L’ancien chef de l’armée suisse Christophe Keckeis reprend du service. Retraité depuis 2007, le Neuchâtelois gère la sécurité du bateau solaire face aux attaques des pirates somaliens. Interview.
Le bateau solaire à pavillon suisse s’apprête à boucler le dernier quart de son tour du monde. Les organisateurs ont fait appel à vous pour déjouer les actes de piraterie, en vous confiant le titre de Chief security officer de l’expédition...
Christophe Keckeis : Le chef de l’expédition Raphaël Domjan est un ancien élève du Club d’aviation de Neuchâtel. Il m’a contacté en octobre dernier pour organiser l’aspect sécuritaire de ce passage qui avait été un peu délaissé dans l’euphorie du moment. J’ai demandé un délai de réflexion pour voir si mon réseau fonctionnait. J’ai répondu favorablement, car je trouve extraordinaire d’amener ce pavillon suisse à bon port. A l’image d’Alinghi, c’est un véritable exploit pour un pays non-marin.
Quel danger représente les pirates pour Planet Solar ?
Je suis étonné de voir à quel point la piraterie est devenue professionnelle. Actuellement, il y a 3000 pirates somaliens qui détiennent 10 à 13 bateaux – des yachts aux plus gros cargos – et environ 250 otages retenus en Somalie. Les chiffres évoluent de façon exponentielle dans une région qui va jusqu’en mer Rouge et aux Seychelles, dans un rayon de 1600 milles nautiques (3'000 km), et pratiquement jusqu’au large de l’Inde.
Il faut distinguer la piraterie de la criminalité organisée qui consiste à attaquer un petit bateau dans un port. Les pirates opèrent par définition dans les eaux internationales.
N’étant pas marin mais aviateur, j’ai pris des contacts un peu partout dans le monde. J’ai appris qu’il existait des différences importantes suivant les pays et les eaux territoriales traversées. De Bomba au Qatar, en décembre dernier, le bateau a longé les côtes de l’Iran, un pays sur pied de guerre obsédé par le danger des bateaux étrangers.
Avec ses formes futuristes, le bateau solaire ne passe pas inaperçu…
Il est spectaculaire, ressemblant presque à un avion furtif. En voyant cela, les Iraniens en ont quasiment fait une affaire d’Etat, croisant à dix mètres de sa coque. Mais le point culminant du risque sera le Golfe d’Aden avant d’arriver en mer Rouge.
Le risque de piraterie subsiste jusqu’à Djeddah. Planet Solar arbore le pavillon suisse, mais l’équipage est international et l’armateur est Allemand… Il y a aussi Météo-France qui est partenaire du projet, de même que le Ministère français de l’environnement. Côté helvétique, il bénéficie aussi du soutien de Présence suisse avec Nicolas Bidault à sa tête.
L’organisateur n’a-t-il pas sous-estimé le danger de piraterie ?
La route à suivre a été décidée en 2008 et la piraterie a augmenté en flèche ces dernières années. Le soutien des Français a aussi diminué après le choix de l’avion de combat suédois Gripen au détriment du Rafale.
Les relations avec l’armée française sont devenues beaucoup plus formelles. Nous avons demandé à la Confédération helvétique d’effectuer une demande d’aide formelle à Paris, ce que Berne n’a pas été en mesure de faire, la Suisse interdisant à ses concitoyens d’aller dans ces zones-là. Maintenant on sent que des deux côtés, personne ne peut se permettre une bavure. La Suisse a aussi deux otages au Pakistan. La tension est extrême sans parler des élections présidentielles. Dommage. Je sentais énormément de sympathie de la part de la Marine française qui est sur place. Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse de Paris.
Vous regrettez l’absence du détachement DRA 10 que Micheline Calmy-Rey voulait envoyer dans le Golfe pour protéger les cargos suisses...
La situation a évolué depuis lors. Tous les Etats étrangers ont revu leurs positions. Les Britanniques par exemple ont accepté des équipes de sécurité civiles armées sur leurs bateaux et ne comptent plus sur leur flotte de guerre. Toutes les options sont ouvertes jusqu’à la protection d’une unité d’escorte de la marine française ou celles d’ATALANTA , les forces de protection anti-pirates de l’EU NAVFOR présentes dans la région ou même l’OTAN. Mais les militaires manquent de bateaux. Il leur faudrait 80 navires de guerre pour couvrir raisonnablement tout le secteur, alors qu’ils n’en ont que 12 à 15.
Pour Planet Solar, la solution idéale serait celle d’une équipe de la marine française à bord. Il y a parallèlement toutes sortes d’entreprises privées qui se précipitent pour obtenir un contrat, mais leurs tarifs augmentent chaque jour, selon la loi de l’offre et de la demande. L’idéal serait de dénicher des militaires français fraîchement retraités, oeuvrant avec un statut civil. Mais la responsabilité juridique n’est pas la même en cas de mort d’homme. Le capitaine est alors responsable juridiquement. Ce n’est pas le cas de l’armée. Par ailleurs, les forces d’escorte doivent être commandées des mois à l’avance. Trop tard pour un passage en février…
Planet Solar ne passe pas inaperçu et sa vitesse de croisière est lente, faisant de lui une proie idéale…
Sa vitesse de croisière est de 4,5 nœuds (8 km/h), alors que la vitesse de convoi de bateaux de guerre est de l’ordre de 18 noeuds (près de 30 km/h). Il est trop lent et peu de bateaux de guerre peuvent croiser à cette allure. Cela fait de Planet Solar une proie facile.
