Marché de dupes qui pose la question des réelles motivations de Pro Natura qui accepterait de retirer son initiative en cas d’acceptation du contre-projet de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT).
Je commencerais par citer M. Wilhelm Natrup, aménagiste cantonal, Zurich : « Il n’existe pratiquement plus de régions non construites sur le Plateau suisse. Une grande partie du paysage ouvert a été bétonnée. Pourtant, nous avons besoin de ce paysage, non seulement pour jouir de sa beauté mais aussi pour nous y ressourcer. Le paysage est indispensable à la production d’aliments, il abrite la faune et la flore, il nous assure de l’eau propre et de l’air frais. Nous avons besoin de paysages ouverts pour vivre ».
Je poursuis par un extrait du blog du député vert vaudois, Raphaël Mahaim : « En Suisse, 1 m2 de terrain par seconde est classé en zone à bâtir. Le mitage du territoire est alarmant : la sauvegarde des terres agricoles et des paysages est menacée et « l’étalement urbain » engendre une forte croissance des besoins en mobilité individuelle. Il suffit de parcourir le Plateau suisse pour s’en convaincre. Les paysages libres de toute construction deviennent rarissimes ».
Souci légitime
A ce constat que le Plateau suisse est devenu un tapis de maisons individuelles qui déborde et se répand à travers le pays, annulant les frontières entre la ville et la campagne, ajoutez-y le souci légitime de sauvegarder les meilleures terres agricoles qui se situent également sur le plateau suisse, et vous comprendrez les motivations qui ont animés le dépôt de l’initiative de Pro Natura dite pour le paysage.
Pour lutter contre ce mitage excessif du territoire, l’initiative Pro Natura propose d’inscrire dans la Constitution le gel, durant 20 ans, des zones à bâtir, forçant ainsi à densifier et à mieux utiliser les zones à bâtir existantes tout en sauvegardant les meilleures terres agricoles.
Bien qu’elle viole les souverainetés cantonale et communale en matière d’aménagement du territoire et qu’elle nuise à l’économie par sa brutalité et son manque de nuance, cette initiative paraît efficace en matière de lutte contre le mitage du territoire et de sauvegarde des terres agricoles les plus fertiles.
Réserves suffisantes
Toutefois, si les régions périphériques et alpines pouvaient encore s’accommoder, dans la douleur, de ce gel de 20 ans des zones à bâtir, car disposant de réserves suffisantes, les grandes agglomérations du Plateau suisse, qui ont connu un boum de la construction ces 10 dernières années beaucoup plus dynamique que les régions périphériques et qui sont encore aujourd’hui en manque de logements, ne disposent plus de réserves suffisantes de zones à bâtir. L’acceptation par le peuple de l’initiative Pro Natura équivaut, pour ces agglomérations, à un arrêt net de toute croissance économique pour de trop nombreuses années.
Les forces politiques suisses étant ce qu’elles sont, la nouvelle majorité « non-alpine » du Parlement propose un contre-projet qui garantit aux agglomérations du Plateau la poursuite du développement de leurs constructions en maintenant la possibilité, pour chacune de ces communes urbaines, de planifier une réserve de 15 ans de zone à bâtir. En contrepartie, et afin d’obtenir le retrait de l’initiative, le contre-projet introduit la notion de taxe sur la plus-value des terrains mis en zone, la notion d’obligation de construire sur les terrains en zone dans un délai déterminé, et, surtout, le contre-projet introduit le dézonage des réserves dites excédentaires (dépassant les 15 ans de réserve).
Contre-projet
Ce contre-projet est pire que l’initiative car :
- Non seulement il viole les souverainetés cantonales et communales,
- Mais il se trompe volontairement de cible en garantissant aux agglomérations sur l’axe Genève – St-Gall, en passant par Berne et Zurich, 15 ans de réserves. Il permet ainsi la poursuite au même rythme que par le passé, voire à un rythme encore plus rapide, de la construction sur le Plateau suisse au détriment des meilleures terres agricoles, portant ainsi atteinte au principe de souveraineté alimentaire de notre pays. En contrepartie, le contre-projet propose le dézonage de terrains se situant en majorité dans les Alpes, alors qu’il est notoire que les meilleures terres cultivables sont celles du Plateau suisse. Marché de dupes qui pose la question des réelles motivations de Pro Natura qui accepterait de retirer de son initiative en cas d’acceptation du contre-projet de la LAT.
