Partout, dans la presse, les médias, les débats télévisés, on fait sans cesse référence à la démocratie. Parfois, ce sont des courbettes, parfois des prosternations, et parfois encore un gazouillis insupportable. Difficile de se défaire de l’impression qu’il s’agit de tartuferie. Difficile aussi de ne pas songer aux adulations dont un avenir radieux était l’objet dans les régimes totalitaires. On y parlait d’autant plus de bonheur qu’il n’y en avait plus du tout. Parlerait-on tant de démocratie aujourd’hui parce qu’il n’y en a plus ?
Peut-être, mais il y a une raison encore plus profonde. Rien n’est pire que la décadence : avenir bouché, disparition inexorable de la justice, propos qui cachent la vérité plutôt qu’ils ne la révèlent. Situation si horrible que nombreux ont été ceux qui ont préféré le suicide à une existence misérable. Pourquoi vivre lorsque tout n’est que tartuferie, corruption, insignifiance de l’existence ? Caton d’Utique, Yukio Mishima, Drieu la Rochelle, Stefan Zweig, autant de personnages qui ont préféré la mort à une vie dans un monde qui leur paraissait avoir éliminé la liberté. Il leur semblait que la boue de la décadence pénétrait partout et qu’il n’y avait rien à faire pour la stopper.
Mais il n’y a pas que le suicide. On peut aussi se mettre entre parenthèses dans un monde où il est impossible de vivre. Alors, on accomplit son travail et ses devoirs comme un automate et l’on attend les vacances en essayant de se persuader que sur une plage des Caraïbes, enfin, on pourra jouir de la vie. On se fait touriste. C’est peut-être une sage attitude, car l’impuissance des peuples et des individus à stopper la décadence est frappante. Les meilleures idées et les meilleures âmes ne servent à rien.
Sommes-nous si impuissants ? La démocratie n’est-elle pas l’instrument grâce auquel nous pouvons choisir notre destin, résister à la corruption, à la dépression provoquée par le sentiment de tomber dans la déliquescence comme on tombe dans une crevasse ? Comment ne pas brandir cet instrument, la démocratie donc, lorsque domine ce sentiment ? On comprend qu’innombrables soient ceux qui font des variations sur le thème de la démocratie. Mais ces variations ressemblent de plus en plus à des exorcismes destinés à nous libérer de nos angoisses qu’à une lutte contre la décadence. Dans une certaine mesure, elles cachent les problèmes au lieu de nous aider à les affronter.
De même qu’on ne parle pas de la santé lorsque on l’a, on ne parle pas de la démocratie lorsqu’on en jouit. La Suisse a toujours été le pays où la discrétion était de rigueur. La démocratie y était pratiquée sans qu’on en fît des gazouillis. Ne perdons pas cette tradition.
Jan Marejko
Même en Suisse, certains aimeraient bien limiter notre Démocratie qui est déjà mal en point vu.
Combien d’initiatives ou de projets soumis et acceptés par le Peuple qui dorment dans les tiroirs car nous nous serions liés les pieds et les poings en adhérant à des accords internationaux. C’est sans oublier une des dernières tentatives qui était de créer un Conseil Constitutionnel dont le but était apparemment de museler un certain parti.
Non, en Suisse, notre Démocratie commence à aller mal et il est clair que le Peuple devra être plus attentif que jamais aux dérives totalitaires de ses élus.