Alors, devant l’ampleur du désastre scolaire, on ajoute des directeurs, des doyens, des secrétaires, des intermédiaires hiérarchiques, des maîtres-adjoints: toutes les prothèses usuelles et dispendieuses qui ne font que sceller le terrifiant échec de l’école.
Soyons clairs : l’art d’enseigner n’est pas une science exacte mais un art justement, c’est-à-dire une technique qui dépend de plusieurs facteurs. L’amour de la discipline qu’on enseigne est le premier de ces facteurs, en ce sens que c’est lui qui commande le processus de transmission du savoir. Le professeur veut transmettre ce qu’il aime, il y trouve un plaisir, il existe donc un érotisme dans cette curieuse escrime. La personnalité du professeur, son attention, son enthousiasme, son autorité naturelle, les documents sur lesquels il s’appuie, un sens du contact, de l’humour, etc. sont des facteurs qui viennent se mettre au service de la transmission du savoir. Une alchimie complexe fait que ça marche.
Mais dans cette vision c’est la connaissance à transmettre qui est au centre de l’entreprise scolaire : ce n’est ni l’élève ni le professeur. Or depuis bien des décennies, ceci a été remis en question brutalement. Pour faire simple, voici les quatre axes qui ont ruiné le métier du professeur.
1. L’autorité
Les années soixante ont délégitimé toute autorité. Elles ont sciemment confondu autorité et autoritarisme, et n’ont jamais admis qu’il existait diverses sortes d’autorité. En soi, l’autorité était néfaste (autorité de l’école et autorité à l’école). Le savoir est l’apanage de la bourgeoisie, c’est un instrument de pouvoir fait pour reproduire les élites. On comprend assez vite dès lors la difficulté pour le professeur de transmettre une connaissance et ensuite d’en vouloir vérifier l’acquisition. Donc on va faire découvrir à l’élève ce qu’il lui faut, on va supprimer les «exercices» et les remplacer par des «activités», et on abolit les notes qui évaluent clairement les acquis.
2. Le relativisme culturel
Il n’existe pas de hiérarchies dans la culture humaine. Tout se vaut en matière de valeurs culturelles. Un poème de Hugo ou de Baudelaire est, à part qu’on y constate une meilleure maîtrise de la syntaxe, équivalent à un poème fait en classe. L’amour selon la vision de Racine est une vision parmi d’autres, toutes d’ailleurs aussi importantes, y compris celle des élèves ou du professeur lui-même. L’écrivain ne donne qu’un avis, le sien, parmi d’autres équivalents. Ainsi rabaissé à un simple individu au milieu des autres, à son propos on ne parle que de «textes» et jamais d’ «œuvre», ce qui risquerait de susciter une admiration. Admirer, serait admettre son infériorité! Ce relativisme conduit aussi à refuser de hiérarchiser les disciplines enseignées, toutes égales en dignité et en pouvoir libérateur. Mais ce prétendu combat pour l’ouverture n’est que le lieu commun des esprits courts.
3. L’interdit
En fait interdire, c’est brimer la liberté naturelle. L’individu qu’est l’élève, il n’a pas à l’être, il est déjà tout fait ou presque. Toute correction langagière, par exemple, est de nature à brimer la liberté d’expression. On dit: sa «créativité». Les élèves sont des aventuriers du savoir et il faut les guider, certes, mais jamais les diriger ni les frustrer. Ils ont droit à tout, tout de suite (jouir sans entraves). Ce que l’enfant veut, il doit l’avoir sans délai. Ainsi, scotchés dans un éternel présent, incapables de se projeter vers le futur, les élèves-rois sont amputés de cette dimension projective.
4. Le droit aux études
Ce droit aux études est devenu un droit aux résultats. Quoi que fasse l’élève, ses erreurs, ses échecs ne ressortissent jamais à sa liberté personnelle mais à l’institution qui ne le comprend pas assez bien. Et s’il rate une année, c’est de la faute de l’école qui n’a pas réussi à suffisamment le motiver. Les profs deviennent dans cette vision des motivateurs, des animateurs (tout sauf des transmetteurs de savoir) parce qu’un élève qui s’ennuie en classe, c’est la faute des programmes (toujours surchargés), des profs (toujours trop exigeants), ou des horaires (toujours éprouvants).
A cause de l’échec de cette vision, l’école sombre dans l’insignifiance. Tous les jours un peu plus. Alors l’idée que les profs ne sont pas assez bien formés surgit à périodes régulières sur l’air de «plus les profs seront des pédagogues rompus aux théories dont la principale est le socio-constructivisme, plus les élèves réussiront». A Genève, le fiasco de l’IUFE (Institut universitaire de formation des enseignants) est patent : quatre années pour organiser le vide! Alors, devant l’ampleur du désastre scolaire, on ajoute des directeurs, des doyens, des secrétaires, des intermédiaires hiérarchiques, des maîtres-adjoints: toutes les prothèses usuelles et dispendieuses qui ne font que sceller le terrifiant échec de l’école.
Quant aux maîtres, le plus souvent victimes du système, il convient de les former à leur disciplines d’abord, et pour ce qui est de leur formation pédagogique, il faut l’alléger en mettant l’accent essentiellement sur la pratique : apprendre à tenir la classe, à élaborer l’application du programme, à utiliser les manuels scolaires, etc. L’enseignement est un art, un savoir-faire.
Tout le reste est du remplissage qui s’inscrit dans l’air du temps: on psalmodie au sein de l’église pédagogiste et de ses gourous qu’il faut augmenter la qualité… mais le résultat est l’exact contraire. On veut nous faire croire que le monde s’est compliqué. En réalité, il s’est simplifié et, pour ne pas avoir à l’admettre, on brasse du vent.
Oui, Monsieur Hill, je vous ai lu.
Que l’enseignement soit meilleur ici qu’en Italie, je veux bien le croire : au pays des aveugles les borgnes sont rois.
Les meilleurs quel que soit le système s’en sortiront toujours!
Ayant fait l’école primaire aux USA, l’école secondaire en Italie (maturité scientifique), l’université aux USA (diplôme en math de MIT, doctorat en statistiques de Harvard), j’observe attentivement la scolarité de mes filles (actuellement agées 14 et 18), qui sont scolarisées dans l’école publique genevoise.
D’après mes observations, les commentaires de M. Romain ne correspondent pas à la réalité. Le niveau de l’école publique genevoise et excellente et même meilleure que celle que j’ai connu en Italie en 1965,
J’en tiens pour prouve que mes filles ont appris à écrire l’anglais sans effort particulier de ma part, sauf que je parle anglais à la maison avec elles. C’est à dire, elles ont appris à parler anglais avec moi, mais elles ont appris à lire et à écrire francais à l’école. La méthode utilisée dans l’école publique est tellement bien que cela à suffit pour permettre à mes filles de lire et écrire l’anglais sans cours particulier pour cela.
Il ne faut pas toujours croire que l’école ancien sytle était mieux que celle que nous avons aujourd’hui. Notamment, le niveau de sciences et de mathématique enseigné à mes filles est supérieur à ce que j’avais appris à leur age.
Richard Hill
Richard Hill