par Geoffroy de Clavière,
Franc parler, pas de langue de bois, les deux chefs de groupes libéraux et radicaux répondent aux questions. A un an d’une échéance électorale cruciale pour Genève, celle de l’élection du Grand Conseil et du Conseil d’Etat, petit tour d’horizon avec deux fortes têtes, très préoccupées par l’avenir de Genève.
Geoffroy de Clavière : Même si les deux groupes restent indépendants au sein du Grand Conseil, comment jugez-vous l’intégration de la fusion par les députés ?
Charles Selleger : Pour moi, c’est d’abord l’évènement le plus marquant de cette législature. Les députés ont parfaitement intégré cette nouvelle réalité, et, malgré les attaques du MCG concernant l’existence des deux groupes, sur le plan institutionnel, et sur la cohésion du groupe, c’est une vraie réussite. Sur le plan pratique, gérer un groupe de 31 députés, n’est pas évident. Le véritable examen de passage ce sera les élections de 2013. C’est là que l’on fera les comptes.
Ivan Slatkine : En ce qui me concerne, mon groupe était un peu plus étoffé (21 députés libéraux pour 11 radicaux) et pas forcément toujours très discipliné mais la fusion s’est parfaitement déroulée. Il n’y a pas de clans anciens libéraux ou anciens radicaux. On avait un peur des divergences de blocs alors qu’il n’y a que des divergences d’opinions que l’on peut retrouver, indépendamment des origines.
GdeC : Quels seront les enjeux de ces élections 2013 avec ce nouveau groupe PLR puisque ce sera une « première » ?
Iv. Slatkine: Demeurer le 1er groupe au Grand Conseil. On pourra affirmer, après l’élection d’Olivier Jornot et celle de Pierre Maudet, que la fusion est une réussite, si nous augmentons le nombre de députés. L’Entente doit absolument regagner une majorité absolue car actuellement nous sommes trop dépendants d’alliances incertaines avec des groupes, soit trop à gauche (Les verts), soit trop à droite (UDC + MCG), et si l’on échoue, on peut craindre une poussée vers la droite dure et donc une instabilité institutionnelle. Le véritable objectif, c’est 35 députés minimum.
Ch. Selleger : L’enjeu pour le PLR c’est de demeurer un parti à vocation gouvernementale. Un parti d’opinion qui doit nous permettre de regagner une partie de l’électorat tenté par les extrêmes populistes. Nous ne pouvons pas accepter que la responsabilité du politique disparaisse au profit du populisme.
GdeC : La sécurité est LE thème récurrent, les citoyens comprennent-ils vraiment comment les responsabilités et les décisions peuvent s’opérer au sein du Gouvernement et du Parlement ?
Ch. Selleger : Le problème de la sécurité à Genève, est celui de la petite délinquance qui pourrit la vie des citoyens, plutôt que celui de la grande délinquance. C’est un distinguo important. Comment lutter contre cette petite délinquance ? Et bien cela ne dépend pas que du nombre de policiers dans la rue mais aussi de la politique générale : comment traiter les petits larcins, la mendicité, les dealers de rue etc… ? Quels sont les moyens que l’on met à disposition et donc, c’est tout le problème du budget de l’Etat qui est sous-jacent.
Iv. Satkine : Il y a un décalage entre les souhaits des citoyens qui attendent des réactions immédiates et le politique qui, par définition, ne peut apporter que des réponses dans le temps. Le PLR possède actuellement deux magistrats très compétents en matière de sécurité (Olivier Jornot & Pierre Maudet). Ils s’entendent bien et ont les cartes en mains pour agir. Concernant la procédure, il est clair que c’est le Parlement qui doit voter les augmentations d’effectifs. Le Gouvernement doit les demander. Puis la police doit les engager, les former et enfin, les envoyer sur le terrain. Tout ce processus prend du temps et est conditionné à une enveloppe budgétaire et celle de la sécurité est la seule qui a fait l’objet d’une augmentation. Nous pratiquons au PLR une politique pragmatique et pas des effets d’annonce démagogique comme quoi on peut résoudre en 45 jours les problèmes de sécurité.
