Faut-il fusiller les psychiatres ?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Non, bien sûr, mais suite à l’affaire Adeline, impliquant un récidiviste qui a tué une socio-thérapeute, on sent, dans la population, comme un frémissement porteur de cette question. Cela s’explique par les prestations des psychiatres à la télévision ou à la radio. Ils ne pensent pas, mais circulent à l’intérieur d’un schéma qu’ils considèrent comme incontestable. Ce schéma sous-entend que, grâce à la psychiatrie, il sera bientôt possible de reprogrammer les âmes pour les conduire vers le bien. Et ce schéma n’est jamais remis en question.

 Hélas, doivent-ils admettre, ce schéma n’a pas encore atteint la perfection. En attendant, il faut patienter, jusqu’à ce que la recherche nous mène à une reprogrammation parfaite des âmes égarées. Malheureusement, dans l’intervalle, il y aura des accidents, mais ils ne remettront pas en question ce schéma, c’est-à-dire le noble projet de réinsérer ces âmes dans notre belle et fonctionnelle société. Même les grands criminels apprendront à traverser dans les passages piétons. Ce schéma est à la fois bête et exaspérant.

 

Il est vrai que les pauvres psychiatres n’ont pas le choix et qu’ils suscitent notre compassion. Ils se sont en effet retrouvés, sans très bien s’en rendre compte, à un point charnière. Soit il faut rétablir la peine de mort pour les grands criminels, soit il faut leur faire comprendre nos règles de circulation sociale et les réintégrer. Ceux qui ne comprendront pas ces règles, ceux qui brûleront les feux rouges, il faudra les interner à vie. Et comme l’internement à vie est encore pire que la peine de mort, les psychiatres se retrouvent dans une position stratégique. Soit ils vont mettre au point une thérapie de la réintégration dans la circulation sociale, soit ils échoueront et nous reviendrons à la peine de mort. Celle-ci étant considérée comme une abomination, la pression sur les psychiatres est forte.

 

Mais si nous pouvons compatir avec les psychiatres, cela ne veut pas dire que nous pouvons les excuser. Comment excuser des individus qui se croient capables de manipuler l’âme humaine ? Pour un croyant ce serait un blasphème. Pour un homme de bon sens, c’est peut-être de l’orgueil, mais surtout de la bêtise. Qui peut être assez abruti pour croire qu’il va devenir possible d’orienter les âmes vers la paix, la douceur, une infinie tolérance ? Même Dieu, comme le remarquait Marc Bonnant à la RTS, n’y est pas parvenu.

L’âme humaine est si infinie qu’elle peut ne plus respecter les feux rouges et y prendre plaisir.

 

Quant à ceux qui se demanderaient comment tant de bêtise et d’orgueil sont possibles, il faut, pour leur répondre, se tourner vers Karl Marx. Il a, une fois pour toutes, montré combien le discours des nantis trouve son origine dans les belles boîtes de whiskas qu’ils reçoivent des pouvoirs financiers. Les psychiatres sont des nantis et ils ronronneront dans la bêtise et l’orgueil aussi longtemps qu’on ouvrira ces boîtes pour eux.

 

La question demeure. Faut-il les fusiller ? Non puisqu’alors, on devrait fusiller Bertrand Picard, psychiatre lui aussi. Ce serait bien triste. Mieux vaut espérer que tous ses collègues, eux aussi, fabriqueront un avion solaire qui leur permettra de voler sans bruit tout autour de la planète. Ils feraient beaucoup moins de mal. Même pas du tout.

Jan Marejko, 21 septembre 2013

2 commentaires

  1. Posté par Jan Marejko le

    Yoyo merci pour votre commentaire mesuré. L’être qui m’était le plus cher au monde s’est tué sous mes yeux après avoir été pendant 15 ans aux mains des psychiatres. Je ne leur en veux pas, mais qu’on ne me parle plus d’une science psychiatrique. Ce qui fait un bon psychiatre, ce sont ses qualités humaines. Vous semblez avoir eu de la chance. J’en suis heureux pour vous.

  2. Posté par YOYO le

    Triste parole pour de tristes psychiatres ? Quand vous aurez souffert un jour psychiquement et demandé de l’aide, vous verrez sûrement la psychiatrie autrement…

Et vous, qu'en pensez vous ?

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