Depuis la reconnaissance du droit d’initiative en 1891, une foule de projets a été présentée. Ils ont pour point commun d’offrir plus d’inconvénients que d’avantages.
L’initiative populaire dérange. Aussi continue-t-elle de susciter les critiques et les controverses. Celles-ci portent tantôt sur l’institution elle-même, dont le rôle et la fonction sont souvent mal compris, tantôt sur la forme et le traitement des textes déposés, qui provoquent des mécontentements parfois injustifiés.
- Prise pour elle-même, l’initiative en matière fédérale a sa valeur propre et ses limites naturelles. Dès lors qu’elle a et doit avoir pour objet un article constitutionnel, elle occupe, si elle est acceptée, le même rang que les autres articles de la loi fondamentale. Cette particularité entraîne plusieurs conséquences. D’abord, elle conduit à penser que l’initiative est valable, même quand elle se heurte à des engagements internationaux, sauf s’ils sont de droit impératif. Telle est la logique de notre Constitution, qui établit la hiérarchie des normes en fonction du contrôle populaire auquel elles sont soumises. Par exemple, il serait incohérent de considérer qu’une initiative populaire, subordonnée à un vote majoritaire du peuple et des cantons, pourrait être contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, qui fut approuvée par les Chambres fédérales sans aucune possibilité de référendum, ni obligatoire, ni facultatif. Raisonner autrement serait renverser les institutions.
Dans l’ordre interne, puisque la demande populaire doit prendre place parmi les dispositions constitutionnelles, sa validité ne saurait être contestée par quiconque ni par le Parlement, ni par un juge, pour des motifs tenant au fond des choses. Seule la forme peut et doit faire l’objet d’un examen, et c’est ici que des difficultés apparaissent de plus en plus fréquemment.
- La forme et le traitement de l’initiative fédérale découlent nécessairement de sa fonction institutionnelle. Dès lors qu’elle doit se présenter comme un article constitutionnel, elle pose nécessairement des principes, qui, sauf exceptions, ne sont pas immédiatement applicables et doivent encore être mis en œuvre par la loi. Elle doit donc être suffisamment précise pour être comprise de chacun, mais aussi assez générale pour que le législateur conserve une certaine marge de manœuvre. Sur ce dernier point, des abus ont été constatés: par exemple, l’initiative qui tendait à réviser directement la loi sur l’assurance maladie dénaturait l’institution en transformant l’initiative constitutionnelle en une sorte d’initiative législative déguisée. A l’inverse, il arrive que l’on reproche au texte de comporter des notions trop vagues et de prêter ainsi aux interprétations les plus diverses; cette critique porte le plus souvent à faux, car elle méconnaît les singularités propres à tout texte constitutionnel, qui comporte nécessairement des concepts juridiques indéterminés, dont le sens doit être fixé par la loi et surtout par la jurisprudence; la Constitution fédérale contient déjà un grand nombre de notions de ce genre, comme la dignité humaine, la bonne foi, la sphère privée, ou encore l’art. Par exemple, l’initiative sur la limitation des constructions de résidences secondaires suppose évidemment que cette dernière expression soit définie par le législateur, puis appliquée par les tribunaux; mais ce n’est pas une raison suffisante pour dire que le texte est inapplicable, bien au contraire. Lorsque le Conseil fédéral et les Chambres élaborent les règles d’exécution, ils doivent évidemment tenir compte, suivant les méthodes habituelles d’interprétation de la Constitution, de la volonté historique des auteurs du texte, c’est-à-dire en l’occurrence des initiateurs. Il est donc normal et même indispensable que ces derniers soient invités à préciser le sens qu’ils attribuent à leur texte; leurs intentions ne sont évidemment pas déterminantes, mais leur opinion, telle qu’elle s’est exprimée notamment avant le scrutin et a pu influencer les électeurs, doit être prise en compte.
En conclusion, malgré les difficultés qu’elle engendre, l’initiative populaire demeure le pilier principal de la démocratie semi-directe, telle que nous la concevons en Suisse. Elle est l’arme nécessaire à la protection des minorités et l’instrument qui permet à des groupes parfois isolés de s’exprimer et de défendre leur point de vue. A ce titre, elle apparaît aussi comme un élément crucial de la liberté, que le juge n’est pas toujours à même de préserver. Elle place sur le terrain politique des problèmes que les autorités élues éludent et contribue à renforcer le débat démocratique. Il est vrai qu’elle complique la tâche des organes représentatifs et qu’elle n’est pas toujours facile à concrétiser. Quoiqu’il en soit, la loi d’exécution est subordonnée au référendum facultatif, qui garantit un contrôle populaire du respect de l’initiative. Sur ce dernier point, l’idée récemment émise de soumettre à un referendum législatif obligatoire les règles d’exécution de l’initiative paraît intéressante, mais peu judicieuse, pour une raison simple: elle reviendrait à créer une nouvelle catégorie de loi, dont le rang s’intercalerait entre celui de la Constitution et celui de la loi ordinaire, suivant notre système de hiérarchie des normes; or on ne voit pas pourquoi les lois qui mettent en œuvre une initiative populaire devraient prendre rang au dessus des lois fondées sur les autres dispositions de la Constitution fédérale. En définitive, les critiques qui s’adressent au système ou les propositions de réforme ne paraissent pas plus fondées les unes que les autres. Depuis la reconnaissance du droit d’initiative en 1891, une foule de projets on été présentés. Ils ont pour point commun d’offrir plus d’inconvénients que d’avantages.
