terminée sur le statu quo prévisible. Opposition ferme par refus d’entrer en matière, du côté de la population du Jura bernois. Le flirt appuyé du pied et la séduction prometteuse d’un avenir radieux en cas de mariage (vous n’allez quand même pas laisser passer cette occasion, bande de ploucs !) n’ont pas convaincu ni fait envie. Soutien large dans le Canton du Jura, mais avec un bémol de 23,4% de non et une abstention de 23%. Le terme de poker menteur se justifie par la superposition des agendas et les motivations contradictoires des protagonistes jurassiens. Le processus concocté était le fruit d’un travail de compromis et de neutralisation réciproque qui a pris ainsi un coup de ralentissement et de décalage. Ce processus était aussi compliqué, voire flou et incertain sur le plan juridique. Certains y ont vu une chance de reprendre et améliorer le processus historique avorté d’un canton du Jura complet. Il faut l’avouer, aujourd’hui le modèle classique de la souveraineté cantonale est dépassé par l’évolution de l’économie globalisée et la croissance démographique des agglomérations. Le concept de souveraineté nationale ou cantonale est jugé désuet par le centre gauche jurassien qui a mis de côté toute pratique protectionniste et toute référence identitaire. La démocratie directe n’est guère prisée, au détriment d’un étatisme soutenu par un fort clientélisme régionaliste et une culture de l’assistanat. Quant à la défense de la langue française contre la germanisation, elle devient une référence franchement désuète face à la progression du globish (global English) et celle des langues des migrants de plus en plus nombreux. Il est cocasse de lire dans l’article du 28 novembre du QJ, sous la plume d’un socialiste ethniste son constat des progrès de la germanisation rampante. La disparition des entreprises, restaurants, commerces indigènes pour passer en mains migrantes ou étrangères n’est- elle pas plus réelle, plus préoccupante ? Dépassée la gauche « souverainiste » ou devenue politiquement correcte, euro-compatible, adoratrice de la libre circulation ? Le modèle d’un Etat progressiste et ouvert qui aurait apporté, à leur corps défendant, le bonheur à tous ces arriérés germanophones, conservateurs, UDC attachés au modèle politique suisse a fait long feu. Et la chance d’un changement politique intérieur pour le Canton du Jura, par le biais d’une Constituante et de l’apport de sensibilité politique différente, s’éloigne. Les promesses qui ont été faites lors de la campagne pour le 24 novembre devraient dorénavant être tenues par un processus de changement de la Constitution, incluant s’ils le veulent des citoyens de Moutier. Le changement de gouvernance et de culture politique doit continuer à se faire et le rejet par le Parlement jurassien de la proposition UDC d’un cercle électoral unique, l’enterrement d’une commission parlementaire pour la caisse de pension laissent apparaître les vieux réflexes claniques de la classe politique dominante qui reprend sa pratique hégémonique et défend ses intérêts électoraux. Suite à l’échec du processus du 24 novembre qui était aussi un laboratoire d’essai pour tester la faisabilité de remaniement des cantons historiques par les urnes, les pistes qui se dessinent sont la poursuite du processus de création d’un Grand Canton de l’Arc jurassien (irréalisable à court terme) et la création d’agglomérations qui deviennent des poids lourds démographiques et fortes pompes à subventions. Certains appétits de politiciens locaux, à Moutier et à Delémont sont  aiguisés à la création d’un poids économique et financier plus concurrentiel face au canton du Jura et au Jura bernois. La solution communaliste ne sera-t-elle que la perspective de réaliser une agglomération, un plan de carrière pour des systèmes politiques régionaux clientélistes. Un canton doit avoir des racines historiques, servir l’intérêt général et favoriser la démocratie de proximité, à taille humaine. Une agglomération n’est que le résultat d’une urbanisation en croissance et une opportunité de subventionnements. Ne laissons pas faire ce saccage. La démocratie c’est beaucoup mieux que ça…L’Etat sert à protéger contre des concurrences brutales ou déloyales, garantit la souveraineté, sauvegarde la mémoire culturelle et les mythes communs unificateurs, régule les échanges et les mouvements migratoires. Voilà un projet politique et patriotique de collaboration active avec nos voisins et amis bernois francophones.

La réponse institutionnelle globale a été refusée par une des parties. La réconciliation doit se poursuivre et des changements constitutionnels démocratiques se mettre urgemment en œuvre. La parole appartient dorénavant au peuple, mais dans l’intérêt général et le respect de l’autre. Par pour des intérêts particuliers et carriéristes. Pas d’induction de déséquilibre global pour des intérêts micro-régionaux susceptibles d’attiser une guerre civile fratricide alors que l’adversaire est la globalisation.

Dominique Baettig  anc. Conseiller national

 

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