Référendum: Suivre la voie suisse !

Christian Vanneste
Président du RPF, député honoraire
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Le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a salué le vote intervenu en Suisse, exprimant son enthousiasme jusqu’à souligner que les Suisses montraient la voie et qu’il fallait s’en inspirer.

Un vaste concert de louanges s’est fait entendre de Bruxelles à Berlin. La technocratie européenne hyper-politiquement correcte a applaudi une initiative du parti UDC, si décrié pour son populisme, d’habitude ! C’est curieux, je n’avais pas l’impression d’avoir entendu la même chanson lors de la votation sur les minarets.

Alors, il faudrait se mettre d’accord : ou l’on considère que le référendum d’initiative populaire est une excellente manifestation de démocratie directe qui permet au peuple d’exprimer sa volonté, ou l’on pense que cette pratique est bonne à condition que la réponse aille dans le sens souhaité par le pouvoir. Ici, il est clair que le fait que les Suisses ont décidé ce que les dirigeants européens n’osent pas faire, alors qu’ils le souhaitent, conduit ceux-ci à approuver le résultat du vote, non le processus suivi. Ceux qui ont imposé les dernières étapes de la construction européenne, en évitant le référendum, ou en contraignant les peuples à revenir sur leurs choix sont toujours aussi hostiles à la démocratie directe et aux partis réputés populistes qui la promeuvent. L’Union Démocratique du Centre, Parti Populaire Suisse dans les cantons alémaniques, a remporté sa première victoire en 1992, avec le refus d’intégrer l'Espace Economique Européen. Depuis, des traités bilatéraux ont été signés, et la Suisse ne semble pas en souffrir, bien au contraire. On voit donc que les deux logiques sont totalement opposées : d’un côté une véritable démocratie qui se donne le temps de laisser parler le peuple et de l’écouter, de l’autre une technocratie arrogante et lointaine qui prétend posséder LA vérité qui, certes, n’est plus religieuse, bien au contraire, mais tombe d’un ciel économique et juridique : l’économie et le droit sont des sciences qui imposent leurs lois à un avenir dont elles disposent. Les peuples n’y entendent rien.

Or, dans les pays européens et en Amérique du Nord, la capacité d’information et de compréhension d’une très grande partie de la population n’est pas éloignée de celle des dirigeants. Le niveau des études, même si l’on s’inquiète à juste titre de leur qualité, y est élevé en moyenne. Des canaux de communication multiples, difficilement contrôlables, permettent à qui veut s’en donner la peine, en laissant son sens critique éveillé, d’obtenir un assez bon niveau de connaissances sur de nombreux sujets. L’interactivité, grâce à Internet, avec une suppression des distances est comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses : trafics, escroqueries, réseaux de terrorisme ou de pornographie, mais elle permet des échanges, des discussions en dehors du contrôle politique des Etats et de l’imprégnation univoque par les grands médias. Ce qui était vrai à l’échelle de la proximité le devient aussi pour un pays. L’expérience de la vie quotidienne personnelle, familiale, professionnelle, associative donne une prise sur le réel plus concrète et plus libre que la perception de responsables politiques, coupés de la réalité par leur idéologie, leur mode de vie différent, voire privilégié dans certains pays, et par l’écran déformant des médias. Les conditions de la Démocratie Directe sont donc remplies.

Jean-Marc Ayrault a raison. La Suisse a montré, depuis longtemps, la voie et d’autres pays ont déjà suivi. Pas la France, et là, Ayrault a tort. La Suisse a rejeté récemment, les six semaines de congé, l’Italie, naguère, l’échelle mobile des salaires, par référendum. Combien de réformes structurelles indispensables auraient pu être débloquées, en France, par le processus référendaire, non pas rare et plébiscitaire, mais régulier et déployé dans le temps, pour que les citoyens qui s’estimeront informés et motivés, puissent le jour venu trancher, quel que soit leur nombre. Les électeurs sont beaucoup plus à même de donner une réponse à une question précise après le temps de la réflexion que de choisir à coup sûr un représentant qui fera ensuite ce qu’il voudra : respectera-t-il son programme ? Votera-t-il en conscience ou selon les intérêts de sa carrière ? En dehors des périodes électorales, écoutera-t-il ses mandants ou la presse ? Tout simplement, sera-t-il honnête ? Une démocratie moderne doit associer, dans un pays comme la France, où le consensus n’est guère possible, une démocratie représentative majoritaire, pour que le gouvernement puisse conduire le pays sur la base d’un choix clair, à une démocratie directe qui la complète et l’équilibre.

En effet, si le gouvernement recule ou au contraire s’il s’écarte de son projet par excès ou par défaut, il faut qu’une pétition suffisamment forte puisse soit déclencher un référendum sur une loi votée, soit en proposer une à laquelle il aurait renoncé ou qu’il n’oserait projeter. J’avais déposé une Proposition de Loi Constitutionnelle en ce sens en Mai 2011. Comme l’ont fait de nombreux Etats américains, une question aussi délicate que celle du mariage entre personnes de même sexe et de l’adoption par ces « couples » devrait à l’évidence faire l’objet d’un référendum, plutôt que d’un vote idéologique imposé par la discipline majoritaire au Parlement. Une minorité est parvenue en raison de son audience médiatique à intégrer une absurdité anthropologique dans l’idéologie socialiste. Alors que par réalisme le gouvernement renonce, par exemple, à sa démagogie en matière de retraites, il maintient son projet de mariage unisexe. Dans le premier cas, il se moque des électeurs qu’il a dupés. Dans le second, du million de manifestants protestant contre la mesure. Dans un cas comme dans l’autre, le référendum ne serait qu’un retour à une démocratie authentique.

Christian Vanneste

Repris de http://www.christianvanneste.fr/

Un commentaire

  1. Posté par Marie-France Oberson le

    Effectivement, si Ayrault et toute la nomenklatura européenne ont encensé la Suisse, c’est parce que l’issue du référendum allait dans leur sens. Imaginons que le “non” l’ait remporté et l’on aurait entendu des critique acerbes sur les Suisses qui ne savent pas voter voire même sur l’opportunité même du référendum.
    Car la notion de démocratie chez nos voisins est à géométrie variable, quand on voit avec quel mépris ont été traités les manifestants pacifiques contre le “mariage pour tous” ( environ 1 million) alors que le tapis rouge est déroulé pour qu’une poignée de casseurs cégétistes ; quand on voit que les mêmes manifestants contre le mariage pour tous, las de n’avoir pas été écoutés ont réussis à déposer une pétition de 700’000 signatures obtenues en un temps record alors que seulement 500’000 étaient nécessaires, on se dit que la vraie démocratie en France et dans le reste de l’UE est une monstre supercherie et qu’on a bien eu raison de rester à l’écart de ce grand “machin”

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