Une autre tactique consiste à être imprévisible pour les pirates, à ne pas communiquer notre route exacte. Le passage du Golfe d’Aden sera le moment crucial des trois semaines de la traversée de Dubaï à Djibouti. Le bateau en soi n’intéresse pas vraiment les pirates. En général, ils prennent tout ce qu’ils peuvent à bord, y compris les passagers en otage. Pour un bateau occupé par quatre ou cinq personnes, c’est plus facile qu’un cargo avec une vingtaine d’hommes.
La piraterie est aussi devenue un véritable marché pour les sociétés de protection. Une compagnie hollandaise est en train de construire plusieurs bateaux conçus pour accompagner des cargos et assurer leur protection armée au-delà du canal de Suez. Ce sont des civils qui fonctionnent selon des standards très proches des militaires, avec des anciens militaires. Problème : ils fonctionnent selon l’offre et la demande et non selon des normes éthiques comme un soldat. Mais plus vous êtes près des normes, plus c’est cher !
Trop cher pour Planet Solar ?
Par bonheur, l’armateur allemand et sa fille qui a repris le flambeau me laissent le champ libre. Je vais aller en reconnaissance sur place pour définir les besoins militaires et civils. Je reçois sans arrêt des offres et je dois présenter la meilleure solution aux deux capitaines de Planet Solar.
Le tarif peut atteindre plusieurs centaines de milliers de francs. C’est cher, mais tout est relatif, si l’on compare avec la moyenne des rançons. Elles n’arrêtent pas d’augmenter : en 2011, on est passé à 3,4 millions par bateau, alors qu’on était au départ à 700'000 euros. La différence entre une équipe embarquée et un bateau d’escorte est de 1 à 10, mais la sécurité n’est pas dix fois meilleure pour autant. Le bateau solaire est conçu pour embarquer 40 personnes, mais il est clair – vu les risques de coups de feu – qu’il vaut mieux avoir un minimum de passagers. La protection à bord peut être assurée par un nombre très variable d’hommes armés. Mais tenir trois semaines avec une vigilance active jour et nuit et par tous les temps, c’est long. La norme standard est de huit personnes.
La dissuasion est importante, et la discrétion ?
Les pirates sont des gens bien informés. J’ai lancé quelques leurres pour mesurer le temps que cela prenait pour arriver à destination. J’ai eu la preuve concrète que cela fonctionnait très bien. On essaie aussi de désinformer et d’être imprévisibles, c’est une tactique militaire. Mais je ne compte plus sur une option nationale, qu’elle soit suisse ou française. Le climat est trop tendu. Ce n’est pas le bon moment et l’on doit agir vite. Je devais prendre ma décision à fin 2011 et j’ai dû la reporter. On a perdu du temps. Suivant l’option choisie, je devrai me rendre sur place entre une et trois semaines avant le passage du bateau.
Les pirates font-ils vraiment la loi au détriment des Etats ?
Il faudrait que les Etats durcissent leurs lois. Il n’est pas normal que le monde soit gouverné par les pirates. Sur le plan suisse, l’Office de la navigation à Bâle nous a donné l’autorisation d’être armés. Il faut aussi que l’armateur et le capitaine soient d’accord. Pour moi, ce serait le comble que la non-participation de soldats suisses à l’opération Atalante soit cause d’échec pour l’expédition.
Vous regrettez l’absence du DRA 10 dans la lutte anti-pirate…
Cela aurait été enfin une mission intelligente pour ces spécialistes de haut niveau. Cela faisait partie de la réforme de l’armée suisse. C’est moi qui les ai instruits jusqu’en août 2007, où ils étaient fin prêts. Quarante hommes étaient opérationnels, mais ils n’ont jamais reçu de missions adéquates.
Ce n’est pas dans les vues du chef du département Ueli Maurer ?
Non, mais je compte sur un autre chef de département pour mettre la pression. Cela va peut-être réalimenter le débat, mais pour plus tard. Pour Planet Solar, il est temps d’aller de l’avant.
Pour suivre le tour du monde de PlanetSolar :
Pour plus d'infos: http://www.planetsolar.org

Tout d’un coup, on comprend mieux le sens de l’intervention de Keckeis en faveur du Rafale… se concilier les grâces des Français ! Faut-il vraiment aller dans des eaux dangereuse en terme de piraterie pour valider un aspect technologique au niveau de la propulsion du navire? A part ça, félicitations pour votre lancement ! J’espère que vous aurez la clairvoyance de ne pas exiger absolument une identification des commentateurs à vos articles… à moins bien sûr de vouloir passer à côté du pouls de la population.
Le politiquement incorrect ne se concocte pas dans des salons où tout le monde est bien propre sur soi, cf. le succès et la saveur toute rabelaisienne d’un fdesouche.com !!
Soyons positif: c’est bien. Cela permet à une bande de copain de passer de jolies vacances aventureuses. Ça donne aussi bonne conscience à quelques businessman bobo. Que demande le peuple!