Heureusement il y a Standard & Poor’s

Pierre Kunz
Pierre Kunz
Ancien député PLR, Genève
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On le sait, la nature a horreur du vide. Or nous avons connu pendant des décennies un vide absolu s’agissant de l’information sérieuse relative à la santé des collectivités publiques dans le monde occidental.

Oublieux d’un passé pourtant pas si éloigné, animés par la foi du charbonnier, aveuglés par les discours lénifiants de leurs gouvernants, les épargnants et les opérateurs financiers avaient acquis une fois pour toutes la certitude que les emprunts des Etats étaient sûrs puisque, comme on l’affirmait péremptoirement il y a encore quelques années «les Etats sont pérennes».

Conséquences de la globalisation des échanges et du laxisme affiché par le monde politique occidental, les troubles économiques et financiers de ce début de siècle ont bouleversé la donne. Ils ont en particulier ouvert une voie royale à Standard & Poor’s, Fitch et consorts qui, fortes de leur expérience dans le secteur privé, attendaient patiemment le moment où elles pourraient développer leurs activités dans la niche extrêmement lucrative de la notation des Etats.

S’appuyant sur des réalités et des chiffres difficilement contestables elles se manifestent depuis peu dans un rôle d’arbitre voire de père fouettard extrêmement dérangeant et que personne n’attendait il y a cinq ans encore.

Cette arrivée tonitruante des agences de notation dans le « tran-tran » politique et financier occidental est saine même si elle est bien sûr perçue avec embarras par les gouvernements. Ceux-ci se trouvent soudainement confrontés, des deux côtés de l’Atlantique, à la mise en pleine lumière de leur conduite irresponsable des finances publiques et des jeux politiques malsains auxquels ils se sont livrés si longtemps sans coups férir. Et sous la pression des notes, plus souvent mauvaises que satisfaisantes, décernées par les agences ils sont forcés de remettre de l’ordre dans les ménages publics, plus exactement de présenter aux citoyens la facture de la démagogie et de l’impéritie qui ont prévalu depuis les années 1980 et qui ont conduit à l’endettement massif des collectivités publiques occidentales.

Evidemment, ce passage à Canossa est extrêmement désagréable pour la classe politique « régnante », particulièrement là où elle se trouve en phase électorale. Le moment est de surcroît très douloureux pour les peuples, en particulier lorsque les excès ont été profonds et durable. Mais aux yeux des défenseurs de la démocratie et de l’économie de marché l’irruption des agences de notation sur le devant de la scène constitue une nouvelle illustration de la résilience du système économique libéral. Un système capable de secréter régulièrement les antidotes à ses dérives, en l’occurrence les agences de notation.

Des dérives qui, si les hommes et les femmes qui nous gouvernent étaient conduits exclusivement par le sens du devoir, la raison et l’éthique, seraient étouffées dans l’œuf par la prise des décisions et des mesures appropriées à l’intérêt bien compris des populations. Car les soi-disant « Diktats » des multinationales, des bourses et des financiers sont une fiction.

La démocratie, lorsqu’elle n’est pas dévoyée en démagogie et en populisme, est plus forte que les marchés.

4 commentaires

  1. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Réservant à plus tard la lecture attentive de l’article je me contente d’en commenter le titre. La nature à horreur du vide! La nature? Ne serait-ce pas l’homme qui a horreur du vide? De l’absence de parole et d’événement! Ce que traduit bien le mot désignant le désert en hébreu! Serait-ce la nature qui a fabriqué le veau d’or? Il est vrai que l’on peut opposer à ce qui ressort de l’homme l’exemple du déluge. La nature comble tous les vides jusqu’à noyer toute l’humanité. Mais il se peut que nous faisions une distinction arbitraire de la cause et de l’effet! Car, je vous prie d’en juger, n’est-il pas possible que la dissolution des différences dans le même soit la cause de la noyade de toute individualité? Ce qui invite à revisiter la démarche de Noé! Et aussi à nous interroger sur la différences de paradigmes entre son époque et la notre! Du temps de Noé, “toutes leurs pensées étaient orientées vers le mal (je le dis de mémoire)”! Mais aujourd’hui, toutes nos pensées ne sont-elles pas focalisées sur le bien? La paix! Mais ce n’est pas tout! Puisque j’évoque Noé et son arche il me faut convoquer la lecture du passage de la genèse selon lequel nous dominerons les poissons, les oiseaux et les animaux! Et, comme vous devriez le savoir, tout a foiré. Mais les animaux sont recueillis dans l’arche. Les oiseaux aussi. Mais pas les poissons.
    Que conclure de tout cela?

  2. Posté par Denis Bloud le

    Non, l’endettement n’est pas dû à une prétendue “impéritie” des pays mais tout simplement au fait que l’on applique aux crédits bancaires (Schriftgeld), créés ex-nihilo par des écritures comptables, les mêmes règles que pour les dépôts d’argent-travail (Bargeld). Les crédits scripturaux ne méritent pas de recevoir des intérêts et peuvent sans autre forme de procès être effacés des bilans, comme cela a souvent été fait. Cette confusion fondamentale est développée plus en détail sur la page http://dbloud.free.fr/limposturemonetaire.htm et n’a jamais été réfutée.

  3. Posté par pierre piller le

    Soit le peuple est abruti (ce qui est possible) soit nos gouvernants sont uniquement actifs pour des motifs électoraux (ce qui semble certain) mais faire croire que l’endettement est passé inaperçu de tout le monde pendant les plus de trente ans qu’il a fallu pour le constituer parait difficile à faire avaler. Les agences sont inutiles dès lors qu’il conviendrait que les forces politiques le crient. Pourquoi ne le font-elles pas? Parfois elles le font mais ce sont les citoyens qui ne veulent pas entendre. Quand 50% ne paient pas d’impôt direct (ou presque), seule la catastrophe finale règle le problème. Aussi simple que ça. Pas un rond aux Etats, pour cette raison, ma devise depuis quelques décennies. Le tombereau d’impôts versés me parait suffisant.

  4. Posté par Justin Noh le

    Quel cruel manque de discernement de la part d’un auto-proclamé “observateur”!”Un système capable de sécréter régulièrement les antidotes à ses propres dérives, en l’occurrence les agences de notations.” Vraiment? Vous allez pousser la caricature je-suis-de-droite-et-je-tape-sur-tout-ce-qui-peut-remettre-en-cause-un-système-si-merveilleux si loin? Les agences de notations, dans leur forme actuelle et dans le cadre législatif actuel, se profilent au contraire comme les symboles mêmes d’un système dont les fondations mêmes sont à repenser! Conflits d’intérêts permanents, échanges de bons procédés et autres sont en effet au cœur du travail des agences de notations, qui servent clairement la cause et les objectifs de leurs clients!
    Dois-je rappeler à l’observateur que vous êtes que les produits financiers communément appelés “subprimes” bénéficiaient de la note la plus élevée auprès de toutes les agences de notations, peu avant la crise qui porte le même nom? Et que dire de la note de Lehman Brothers, triple A deux jours avant son effondrement? Ou encore de la petite erreur de calcul lors de la récente dégradation de la note des États-Unis (2’000 milliards de dollars, une cacahuète!)? Alors s’il s’agit là de ce que vous définissez comme l’antidote à ce qui, soit dit en passant, apparaît clairement comme une pure construction (les successives crises de la dette), j’ai bien peur que vous soyiez un peu trop enthousiaste!

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