C’est vrai qu’aujourd’hui, les citoyens on besoin de voir la police dans la rue, ont besoin d’obtenir des réponses en appelant le 117, voir que la criminalité transfrontalière ne puisse pas aussi aisément braquer une station service et repartir aussi sec… etc. Mais comme tout, la politique s’inscrit dans la durée et aujourd’hui nous vivons dans une société d’hyperconsommation, d’hyper-immédiateté et les gens veulent tout, tout de suite et c’est pour cela que le discours populiste plaît. Mais il est simpliste et fait croire qu’il va tout résoudre. Les populistes se nourrissent d’ailleurs de ce mécontentement alors que nous au PLR, nous proposons des actions concrètes qui s’inscrivent dans la durée.
GdeC : Quel est le projet de loi dont vous êtes particulièrement satisfaits ?
Iv. Slatkine : Le projet de réorganisation de la police (PHENIX) initié par Isabel Rochat et poursuivi par Pierre Maudet est très, très important car il apporte des solutions de fonds et concrètes. Une police plus efficace avec une vraie présence sur le terrain, mais c’est le Conseil d’Etat qui pilote ce projet. La sécurité est constituée de trois maillons : la police, la justice et le pénitencier et une fluidité entre ces trois éléments doit être trouvée. La nouvelle affectation du crédit d’étude pour la Brenaz 2 qui s’inscrit dans la nouvelle planification pénitencière de Pierre Maudet est très importante. Ca n’est pas très sexy de « vendre » de la prison mais c’est incontournable. Mais le projet phare de cette législature c’est tout de même la fusion des caisses de pensions. C’est un enjeu de 6, voire 11 milliards et les syndicats actuellement jouent avec le feu. Un jeu qui risque de couler Genève.
Ch. Selleger : Pour moi, sur le plan personnel, c’est le contre-projet à l’Initiative 143, qui vise à terme, à fournir suffisamment de crèches aux enfants entre 0 et 4 ans afin de répondre à la demande.
GdeC : Comment voyez-vous le positionnement du PLR dans le cadre de la campagne de l’année prochaine et l’alliance avec le PDC ?
Iv. Slatkine : L’Entente est une alliance gagnante. Les récents évènements le confirment. Le PLR s’inscrit à droite du PDC et nous ne devons pas avoir peur d’aborder les thèmes récurrents de l’extrême droite. Il ne doit pas y avoir de thèmes tabous. Notre approche doit être pragmatique. Parfois avec le PDC nous avons des tensions, des variations de positions mais j’ai toujours eu de bons rapports avec les députés PDC lorsqu’ils se situent au centre droit, ça n’est pas forcément la même chose avec quelqu’un comme Didier Bonny, par exemple, clairement situé au centre gauche. Les candidats PDC déclarés au Conseil d’Etat, par exemple, correspondent bien à notre ligne de partage, celle du centre droit.
Ch. Selleger : Pour moi, je distingue deux niveaux : où l’on se situe sur l’échiquier politique, puis il y a une manière de faire de la politique. Le PDC a parfois, sur des sujets très importants pour nous, modifié sa position et c’est un problème. L’UDC défend des thèses qui sont inacceptables, mais cette formation adopte une ligne claire et sur certains sujets nous pouvons collaborer. Il y a évidemment toujours les problèmes de personnes. On a besoin de s’entendre avec ceux avec qui nous faisons de la politique.
GdeC : Pourquoi le PLR a-t-il refusé le projet de Vélib ?
Ch. Selleger : Personne, dans notre groupe, ne conteste la légitimité d’un tel projet, à savoir : développer la mobilité douce. Maintenant, c’est une question de moyens et de savoir qui met à disposition ces moyens ? La proposition actuelle consiste à financer le projet par la collectivité, donc les citoyens, et je regrette que ce soit toujours la mobilité douce qui bénéficie des financements publics alors que la population souhaite peut-être voir se développer d’autres moyens de transports.
