La seule préoccupation de tous et de chacun se réduit très vite à la question de «recevoir» et on se désintéresse même du reste de l’activité étatique…
Quand donc tordra-t-on le cou à cette idée marxiste selon laquelle le rôle de l’Etat c’est de redistribuer les richesses, donc que l’impôt a pour but et fonction cette re-distribution ?
Cette idée fausse a été exprimée à plusieurs reprises pendant la campagne présidentielle française par les candidats de gauche. Elle vient d’être attribuée, en tant que citation, par Le Temps des 2/3 juin à Mme Anne Emery-Torracinta, candidate socialiste à l’élection complémentaire au Conseil d’Etat genevois, qui aurait dit : « C’est vrai, je crois à l’Etat qui redistribue ».
Eh bien non! L’Etat n’a pas pour rôle de redistribuer la richesse qui n’est au demeurant pas la sienne, mais celle de l’ensemble de la population. Dans une démocratie comme la nôtre, notamment – jusqu’à quand le restera-t-elle avec une gauche qui deviendrait majoritaire? – l’Etat a pour rôle d’exécuter les tâches que les citoyens lui ont confiées dans la constitution et dans les lois. Pour exécuter ces tâches, il a le droit de lever des impôts – impôts souvent votés par les citoyens -, d’exiger des taxes, etc… Mais cette récolte de richesses qu’il opère n’a pas d’autre raison d’être que de lui permettre d’accomplir – aussi correctement et honnêtement que possible – ses devoirs spécifiques. Parmi ces devoirs, il y a entre autres la formation scolaire et professionnelle, le développement des infra-structures, l’organisation judiciaire et sécuritaire, les assurances et l’assistance sociales. Par la combinaison des décisions de l’exécutif, du parlement, et parfois du peuple par le référendum ou l’initiative, l’Etat se voit obligé de gérer au mieux les fonds publics de manière à atteindre le meilleur résultat possible. Quand l’Etat «subventionne», il utilise le moyen de l’argent à sa disposition pour soutenir telle ou telle activité conformément à la volonté citoyenne, il ne fait preuve d’aucune générosité, il gère, il ne distribue pas.
Certes, les citoyens peuvent, en tout temps, modifier constitution et lois et décider de transformer les devoirs de l’Etat, voire de limiter le rôle de l’Etat à une distribution de richesses. Mais ce n’est pas le système actuel de notre société. C’est en revanche celui de régimes autoritaires dans lesquels l’Etat a d’ailleurs intérêt à s’attacher, par des redistributions, des pans de la population. La décadence romaine offrait au peuple du pain et des jeux pour qu’il se tienne tranquille. C’était un vrai rôle de distribution.
Lorsque l’Etat a pour fonction de redistribuer les richesses, il est placé devant la grande tentation de s’acheter les bonnes grâces des assistés qui apprennent très vite à tendre la main et ne se préoccupent bientôt plus que de recevoir ce dont ils ont besoin ou ce à quoi ils croient avoir droit. Ils se désintéressent de la provenance de ces richesses et se déresponsabilisent. On a vu les résultats catastrophiques, tant économiques que sociaux voire moraux dans les pays communistes. La seule préoccupation de tous et de chacun se réduit très vite à la question de « recevoir » et on se désintéresse même du reste de l’activité étatique, ce qui laisse les mains libres aux potentats.
Si l’on veut assurer la vitalité de la démocratie, il faut que les citoyens puissent avoir la possibilité, par leurs décisions, de déterminer les tâches de l’Etat et les montants financiers qu’ils mettent à sa disposition pour l’accomplissement de ces tâches.
Quand le credo d’un canditat à l’exécutif c’est le rôle de « redistributeur » de l’Etat, on ne peut que présager le pire pour ses administrés.
Je suis jeune mais nostalgique que je lis vos écritures Mme Sandoz ! On se rend compte malheureusement que la droite néo-libérale comme on l’aime disparait de notre parlement….
D’accord avec Jacky Brouze mais pas du tout avec Zeki Ergas. Sa vision d’une “société du bonheur” est absolument horrifiante. Tout dans ce qu’il écrit est d’ailleurs profondément contestable.
