Obligation de servir. Contraire à l’esprit libéral: et alors?

Pascal Décaillet
Pascal Décaillet
Journaliste et entrepreneur indépendant
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Contraire à “l’esprit libéral”, l’obligation de servir, nous dit dans le Temps un éminent professeur fribourgeois.
Convaincant, sauf lorsqu’il se heurte au tragique de l’Histoire, ou à sa résurgence toujours possible.
Il est donc séduisant et percutant. Sauf sur l’essentiel.

 

Contraire à "l'esprit libéral", l'obligation de servir, nous dit dans le Temps un éminent professeur fribourgeois.

Oui, sans doute contraire à l'esprit libéral.

J'ajoute juste: "Et alors ?".

Au mieux de l'intention de ce professeur, il convaincra quelques libéraux de voter le texte du GSSA, et même cela j'en doute, car libéral, ça n'est pas libertaire.

Mais enfin, soyons fous, et admettons que ce génial professeur réussisse à convaincre tous les libéraux de Suisse.

Il restera une majorité très nette, celle de la votation de septembre, qui montrera son attachement, j'en suis certain, à d'autres valeurs que simplement faire individuellement ce que chacun veut. Libéral, au sens politique, ça n'est pas libertaire, loin de là: tous les grands penseurs libéraux, du moins sur le continent européen, de Tocqueville à Aron, intègrent puissamment la dimension de l'Etat. Et s'expriment, très clairement, sur la part de contrainte qu'implique la vie en collectivité. Je vous renvoie notamment à "L'Ancien Régime et la Révolution", qui n'est pas exactement un traité de bien-vivre sur une plage ensoleillée.

Un État, c'est quelque chose de dur, de régalien. Ca passe par une forme (parfois pénible, avouons-le) de contrainte, on le voit aussi dans la fiscalité. Il est plus agréable d'aller à la mer qu'à l'armée, de garder son argent pour soi que de payer ses impôts. Mais voilà, un Etat, ça passe par des sacrifices. Ca passe par le renoncement au mythe de la totale liberté individuelle. Et la somme de ces renoncements, de ces sacrifices, constitue une part de notre trésor commun. En Suisse, nous avons une chance exceptionnelle: la définition de ces sacrifices, c'est le peuple souverain qui la donne. En cela, fantastique auto-goal, le GSSA permettra sans aucun doute au système de milice, en septembre, de recevoir une piqûre de rappel inespérée en matière de légitimité.

Je crains que cette dimension sacrificielle ait très légèrement échappé à notre très éminent disciple de Milton Friedmann. Il est pourtant assez convaincant, ce professeur fribourgeois, lorsqu'il s'exprime sur les effectifs et la pléthore, par exemple. Convaincant, sauf lorsqu'il se heurte au tragique de l'Histoire, ou à sa résurgence toujours possible.

Il est donc séduisant et percutant. Sauf sur l'essentiel.

Pascal Décaillet


4 commentaires

  1. Posté par Normandy le

    La cohérence ne me semble pas encombrer les propos de M.Reymond. Il fait référence à une armée d’avant l’APG (assurance perte de gain). Dans les années où je l’ai fréquentée, en 1960-1980, je n’ai déjà pas connu une telle caricature, même si les cours de répétition n’étaient effectivement guère enthousiasmants (payer mes impôts m’enthousiasme moins encore, je l’avoue, mais je les juge pourtant nécessaires et plutôt efficaces en Suisse). En tant que sans-grade, j’ai même rencontré des officiers et des sous-officiers intéressants, ouverts, intelligents et cultivés. C’est un des aspects positifs de la milice.

    Je ne vois pas en quoi le passé ainsi évoqué peut être un argument favorable aujourd’hui aux idéologues gauchistes et internationalistes (mais antimondialistes) du GSSA. Eux qui reprochent hypocritement (leur but étant de toute façon la suppression pure et simple de l’armée, selon une conception anarchisante obsolète venue du 19ème siècle), la vision prétendument passéiste et irréaliste de leurs opposants.

    Même si je peux faire la part du second degré, je remarque aussi qu’écrire que “s’il n’y a pas de volontaires, eh bien on ferme la Suisse!”, c’est admettre explicitement que son armée est indispensable à la survie de la nation. Or, comme la grande majorité de la population (qui n’est pas suicidaire), j’aime ce pays, ses valeurs et son système, et je tiens à sa pérennité!

    Sur le fond, je constate bien sûr que les menaces ont en partie changé de nature et que l’ennemi est non seulement plus diffus mais aussi parfois intérieur. Mais ça n’exclut ni l’organisation en milice ni l’obligation de servir. qui pourrait d’ailleurs se moduler.

  2. Posté par G. Vuilliomenet le

    Mais Sasha, je pense que dans votre boule de cristal, vous avez vu que plus jamais il n’y aurait de guerre. 🙂

    Je vous remercie de nous avoir rassuré que désormais le monde vivrait en paix, on vient de trouver des ressources inépuisables de pétrole, qu’en réalité est une ressource dont on ne sait plus que faire, etc…, sans oublier les adeptes d’idéologies totalitaires qui nous font une guerre qui ne dit pas son nom.

  3. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Je me joins à Sasha en approuvant son commentaire. Pascal nous laisse en effet sur notre faim. De plus il pratique la lecture de pensée! Le refus de servir serait exclusivement motivé par une intention libertaire? Monsieur Décaillet y va fort avec les sacrifices, la dimension sacrificielle. A-t-il connu le temps où les patrons ne versaient pas les salaires pendant les périodes de service? A-t-il fait appel au service d’aide au soldat suisse et à sa famille? Et reçu 300 francs pour compenser un montant quadruple? Et ça pourquoi? Pourquoi les aboiements des sous-officiers, les assis-debout-couché? La défense de nos femmes contre des hordes de violeurs…? J’ai entendu ça! Le volontariat? Après tout, pourquoi pas? Dix volontaires valent mieux que cent traîne savates! Et s’il n’y a pas de volontaires? En bien on ferme la Suisse! Ceci dit, je suis contre cette initiative. Résolument. Il est prématuré que je vous dise pourquoi.

  4. Posté par Sasha Edelmann le

    Et vous Pascal Décaillet, vous ne faites que répéter le discours des pro-militaires, inlassablement. Clôturant votre réquisitoire en invoquant la possible résurgence du passé.. Tiens encore une personne qui joue avec la peur des Suisses. Pouvez-vous affirmer que notre armée serait capable d’assurer la défense de notre pays ? Votre réquisitoire est donc en somme toute hyper répétitif et j’espère que les Suissesses et les Suisses se rendront compte à quel point les opposants à l’initiative manquent d’arguments. Mais je vous le demande: Quand est-ce que vous aborderez l’essentiel ?

Et vous, qu'en pensez vous ?

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