Bis repetita..
…Il n’y pas dans la constitution de hiérarchie des pouvoirs, comme le voudrait notre Solon moderne: il y a un souverain, le peuple auquel tous les pouvoirs sont soumis; pas plus les juges, que les parlementaires ne sont habilités à en remontrer au peuple, hors leurs compétences; donc aucune raison de voir un aréopage de juges, comment désignés (?), pour qualifier ou disqualifier une initiative au-dessus du souverain; dire “..Il s’agit cependant d’un abus du droit d’initiative..” serait à mon avis reprendre la recette léniniste: “Le peuple est souverain, mais lorsque le peuple se trompe, alors le parti communiste a le devoir de guider le peuple dans la ligne du parti.” ce qui n’est pas, je crois, dans l’esprit de notre démocratie! “Le référendum obligatoire sur les lois d’application des articles constitutionnels..” alourdirait pour de bon l’arsenal juridique dans les mains du peuple et constituerait une guillotine à toute initiative acceptée d’abord et qu’on pourrait s’amuser à rejeter en y regardant de plus près; absurde et contradictoire, proposer au peuple de refuser ce qu’il aurait d’abord accueilli majoritairement est un bon moyen de tuer le droit d’initiative lui-même en contestant d’avance l’application du texte adopté; la mise en application est le travail des parlementaires et les oblige à respecter l’esprit et la lettre de l’initiative, rien que de naturel…. Cette dissertation de circonstance ne vaut, je pense, que dans le cas où une initiative n’aurait pas eu l’agrément de notre auteur; mais je doute qu’il maintienne sa démonstration dans le cas contraire. It’s kind of fun, isn’t it?
Il faut préciser que ce sont les projets de réforme qui ne sont pas judicieux, le système actuel étant bon.
Il y a un lien logique entre le référendum et l’initiative. Un texte qui est soustrait au référendum ne peut pas être invoqué pour contester le validité de l’initiative.
La possibilité d’un contre-projet existe toujours (article 139 de la Constitution) seules les modalités de vote ont été modifiées.
Bonjour,
J’ai bien du mal avec votre article, notamment sur la formulation du dernier paragraphe:
“En définitive, les critiques qui s’adressent au système ou les propositions de réforme ne paraissent pas plus fondées les unes que les autres. Depuis la reconnaissance du droit d’initiative en 1891, une foule de projets on été présentés. Ils ont pour point commun d’offrir plus d’inconvénients que d’avantages.”
Que critiquez-vous sur le fond? Les réformes sur les initiatives populaires ou les initiatives populaires en elles-mêmes? L’avant-dernière phrase de votre texte joue sur une pérennité du système. Mais la dernière semble pointer du doigt les inconvénients qui découlent de ces initiatives. Plus exactement, c’est le terme “une foule de projets” qui me pose problème. Foule de projets… d’initiatives ou de réformes sur ces initiatives? En toute logique, en juxtaposant le titre de votre article, ce serait plutôt contre une modification du cadre de ces initiatives.
Merci par avance de votre réponse.
@ Ruopp
C’est précisément ce que dit Mr. le profel Grisel. Vous lui faites un faux procès d’intention.
Par contre, Mr. Grisel, pourriez-vous nous rappeler les mécanismes (supprimés dans les années 80 je crois) qui prévoiaient que le Conseil fédéral pouvait proposer un contre-projet à une initiative et la règle qui faisait que les initiatives avaient beaucoup moins de chance de succès qu’aujourd’hui ?
Avant de se poser pleins problèmes, ne serait-il pas simplement plus simple de revenir au mécanisme originel ?
Cher monsieur,
Dans ce point précis je ne suis pas d’accord avec vous car en dernière instance il faut se rappeler que c’est le SOUVERAIN qu’a approuvé la Constitution, c’est ce même souverain qu’a élu les chambres et vous dites qu’il n’a pas le droit de désavouer ces derniers ?
Rien dit que le Souverain n’a pas le droit de désavouer les chambres par le biais d’une initiative populaire, les règles pour proposer une initiative populaire sont bien claires et tout le reste n’est que de la désinformation.
Mais je comprends que cela ne plait pas à tout le monde, surtout à la gauche.