Certaines contributions sont tellement chargées de clichés qu’elles en deviennent risibles comme « De la guerre contre soi-même » ou « Pourquoi la guerre », infantile collage de lieux communs psychanalytiques…
« Un homme de théâtre invité en résidence sur un campus universitaire » (sic) a ingénument posé la question « Qu’est-ce que la guerre ? » à des philosophes, neurobiologistes, psychiatres, sociologues, anthropologues, politologues, géographes, historiens de l’art, théologiens, historiens, archéologues, théologiens, poètes-musiciens, étudiants, enseignants, hommes et femmes (Je m’excuse du peu), à l’exclusion d’ailleurs des professionnels de la guerre, les militaires eux-mêmes. Mais quelle ravissante brochette réunie sous la houlette de ce Jean-Michel Potiron dont on ne nous dit pas s’il a été assisté par le général Citrouille et le colonel von Kürbiss. Ce cocktail « tutti frutti » a de quoi surprendre le palais le plus blasé, et le moins délicat, étant l’authentique reflet d’un modernisme de bon aloi, engendré par les cerveaux féconds issus des différentes facultés de cette université de Lausanne dont récemment un de ses historiens proclamait, dans un élan d’enviable modestie, que le Rapport Bergier avait constitué une « révolution copernicienne » qui condamnait tous ceux qui l’avaient critiqué à errer dans les ténèbres médiévales du géocentrisme. En revanche, avec ce Qu’est-ce que la guerre ?, on erre plutôt dans le labyrinthe du bafouillage, de la suffisance creuse, de la flatulence, de l’indigence, de la confusion, de la prétention intellectuelles, si l’on excepte quelques contributions (Kaenel ; Luginbühl) perdues dans cet amoncellement de banalités érigées sur le dogme de la sacro-sainte interdisciplinarité. C’est avec une consternation presque admirative qu’on découvre que « guerre totale » et « guerre absolue » sont, dans la perspective clausewitzienne, exactement la même chose. J’entends le ricanement de feu Hervé Coutau-Bégarie qui, lui, a authentiquement réfléchi à la nature de la guerre et a consacré des lignes assassines à ceux qui entretenaient une telle confusion.
Certaines contributions sont tellement chargées de clichés qu’elles en deviennent risibles comme « De la guerre contre soi-même » ou « Pourquoi la guerre », infantile collage de lieux communs psychanalytiques. Enfin, les éditeurs, dans un louable désir de partage, nous proposent un « montage sonore » qui, près de cent ans après lettrisme et dadaïsme, ne peut que prêter à sourire mais possède au moins le mérite de nous apprendre que « la guerre est un glouglou ». « Zu den Sachen selbst » aimait à proclamer le philosophe Husserl, père de la phénoménologie. Or ces études, en titillant l’accessoire et le contingent, se montrent incapables d’approcher le « phénomène guerre » et l’éditrice Bielman-Sánchez doit reconnaître l’échec de l’entreprise (p. 297), prévisible dans la mesure où trop d’interdisciplinarité finit pas obscurcir et diluer l’objet de la recherche lui-même. En définitive, les participants aux « ateliers » (Ah que j’aime ce terme qui fleure bons les copeaux, la limaille de fer, la colle de menuisier et qui permet à l’intellectuel bien-pensant de se vautrer dans un de ses plus insistants fantasmes : être un travailleur manuel de l’esprit !) n’ont pu s’accorder que sur une fière lapalissade : La guerre est universelle et en relation indissociable avec l’Homme ! Quant au lamento final, il ne pouvait être que ce qu’il est avec ses pieuses espérances, son rêve de transformer la violence en force positive (?), son effort pour l’affaiblir en faisant évoluer la société en la démasculinisant, mesdames Golda Meir, Margaret Thatcher ou Condoleezza Rice nous envoyant le bonjour depuis leurs jardinets belliqueux et nullement masculins…
Yohann Ariffin, Anne Bielman-Sánchez (dir.), Qu’est-ce que la guerre ?, Lausanne, Antipodes-Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012, 325 p.
Ho ! Hola ! Je mets mon casque, ça flingue à tout va ! Tous azimuts qu’elle s’en donne, la Grosse Bertha… Fait pas dans le détail… Les intellos… de gauche ou même pas trop… les intellos mitraillés façon orgues de Staline… les sociologres, les psychologres, les planqués d’artistes dégénérés inutiles, tous ces civils nuisibles quoi… même les légumes, les petits, les gros, les pas mûrs, les fraises aussi s’il osait il les napalmiserait… pas les patates, elles peuvent jouer un rôle éducatif pour ceux de 20 ans… ceux qui en ont… pas les autresses…
– « Suffit ! garde-à-vous dans l’atelier ! Si les maoïstes planqués sous les établis se dénoncent pas, punition collective : lire les œuvres complètes de Guisan en récurant les chiottes! Et puis réciter le « Livre du soldat »… et à l’envers… et à l’endroit… Et puis peler toutes les fraises… qu’est-ce que je dis, chuis trop énervé, moi…»
– « …bon… mon adjudant, ça commence à m’agacer un peu le sein gauche… comme disait les amazones… et la pensée militaire étant – totalement, absolument et même définitivement – à la pensée ce que la cuisine militaire est à la cuisine, je m’en vais jeûner de bon coeur, façon Gandhi… Mes irrespects, mon colon. »
Claude Pahud, Factotum aux Editions Antipodes
Relisant le texte de Monsieur Langendorf, je regrette de ne pouvoir relire le commentaire que je lui ai offert. Le censeur en chef appréciera. Je me souviens d’avoir évoqué l’absurdité de la lutte contre soi-même. Alors qu’il ne s’agit que de trancher! Force m’est de constater qu’il est difficile de trancher dans la mélasse bien-pensante. Et que son opposé, le penseur pluriel, ne sait pas ou trancher! Enfin, ni les uns ni les autres ne discernent le mal dans le bien qu’ils croient faire! Cette remarque étonne? Interloque? Bon, alors faisons une excursion au temps de Noé! En ce temps “toutes les pensées de leurs cœurs étaient entièrement orientées vers le mal”! Dire que tous croient encore que le déluge était une punition! Alors que ce n’était qu’une conséquence! La dissolution dans une commune orientation. Or, de nos jours, de quel bord qu’on se réclame, toutes les intentions sont tournées vers le bien! Laissez-moi vous dire que ça ne laisse rien présager de bon!
Je ne reviens pas sur la relation entre le pain et la guerre, en hébreu! Le pain de vie, de la communion. Les paradoxes que cela implique sont hors de portée de pensée plurielle. Bonne nuit.
Cher Monsieur,
Un grand merci pour cet excellent moment.
Je n’avais pas du tout entendu parler de ce bouquin. Mais l’humour ravageur et sans pitié du Professeur Langendorf me donnerait presque envie de m’infliger cette lecture, histoire d’en rire et de me gausser avec lui de tant de fatuité.
Un grand merci pour cet article délectable, avec un point bonus pour l’hommage rendu aux trois femmes d’Etat mentionnées en conclusion.
“La guerre est universelle et en relation indissociable avec l’Homme !”
Il faut avoir fait de longues études et avoir un QI supérieur à la moyenne pour pouvoir sortir une c******* pareille que vous nommez aimablement “lapalissade”, Monsieur Langendorf !
Merci Monsieur de dénoncer avec talent la bêtise humaine …si indissociable du milieu de la bienpensance .