Les grosses ficelles de la SSR

Le 3 novembre prochain, Roger de Weck, directeur général de la SSR, embouchera son clairon pour sonner le début du mois thématique «Die Schweizer – Les Suisses – Gli Svizzeri – Ils Svizzers». Les différentes chaînes de radio, de télévision ainsi que les nombreuses plateformes numériques de la SSR «s’interrogeront sur la création, le présent et le futur de la Suisse et des habitants de ce pays», nous annonce une brochure de la SSR. Tirée à 15 000 exemplaires et sponsorisée par deux entreprises privées, elle n’a rien à envier, par sa débauche tapageuse de couleurs, à un dossier de presse vantant une superproduction hollywoodienne.
Ce dessein relève d’une prétention et d’une vantardise qui prêteraient à rire si l’exercice – dispendieux par ailleurs – n’était financé par la redevance. Que la SSR ait l’arrogance de prendre en otage notre Histoire pour la mettre au service de ses ambitions politiques a toutefois quelque chose d’obscène et de profondément écœurant.

Le 3 novembre prochain, Roger de Weck, directeur général de la SSR, embouchera son clairon pour sonner le début du mois thématique «Die Schweizer - Les Suisses - Gli Svizzeri - Ils Svizzers». Les différentes chaînes de radio, de télévision ainsi que les nombreuses plateformes numériques de la SSR «s’interrogeront sur la création, le présent et le futur de la Suisse et des habitants de ce pays», nous annonce une brochure de la SSR. Tirée à 15 000 exemplaires et sponsorisée par deux entreprises privées, elle n’a rien à envier, par sa débauche tapageuse de couleurs, à un dossier de presse vantant une superproduction hollywoodienne.

RogerdeWeckPalaisféd.

Pièce maîtresse de cette ambitieuse opération aux allures de grandes manœuvres: quatre grands films, «spectaculaires» nous promet-on, retraçant la vie de six illustres hommes suisses (pour les femmes, il faudra repasser, merci pour elles…), tandis qu’un dessin animé historique de 26 épisodes permettra aux plus jeunes de se familiariser avec le passé de la Suisse, ses personnages les plus connus et ses mythes fondateurs.

De prime abord, ce projet devisé à plus de 5 millions de francs ne paraît ni très original (la chaîne allemande ZDF avait lancé «Die Deutschen» en 2008), ni très adroit politiquement (le fait qu’aucune des femmes ayant marqué l’histoire de notre pays n’apparaisse dans les films a suscité une vive émotion au Parlement durant la dernière session). Au-delà de ces considérations, une question s’impose: à qui profite le crime? Car si ce grand projet paraît pétri des meilleures intentions, impossible en effet de ne pas y voir les velléités politiques d’une SSR dont la redevance et l’attitude envahissante dans le paysage médiatique helvétique sont l’objet de critiques grandissantes.

Depuis 2010, la SSR a déclaré la guerre aux médias privés. Son but est clair: elle ambitionne ni plus ni moins de devenir la plus grande entreprise de médias du pays et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Jadis restreinte aux domaines de la radio et de la télévision, la SSR investit désormais l’écrit, en proposant, sur ses plateformes numériques, des contenus qui concurrencent directement l’offre de la presse écrite que la Constitution fédérale lui commande pourtant de respecter. La voracité de la SSR, qui embauche à tour de bras dans ses rédactions online et ses départements multimédias, ne connaît aucune limite, pas même celles que la Concession lui impose pourtant sur ses sites internet depuis mai 2013. La SSR est passée maîtresse dans la politique du fait accompli: elle fonce, s’étend, crée des besoins. Et laisse le soin au politique d’adapter les règles du jeu après coup, généralement au détriment des médias privés.

C’est dans ce contexte tendu qu’il faut replacer le «mois thématique» que la SSR s’apprête à lancer. Pour le diffuseur public, cette initiative sert avant tout de prétexte pour mener une campagne d’image, tambour battant: il cherche à se faire passer, auprès de la classe politique et de l’opinion publique, comme l’indispensable gardien de la cohésion nationale, le seul média légitimé à parler au nom de et pour la population de ce pays, comme s’il incarnait celle-ci. Ce dessein relève d’une prétention et d’une vantardise qui prêteraient à rire si l’exercice – dispendieux par ailleurs – n’était financé par la redevance. Que la SSR ait l’arrogance de prendre en otage notre Histoire pour la mettre au service de ses ambitions politiques a toutefois quelque chose d’obscène et de profondément écœurant.

Source : Daniel Hammer, Secrétaire général de Médias Suisses, Le cercle du MatinDimanche, 27 octobre 2013

 

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