Valais bon élève
En ce qui concerne, plus particulièrement, notre canton (le Valais), nos réserves, soi-disant surdimensionnées de zones à bâtir, s’expliquent par les trois constats suivants :
1.-Le canton du Valais connaît le taux de propriétaires privés le plus élevé de Suisse (61 % des Valaisannes et des Valaisans sont propriétaires de leur logement contre 35 % des Suissesses et Suisses). Il est ainsi le meilleur élève pour répondre dans les faits à l’art. 108 de notre Constitution suisse prônant la propriété privée de son logement et des terrains à bâtir. Cette propriété privée de la terre explique l’attachement du Valaisan à sa terre mais également la gestion de ces terrains à bâtir en termes de générations, ce qui ne s’est jamais accommodé avec le délai de 15 ans de réserve figurant dans la loi en vigueur. En Valais on pense transmission du patrimoine. Dans d’autres cantons où la terre est en main de caisses de pension ou de société immobilière, on pense rentabilité et rapide mise en valeur des terrains en zone, ce qui s’accommode volontiers du délai de 15 ans.
2.- D’autre part, le développement de la construction n’a pas connu dans les territoires alpins l’explosion qu’elle a connue sur le Plateau suisse ces 10 dernières années.
3.- Enfin, le tourisme exige également son lot de terrain à bâtir.
Telles sont les véritables raisons du soi-disant surdimensionnement de nos zones à bâtir et non, comme on l’entend trop souvent, le laxisme de nos autorités. Cette explication est nécessaire car l’on entend trop souvent, à l’intérieur comme à l’extérieur du canton, ce que le député vert vaudois, que j’ai cité plus haut, a écrit sur son blog :« Le Valais a été parmi les plus mauvais élèves pendant des dizaines d’années, en violant au quotidien la loi fédérale avec des classements totalement arbitraires en zone à bâtir. On n’est pas loin d’une république bananière qui cherche désespérément à sauver sa peau face à une nécessaire remise à l’ordre ».
Fédéralisme
Pour ma part, également comme ancien Conseiller d’Etat, je ne prétendrai pas que le canton du Valais et ses communes ont toujours fait tout juste en matière d’aménagement du territoire, mais je m’attends à ce que toute personne, qui porte un jugement sur notre politique d’aménagement du territoire, se documente au préalable sur notre cadre de vie et ses contingences, sur notre histoire et nos traditions, ainsi que sur notre développement socio-économique. C’est aussi cela le fédéralisme. Depuis la votation sur l’initiative WEBER, j’ai la désagréable impression que les Valaisannes et les Valaisans ne sont plus aussi « suisses » qu’auparavant. Il ne s’agit pas de remettre en cause le résultat de la votation, mais de regretter le manque d’intérêt manifesté par nos compatriotes, élus en tête, pour les réels défis posés aux populations des zones périphériques. Ce référendum est une chance que nous devons tous saisir, Confédérés du Plateau comme des Alpes, citoyens des villes comme de la campagne, de ne pas faire des incompris d’aujourd’hui les exclus de demain.
D’autre part, il faut constater que les cantons alpins et périphériques ne sont pas les seuls touchés par cette révision. Ainsi, plus de 18'800 ha de zone à bâtir devront être dézonés en Suisse. A une moyenne de Fr. 100.- le m2, cela représente un coût de 18,8 milliards de francs à la charge des communes touchées. Les surfaces sujettes au dézonage s’élèvent par exemple à 87% des zones à bâtir du Valais, à 79% de celles du Jura, à 63% de celles de Thurgovie, à 69% de celles de Soleure ou encore à 73% de celles du Tessin.
Ce contre-projet agresse la souveraineté cantonale, offense le fédéralisme, spolie le patrimoine des Valaisannes et des Valaisans, endette nos communes, renchérit la terre et nuit gravement à notre économie.
Pour toutes ces raisons, je vous encourage à vous engager personnellement dans la récolte de signatures pour le référendum en cours.
Je suis étonné que cet article plein de bon sens ne soit pas du tout commenté …. certains voudraient peut-être éviter qu’on en parle ?