Iv. Slatkine : J’ajoute que tous les projets de Vélib, en France par exemple, sont des projets municipaux. C’est un concept de mobilité de courtes distances et ça n’est pas à l’Etat de le traiter. Ce que l’on peut constater dans ce projet, c’est l’échec de la Ville de Genève qui a été incapable de le concrétiser. Alors le Conseil administratif passe le bébé au canton qui n’a qu’à financer. Mais avec 278 millions de déficits et prêt de 13 milliards de dette c’est inconvenant. Dans l’idéal on veut le Vélib, comme plus de logements et plus de sécurité. Mais ça n’est pas un projet qui doit être piloté par l’Etat mais par les communes. En outre, il semblerait que la technologie choisie est déjà complètement dépassée. Madame Künzler est une Conseillère d’Etat d’un autre temps puisqu’elle souhaite revenir aux chars tirés par des chevaux sur le pont du Mont-Blanc et elle n’a visiblement pas compris qu’il est temps d’adopter une nouvelle manière de penser la mobilité.
GdeC : L’actualité politique, c’est entre autres, le refus du budget par le PLR. Pouvez-vous nous éclairer sur la démarche des députés ?
Iv. Slatkine : D’abord, j’observe que les médias ont stigmatisé notre démarche avec des titres spectaculaires : « Le PLR refuse le budget… ». On est face à une presse de gauche et qui nous attaque en permanence. Nous considérons que dans le contexte actuel, il n’est pas possible, pas raisonnable d’accepter un déficit budgétaire de 278 millions. Ce budget ne présente aucune mesure structurelle touchant au train de vie, au fonctionnement de l’Etat et actuellement nous vivons une crise des dépenses et non des recettes. Un Etat pléthorique qui n’arrête pas d’engager alors que tous nos voisins, même François Hollande, entame des cures d’amaigrissement, ça ne peut plus durer. En refusant le budget le PLR donne un signe fort au Conseil d’Etat qui doit sérieusement réfléchir à la réduction de son fonctionnement. Le nouveau projet de budget qui vient de nous être présenté est certes meilleur de quelques 90 millions que le projet initial mais il s’agit avant tout d’ajustements sur les recettes fiscales. Il est malheureux de constater qu’aucune réflexion n’est faite sur les dépenses et le fonctionnement même de l’Etat. Le frein au déficit n’est pas une fatalité et le paquebot de l’Etat doit en prendre conscience. A nous de voir comment agir pour proposer des solutions que le Conseil d’Etat n’est de toute évidence pas prêt à prendre.
Ch. Selleger : La population aurait sans doute apprécié différemment notre démarche si les médias n’avaient pas « titré » de façon spectaculaire. Le PLR n’est pas contre le budget, il souhaite un budget équilibré. Nous avons pris nos responsabilités. Et nous aurons les résultats escomptés. C’est douloureux mais c’est au Conseil d’Etat de faire les efforts et non à la commission des finances du Grand Conseil. Nos députés ont été unanimes sur ce sujet et c’est un signe important. La fiscalité du canton est la plus lourde de Suisse et nous avons le plus grand nombre de fonctionnaires. En plus de cela, il faudrait accepter de creuser le déficit. 80% du budget de l’Etat est constitué de salaires. C’est inacceptable ! Nos électeurs ne comprendraient pas, à juste titre.
GdeC : Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Iv. Slatkine : Joël Dicker !
Ch. Selleger : Actuellement, je relis « Les liaisons dangereuses ».
Geoffroy de Clavière
Les propos de Messieurs Selleger et Slatkine sont frappés au coin du bon sens.Bravo pour oser prendre des positions qui si elles ne sont pas toujours populaires et comprises par le plus grand nombre sont néanmoins courageuses et nécessaires. J.A.Cramer