Chronique publiée dans le Nouvelliste.
Il y a, en Suisse, au niveau fédéral comme dans la plupart des cantons, trois grands courants politiques : la gauche, la droite PLR et PDC, et puis une autre droite, représentée par l’UDC. Ces trois blocs en ont pour un moment à vivre ensemble : aucun des trois ne va disparaître dans les années qui viennent, tout au plus s’affaissera-t-il lors d’une échéance électorale pour mieux revenir quatre ans plus tard. On sait à quel point cette division en trois doit être infiniment précisée par les nuances internes à chacun des blocs (gauche dure, socialistes, Verts pour les premiers ; droite libérale, républicaine, familiale et sociale pour les deuxièmes ; droite nationale ou populaire pour les troisièmes), mais enfin ces blocs sont bien là, ils constituent notre paysage politique.
Le grand événement, en Suisse, de ces vingt dernières années, est l’émergence et la montée vertigineuse de l’UDC blocherienne. L’ascension fut certes stoppée en 2011, mais tout de même, la masse est là, impressionnante. UDC dans la plupart des cantons, MCG à Genève, Lega au Tessin, il y a dans notre pays, sous des expressions différentes, la place pour des idées conservatrices, sociales, protectionnistes, toutes choses que le dogme libéral récuse et vilipende. Que cela plaise ou non, c’est ainsi : cette autre droite existe, elle est là, structurée sous une même bannière nationale, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans. A cette époque, où je commençais ma carrière au Journal de Genève, cette famille de pensée se retrouvait, en fonction des traditions cantonales, chez les radicaux ou au PDC. Si ces deux partis n’avaient pas, ces trois dernières décennies, laissé filer les ailes conservatrices de leur électorat, l’UDC aujourd’hui n’en serait pas là.
Être conservateur, social, ouvert aux préoccupations des petites gens, sensible à la protection de l’emploi local contre certains effets dévastateurs de la libre circulation, n’a rien de scélérat. Et vous pourrez, tant que vous voudrez, insulter ces compatriotes en les traitant de fascistes ou de xénophobes, rien n’y fera : ils continueront de penser ce qu’ils pensent, rejetant autant le libéralisme de casino et d’enrichissement indécent des uns que le socialisme de nivellement des autres. Ils continueront de plaider pour une agriculture proche des consommateurs, une politique familiale dynamique, un encouragement aux PME plutôt qu’aux multinationales. Et ceux d’entre eux qui estiment, pour l’intérêt supérieur du pays, qu’un minimum de régulation des flux migratoires est nécessaire, vous ne les ferez pas taire en les injuriant. Si vous vous imaginez, partis de gauche ou de la droite PLR-PDC, que le succès de ce troisième bloc est juste une parenthèse, un cauchemar passager, vous vous leurrez : une lame de fond profonde de la politique suisse veut cette révolution conservatrice. Cette dernière ne fait peut-être que commencer.
Pascal Décaillet
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