F-4 prend P-5

Alexandre Vautravers
Alexandre Vautravers
Professeur de Relations internationales Rédacteur en chef de la Revue militaire suisse
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Est-ce le fou qui a pris le pion ? Ou est-ce que le RF-4E turc abattu lundi par la défense sol-air syrienne a pris les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU (P-5) en otage ?

Le 25 juin, entre 11:00 et 11:30, deux RF-4E Phantom II turcs ont accompli au-dessus de Chypre une mission de reconnaissance car la Garde nationale chypriote y accomplit en ce moment des manœuvres sous le nom de code « DIMITRA ». Le RF-4E est un appareil très rapide, non armé, dont la plupart des 35 exemplaires mis en œuvre par la Turquie proviennent des stocks d’occasion de la Luftwaffe liquidés durant les années 1990 (1).

Lors de cette patrouille, un avion de guerre électronique CASA CN-235 était aussi de la partie, chargé d’enregistrer et d’analyser les signaux radars et les communications au sol.

Il est vraisemblable qu’au retour de cette mission, les deux appareils ont longé, voire survolé l’espace aérien syrien. Dans tous les cas, à 12:00 ces deux avions de reconnaissance ont été pris à partie par une batterie de missiles de défense anti-aériens S-300 syriens, mais de fabrication russe. Un appareil a ainsi été abattu, l’autre endommagé.

Dans ce genre d’incident, les distances sont importantes. Les appareils auraient été touchés à 8 miles de la côte syrienne. L’appareil se serait crashé à 13 miles de la côte, en sachant que la limite des eaux territoriales est fixé à… 12 miles nautiques.
La première est de savoir si le système de défense aérien est en mains syriennes, ou si au moins des parties de celui-ci serait en mains d’opérateurs russes (3). Si tel est le cas, quel est le degré d’autonomie de décision des opérateurs ?Le fait que le second appareil ait pu rentrer à sa base, et qu’une opération de sauvetage commune entre les marines syrienne et turque, démontre qu’il s’agit d’un incident et non d’un acte de guerre. Mais cet incident (2) suscite plusieurs questions.

La seconde question posée est celle de la sommation. Dans un pareil cas, à la limite de l’espace aérien, il est véritablement risqué de tirer et de risquer une escalade de la crise politique. On imaginerait plutôt, dans ce scénario, une interception par des chasseurs. Or le jour précédent, un MiG 21 syrien -et son pilote- avaient fait défection vers la Jordanie (4). Et il est probable qu’en pareille circonstance les intercepteurs aient été « gro(u)ndés » pour éviter un nouveau départ et une nouvelle situation embarrassante.

Quoi qu’il en soit, cet incident prend en otage le régime syrien, contraint à une internationalisation de son conflit interne ; il prend en otage les membres de l’OTAN, obligés à manifester leur soutien à la Turquie et à implicitement reconnaître le pays comme partie prenante de la solution politique et militaire, à moyen et à long terme ; enfin il prend en otage le P-5 et le Conseil de sécurité de l’ONU, obligé à accélérer son calendrier de gestion de conflit.

(1)  The Military Balance 2011, International Institute for Strategic Studies (IISS), London, 2011, p. 153.

(2) Alexandre Vautravers, Nicholas Burtscher (Ed.), Political and Military Incidents, Proceedings of the Security Forum 2009, Webster University Press, Geneva, 2010.

(3) http://www.ausairpower.net/APA-Syria-SAM-Deployment.html

(4) http://www.bruxelles2.eu/zones/moyen-orient/avion-turc-abattu-quelques-petites-questions.html

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