Le modèle des états-providences scandinaves n’a été possible un temps que grâce à un enrichissement résultant de leur économie… de marché (qu’on qualifie aujourd’hui à tort et à travers de “capitaliste”) et à la forte croissance qu’elle a engendrée. Ce modèle de société est aujourd’hui plus que remis en question, à mesure que s’éloignent les “trente glorieuses” d’après-guerre.
Le concept de “bonheur intérieur brut” et tout ce qui s’y rapporte, bien qu’à la mode ou précisément à cause de cela, est aussi inepte qu’arbitraire. Il est vrai qu’étant arbitraire il ne peut qu’être décrété par l’état, de préférence de type centralisme démocratique. L’état ne peut en aucun cas “assurer le bonheur de la population”. Il ne peut qu’en imposer une représentation. Je ferai en plus remarquer que “bien-être” n’a jamais signifié “bonheur”. Voilà des termes bien flous et déplacés dans ce thème de l’état redistributeur.
La trilogie “liberté, égalité, justice” me semble un peu courte, faute de définition des termes et en l’absence d’autres “valeurs fondamentales” comme, par exemple, la sécurité intérieure et extérieure, fonction généralement considérée comme régalienne. A moins que des trois “valeurs fondamentales” découlent forcément la paix universelle et l’amour entre tous les humains, individuellement et collectivement?
Quant à prétendre que “c’est le New Deal qui a sauvé l’Amérique”, c’est un autre mythe. Cette politique de grands travaux a certes occupé des chômeurs mais c’est en réalité la 2ème guerre mondiale qui a mis fin à la grande crise, et l’après-guerre (plan Marshall, occupation du Japon notamment, en élargissant et en mondialisant les économies) qui a provoqué plusieurs décennies de forte croissance, d’innovations technologiques, de progrès social et d’explosion démographique.
L’utopie d’Isaiah Berlin (que je confesse ne pas connaître), telle qu’elle est exposée ici, relève du “tout, tout de suite” de mai 68 et, par conséquent, du jardin d’Eden! En effet, pour faire le bonheur de tout le peuple (encore un concept aussi flou que galvaudé) et donc pour répondre aux désirs de chacun, tout en s’épargnant un système où l’état déciderait quels besoins sont à satisfaire, dans quelle mesure et comment, il faudrait que tout soit à disposition à tout moment. Bref, fin de l’économie (gestion des biens rares) et retour au paradis terrestre pour 7 (et bientôt 9) milliards d’individus assoiffés de bonheur et de bien-être!
Bonjour Monsieur Jacky Brouze.
Je vous apporte des informations importantes. Au lieu de répondre, vous ne faites que répéter les positions de Madame Sandoz. Les inégalités et les injustices sociales s’accroissent rapidement dans le monde et les Etats et les gouvenements qui représentent le peuple doivent corriger les imperfections du marché. Ainsi que le président Kennedy l’avait affirmé en 1962: Ceux qui empêchent une révolution pacifique rendent une révolution violente inévitable.
Bonjour Monsieur Zeki Ergas,
Vous déclarez “Je pense que le rôle, la responsabilité du gouvernement est d’assurer le bien-être, le bonheur de la population.” !!!
Je ne suis pas d’accord avec vous, surtout avec le verbe “assurer”. Je ne veux en aucun cas que le gouvernement “assure” mon bien-être et mon bonheur (quelle horreur !!!).
Par contre on pourrait postuler que son rôle est de créer et entretenir les conditions optimales dans lesquelles les citoyens peuvent créer leur propre bien-être et leur propre bonheur, et c’est complètement différent.
Si l’Etat doit assurer bien-être et bonheur, alors je n’ai plus rien d’autre à faire que réclamer, réclamer et encore réclamer. Ce sont les affirmations comme la vôtre qui font de nous des être assistés, sans initiatives ni responsabilités, laminés par la bienpensance et la pensée unique que nous distillent nos médias. Ah le beau projet de société que voilà ! Il n’y aura même plus besoin de réfléchir puisque le gouvernement “assurera” à notre place.
Passez une bonne journée pluvieuse (mais quand donc le gouvernement s’occupera-t-il enfin de nous assurer le beau temps ?)
Je ne suis pas du tout d’accord avec Suzette Sandoz pour de nombreuses raisons.
Je pense que le rôle, la responsabilité du gouvernement est d’assurer le bien-être, le bonheur de la population. C’est ce que font les pays scandinaves, par exemple, qui sont des welfare societies (sociétés du bien-être). Et c’est la raison pour laquelle ces pays sont au sommet du classement du World Happiness Report (Rapport Mondial du Bonheur) dont le responsable principal est Jeffrey Sachs, Directeur du Earth Institute (Institut de la Terre) de la Columbia University de New York. À l’autre extrême, nous trouvons les Etats Unis où la démocratie a été accaparée par les milliardaires et leurs alliés et transformée en plutocratie. Les inégalités sont criantes et deviennent de plus en graves. Les politiciens sont tous achetés par l’argent. Plusieurs milliards de dollars seront dépensés dans la campagne de l’élection présidentielle. Les Républicains ont l’avantage, mais, en réalité, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. D’après Isaiah Berlin, dans une société saine et harmonieuse, une combinaison optimale doit être trouvée entre trois valeurs fondamentales: liberté, égalité et justice. L’économie de marché axée sur le profit n’est pas capables de la réaliser, c’est seulement l’Etat qui peut le faire. Pendant la grande dépression aux Etats Unis, c’est le New Deal du Président Roosevelt qui a sauvé l’Amérique…
Le mouvement socialiste a-t-il encore des raisons d’exister? N’a-t-il pas épuiser sa raison d’être avec l’assouvissement graduel des demandes faites par les moins favorisés depuis le XIXème siècle? Le néo-libéralsime pur et dur n’a plus de soutien sous nos latitudes.
Dans l’optique d’un entrepreneur du début du XXème siècle, notre société est probablement bien plus sociale qu’il ne l’aurait jamais craint et pour un ouvrier qu’il l’aurait rêvé. Jusqu’où pourra-t-on encore aller dans le sens de la socialisation? La réponse est maintenant apportée par des solutions qualitatives et non quantitatives. Sauf à contester les règles élémentaires de l’économie, il n’a plus grand chose à faire dans l’amélioration structurelle du soutien social par l’état. On apprend d’ailleurs quotidiennement qu’on en a probablement déjà trop fait. Les générations futures auront raison de nous en vouloir. Madame Emery-Torracinta, malgré ses indéniables qualités, représentent une approche désuète des solutions à apporter aux problèmes de société. La Suisse ne peut plus se l’offrir!
Elle est là http://www.sebug.ch/photos/make_love.jpg. Effectivement ça rappelle le “laissez-nous la politique” des années paradisiaques de derrière le Mur…
«.. C’est vrai, je crois à l’État qui redistribue… » L’État dont il est ici question est une fiction utile, ce n’est qu’un paravent commode, à l’abri duquel se dissimulent des groupes d’influence, ceux-là seuls qui sont à même, en usant et abusant, de dissiper à loisir les ressources fiscales; parler de redistribution sert à évoquer en arrière-plan psychologique la générosité du mécène, qui dispense sur ses deniers, alors que les groupes de pression qui votent les subventions, les subsides ne pratiquent qu’un vulgaire et très intéressé clientélisme; comme en France, le changement de camp n’entraîne nullement un changement de moeurs, on s’adresser seulement à une autre clientèle; insoucieuse de l’effort qui crée les richesses, Mme Emery-Torracinta sait parfaitement à qui sont destinés ses propos, très attendus par ses électeurs-clients qui les ont parfaitement compris; elle confirme l’existence et le fonctionnement clientéliste de son parti; cette forme dévoyée de la citoyenneté, relation parfaitement féodale, archaïque, et donc parfaitement anti-démocratique, doit être condamnée et bannie de nos pratiques politiques; non inscrite dans nos textes fondamentaux, elle viole l’esprit de notre Constitution; le citoyen est un électeur, non pas un agent électoral stipendié; par sa vision, Mme Emery-Torracinta s’inscrit parfaitement dans la droite ligne électoraliste de son compère Hollande, dont les partisans attendent tout, et qui leur donnera les jeux mais non le pain.
Une fois de plus je vous dis bravo! Madame Sandoz. Un fait illustre brillamment votre propos. Les Genevois se prononcent prochainement sur une initiative qui exige des crèches pour tous les enfants. À ce propos je résume, à défaut de la photo, l’affiche des jeunes socialistes: “Faites l’amour, on s’occupe du reste”. ON est vraiment généreux.